Le Médiateur de l’Assurance, Arnaud Chneiweiss, publie son rapport annuel d’activité dans lequel il révèle une explosion des saisines de la médiation.
Si cette hausse spectaculaire est en partie due à l’entrée en vigueur de la réforme sur le traitement des réclamations, les constats de La Médiation de l’Assurance ne s’arrêtent pas à cette simple cause.
La hausse « spectaculaire » des saisines de la Médiation de l’Assurance
« Spectaculaire » est le terme employé par Arnaud Chneiweiss pour qualifier la hausse du nombre de saisines de la médiation, lors de la présentation de son rapport annuel d’activité 2022, organisée par l’Association nationale des journalistes en assurance (Anja).
En effet, la Médiation de l’Assurance (LMA) a reçu 21 502 saisines en 2022, ce qui représente une augmentation de 9,2 % par rapport à 2021 et de presque 50 % sur les trois dernières années. Mais avec l’entrée en vigueur, le 31 décembre 2022, de la réforme du traitement des réclamations, qui permet aux assurés de saisir le Médiateur deux mois après l’expression écrite d’un mécontentement auprès de leur assureur 2023 promet d’être une année record !
Car à la fin du mois de juillet ce sont déjà 26 695 saisines qui ont été comptabilisées : « Nous avons certainement atteint, en cette fin de mois d’août, plus de 27 000 saisines », affirme le Médiateur.
Cette hausse significative était cependant prévisible avec l’entrée en vigueur de la réforme sur le traitement des réclamations. Et tout particulièrement la réduction du délai (2 mois) de résolution du dossier par les assureurs qui a fait exploser les recours au médiateur.
C’est pourquoi, la LMA préconise fortement un renforcement des services réclamations chez certains acteurs.
L’impact marqué des assurances dommage et santé
L’assurance dommage a été mentionnée par le médiateur comme le « choc principal » de ce rapport. En effet, les litiges en rapport avec un contrat d’assurance de biens et de responsabilité sont toujours les plus représentés en 2022 avec 62 % :
- 31% pour les assurance multirisque habitation ;
- 29% de contrats automobiles.
Les contrats d’assurance affinitaire représentent 18 % de litiges portés à la connaissance de la médiation. D’ailleurs, après une baisse en 2021, les dossiers relatifs à une assurance de téléphone portable ont augmenté de 80% et ceux sur les assurances de voyage de 38 %.
Par ailleurs, 38% des litiges portent sur une assurance de personne :
- 31 % concernent les contrats de prévoyance (santé, retraite, obsèques, emprunteurs…) ;
- 7 % des contrats d’assurance vie.
Le rapport du médiateur révèle ainsi que les contrats d’assurance santé sont une source importante de litiges (28 %) tandis que les différends portant sur l’assurance emprunteur sont à l’origine de 19 % des saisines en assurance de personnes :
- 18 % concernent l’assurance vie ;
- 15 % concernent des contrats de prévoyance, garantissant le décès, l’invalidité ou l’incapacité.
Enfin, le rapport du Médiateur constate une augmentation de 31% du nombre de litiges sur des dossiers habitation, 7% d’entre eux invoquant des problèmes de sécheresse. Et le contexte environnemental actuel laisse présager une augmentation du nombre de litiges climatiques dans les années à venir.
La LMA veut rétablir la confiance face à la défiance des assurés
Comme nous en avions parlés dans un précédent article, cette hausse conséquente des Saisines révèle également un certain sentiment de défiance chez beaucoup d’assurés, vis-à-vis de leur assureur comme de l’expert qui intervient pour évaluer leur sinistre. C’est pourquoi LMA veille à rétablir leur confiance, en contribuant à la compréhension des modalités de leur contrat par les assurés et, dans un souci d’amélioration des pratiques, en vérifiant leurs bonnes applications.
Et cette mise en confiance se révèle dans les chiffres puisqu’en 2022, la Médiation de l’Assurance est allée, en tout ou partie, dans le sens de l’assuré pour 31 % des 4 368 propositions de solution rédigées, et dans 6 % des cas, il s’agit de décisions en équité.
Avec un délai de réponse de 7 mois en moyenne, les assurés ont donc eu satisfaction dans près d’un cas sur deux en 2022 et dans plus de la moitié des cas au premier semestre 2023. Tout en prenant en considération les transactions amiables engagées par les assureurs lorsqu’ils constatent que la Médiation a été saisie, les assurés reprennent ainsi confiance, grâce également à un traitement des dossiers effectué dans les 3 mois pour 30 % des cas et pour 40 % des saisines au premier semestre 2023.
Les pistes d’amélioration de LMA pour retrouver la confiance des assurés
Face à cette forte défiance des assurés qui mettent notamment en cause l’impartialité des experts leurs compétences mais également leur délai d’intervention, le médiateur a profité de ce rapport pour présenter 3 pistes d’amélioration nécessaire pour rétablir la confiance.
1. L’encadrement de la procédure d’expertise
Bien qu’elle soit d’une importance majeure, tant pour l’assuré qui attend réparation de son dommage que pour l’assureur qui en a la nécessité afin de pouvoir apprécier l’étendue de ses engagements contractuels, l’expertise est source de nombreux litiges. Méconnaissance de la procédure, doute sur l’indépendance ou la compétence de l’expert, contestation du rapport : les raisons des saisines sont multiples.
Pour remédier à cet état de défiance ressentie envers l’expert envoyé par l’assureur, le médiateur préconise donc de réfléchir à :
- Un mécanisme de désignation aléatoire de l’expert, à partir d’une liste d’experts référencés par toute la Profession de l’assurance ;
- Un renforcement des règles professionnelles et déontologiques qui entourent le métier d’expert dans l’objectif de réduire les doutes sur leur indépendance et leur compétence, en mettant en place une certification ;
- La mise en place d’un délai raisonnable pour la désignation de l’expert, par exemple quinze jours à compter de la déclaration de sinistre, et pour la conduite de l’expertise, par exemple trois mois à compter de la désignation.
- La transmission obligatoire du rapport de l’expert à l’assuré afin d’améliorer la transparence et la confiance dans le processus d’évaluation des dommages.
2. La clarté des contrats
De gros efforts doivent être faits sur la rédaction des contrats d’assurance et notamment en ce qui concerne le choix du vocabulaire utilisé. Ainsi, le Médiateur de l’Assurance préconise de veiller à ce que les définitions utilisées dans les contrats ne s’éloignent pas du langage courant.
En effet, la liberté contractuelle impliquant que deux parties à un contrat peuvent décider que pour ledit contrat tel mot aura telle signification : cela conduit à des situations incompréhensibles. Et dans une grande majorité des cas, l’assuré a le sentiment d’avoir été trompé, notamment si au moment de la souscription, son attention n’a pas été attirée sur la définition retenue. Les exemples d’incompréhension sont nombreux, notamment pour des mots comme « effraction », « accident », « invalidité » ou « blessure », dont les définitions communément connues se retrouvent bien plus restrictives dans les contrats d’assurance.
« Au moment de la souscription, il est indispensable que les professionnels explicitent ces notions aux assurés. » insiste le médiateur.
Ainsi, en parallèle de cette clarté rédactionnelle, un travail est à faire sur la qualité du conseil, tant au moment de la souscription que tout au long de la vie du contrat :
- Au moment de la souscription: « il est de l’intérêt de tous que l’échange dure un certain temps pour que le devoir de conseil puisse s’exercer. Le conseiller en assurance doit pousser l’assuré à s’interroger sur ses souhaits et besoins. »
- Tout au long de la vie du contrat: l’assureur doit « faire le point régulièrement avec son assuré – un entretien au moins tous les deux ans serait une bonne pratique – pour savoir si des changements sont intervenus dans sa situation permet d’actualiser le contrat en conséquence. »
Des constats pour faire évoluer les pratiques du secteur
« Le but n’est pas que la Médiation devienne le service réclamation des assureurs », alerte Arnaud Chneiweiss. Et c’est en ce sens que les constats de LMA s’attachent à vouloir faire évoluer les pratiques du secteur.
Simplifier et harmoniser la résiliation des contrats d’assurance
Avec aujourd’hui, seize modalités possibles pour résilier un contrat d’assurance, le Médiateur de l’Assurance a alerté sur le sujet de cette complexité et le Comité consultatif du secteur financier (CCSF) s’est emparé du dossier.
Ainsi, en mai 2022, le CCSF a publié un avis pour aller vers la simplification des modalités de résiliation avec une mise en œuvre au 1er juillet 2023. La philosophie est d’aller vers une extension de la possibilité de résilier « à tout moment » après un an de détention du contrat.
Du consommateur aux assureurs, tous les acteurs ont convenu que cette complexité n’était bonne pour personne et le décret n° 2023-182 du 16 mars 2023 portant sur les modalités de la mise en œuvre de la résiliation en 3 clics devrait aller dans le sens de cette simplification tant attendue.
Un vigilance accrue des assurances affinitaires
Le nombre de litiges portant sur des contrats d’assurance affinitaires a augmenté de 80 % en 2022. En effet, ils ont représenté 18 % des saisines de LMA en assurance de dommages en 2022, et en particulier les assurances de téléphone portable (12 %). Au premier semestre 2023, les assurances affinitaires représentent déjà 21 % des saisines en assurance dommages.