Le 21 septembre 2023, en amont de la présentation du prochain projet de loi de financement de la Sécurité Sociale, la Mutualité Française a dévoilé son premier « Carnet de santé ».
Destiné à éclairer la situation de notre modèle de santé et de protection sociale actuel, cet état des lieux s’appuie sur des données objectives et des données de perception, qui poussent la Mutualité Française à lancer un nouvel appel en faveur de mesures structurelles en termes d’organisation, de financement et d’efficience.
Un carnet de santé pour interroger les protections sociales d’aujourd’hui
Le 25 septembre, Eric Chenut, président de la Mutualité Française, et Séverine Salgado, directrice générale, ont réunis des journalistes afin de présenter la première édition du « Carnet de santé de la France ».
« À l’occasion de la rentrée sociale et politique, la sortie du « Carnet de santé » a pour ambition de devenir un rendez-vous annuel, permettant de mettre en évidence des données objectives, de cibler les enjeux à venir et de valoriser les propositions portées par la Mutualité Française.
Il souhaite venir éclairer les débats, dans l’optique de sortir de la vision des lois de financement de la sécurité sociale et d’aider à une transformation systémique indispensable » précise Eric Chenut.
En effet, alors que 8 Français sur 10 se déclarent inquiets et que près de 4 sur 10 se déclarent même « très inquiets » de l’avenir de la protection sociale, de nombreuses questions se posent quant à la pérennité du système actuel. Qu’il s’agisse de transition numérique, environnementale ou démographique : notre société se transforme ! De même, les besoins en santé évoluent et après 30 ans d’hyper réglementation et de régulation comptable, notre système de protection sociale ne répond plus à sa promesse originelle.
Les Français sont aujourd’hui 75 % à penser que le reste à charge va plutôt augmenter : une proportion en hausse continue depuis avril 2021 où ils n’étaient « que » 60%. Selon Eric Chenut il est donc devenu indispensable « d’interroger en profondeur les protections sociales aujourd’hui mises en place. Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2024 devrait mettre en place des mesures favorisant la prévention, l’organisation des soins, l’accès à la complémentaire santé. »
Maîtriser certains coûts et investir pour gagner en efficience
Selon la Mutualité Française, les mesures d’économie de court terme proposées par le gouvernement ne sont pas des réponses à la hauteur des enjeux : « la pénurie de l’offre de soins et de services est criante et entraîne des renoncements ou des retards de soins et donc des pertes de chance. » De surcroît, le développement des maladies chroniques et les effets du réchauffement climatique présagent des répercussions sur les besoins en santé.
« Si nous voulons pérenniser notre système de protection sociale, nous devons changer de méthode pour avoir une approche globale, de long terme, avec un pilotage pluriannuel et le développement d’une culture de la prévention. » insiste le communiqué de presse.
En juillet dernier, la Mutualité française lançait déjà un appel pour mutualiser le risque de dépendance, face à un coût déjà évalué à 30 milliards d’euros par an et une perspective de 15% de la population ayant plus de 75 ans dans 20 ans.
« La Mutualité Française souhaite contribuer au débat public sur les nécessaires transformations du système de santé et de protection sociale. Toutes les parties prenantes (professionnels de santé, associations de patients, collectivités territoriales, assurance maladie, mutuelles) doivent être associées pour converger vers un objectif commun : l’accès effectif aux soins et à une protection sociale tout au long de la vie. Au-delà des mesures indispensables qu’il doit intégrer, le PLFSS 2024 doit être aussi l’occasion d’un débat sur une réforme plus structurelle du système de protection sociale. » précise son président.
Les propositions de la Mutualité Française pour le PLFSS 2024
Le changement de méthode que prône la Mutualité Française implique de partager des évaluations, des études d’impacts et un suivi des politiques mises en place.
La société paie cher son système de santé et ce coût va continuer à croître, notamment avec des actes redondants comme les fraudes qui fragilisent sa soutenabilité. C’est pourquoi la mutualité Française préconise :
- D’arrêter de rembourser des médicaments dont le service médical rendu est insuffisant.
- Le partage des informations entre l’Assurance Maladie et les complémentaires santé afin de mieux gérer le risque et lutter plus efficacement contre la fraude.
Mais les propositions présentées dans le carnet de santé de la Mutualité Française ne s’arrêtent pas là :
Mettre la prévention au cœur des politiques de santé
Convaincues de l’importance d’une approche préventive de la santé, les mutuelles mènent aujourd’hui plus de 26 000 actions de prévention sur le territoire chaque année. Des thérapies non-médicamenteuses ont d’ailleurs déjà montré leur efficacité en cas d’obésité, d’hypertension artérielle, de diabète de type 2 et pour certains cancers. Il s’agit par exemple de l’activité physique adaptée prescrite par un médecin ou du recours à un diététicien qui ont été validées scientifiquement par la Haute Autorité de Santé et l’INSERM.
C’est en ce sens que la Mutualité Française propose :
- De contribuer à la construction des parcours prévention aux âges clés ;
- Une baisse de la fiscalité (avec une TSA minorée) des contrats de complémentaire santé qui proposent à leurs adhérents des actions de prévention.
Repenser l’organisation des soins
La raréfaction du temps médical et le développement des maladies chroniques impliquent de repenser notre système de soins. Aujourd’hui, le médecin traitant ne peut organiser seul un parcours de soins : le partage de compétences au sein d’une « équipe de soins traitante » doit être envisagée. Choisie par le patient, elle devrait être constituée a minima d’un médecin, d’un assistant médical, d’un infirmier et d’un pharmacien. Une telle organisation allégerait notamment la charge des médecins et limiterait le renoncement aux soins et/ou prise en charge trop tardive.
C’est pourquoi la Mutualité préconise :
- D’expérimenter l’« équipe de soins traitante » sur des zones caractérisées par une offre de soins particulièrement insuffisante ;
- D’instaurer une égalité de traitement entre le secteur public et le secteur privé non lucratif ;
- De transposer automatiquement des mesures de revalorisations à l’ensemble des personnels afin d’assurer l’attractivité des métiers.
Renforcer l’accès à la complémentaire santé
De nombreux français, et tout particulièrement les retraités, ne bénéficient d’aucune aide fiscale ou sociale pour leur contrat de complémentaire santé. Face à ce constat, la Mutualité Française appelle à :
- Renforcer l’accès à la complémentaire santé des populations les plus fragiles, en diminuant à 7,04% la TSA2 sur les contrats non aidés 3
Compenser les exonérations de cotisations sociales pour financer le système de protection sociale
Aujourd’hui c’est une perspective de recettes d’à peine 800 millions d’euros qui sera financée par le doublement des franchises médicales sur les médicaments et les consultations. Selon la Mutualité Française, les pouvoirs publics devrait dès 2024 :
- Rétablir le principe de compensation systématique et intégrale des exonérations de cotisations sociales. Celle-ci permettrait de récupérer 3 fois plus, à savoir 2,1 milliards d’euros, et contribuerait à rééquilibrer le système.
« Carnet de santé de la France » : un état des lieux et une vision globale des assurés sociaux
Les chiffres du Carnet de santé sont issus d’un sondage d’opinion Harris Interactive mené en août 2023, et complétés par des données objectives sur notre système de protection sociale.
Avec pour ambition de devenir un rendez-vous annuel destiné à porter la parole des assurés sociaux, « la particularité de cette publication est de venir mettre en miroir des données statistiques et institutionnelles, issus d’études publiques et objectives, face à des données de perception des Français, dans le but d’une approche globale où l’ensemble de ces informations se répondent. » a expliqué Éric Chenu lors de la conférence de presse du 25 septembre.
Le Carnet de santé de la Mutualité Française veut ainsi offrir une vision générale de nos concitoyens sur notre système de protection sociale et permettre de suivre, année après année, l’évolution de certains indicateurs clés de son état de santé, tout en mettant en perspective les textes annuels de financement de la sécurité sociale.