La demande croissante de combustibles fossiles et les pressions environnementales ont forcé certains producteurs de charbon à faire face à une dure réalité : l’auto-assurance.
En réponse à des restrictions d’assurance croissantes pour l’industrie du charbon, ces entreprises sont contraintes de mettre de côté des millions de dollars pour couvrir leurs risques, un changement qui perturbe leur façon de faire des affaires.
LONDRES, 31 août 2023 – Des dizaines d’assureurs ont annoncé des restrictions à leur couverture pour l’industrie du charbon, en particulier pour de nouveaux projets, en réponse à la pression des actionnaires, des gouvernements et des groupes environnementaux qui souhaitent limiter la contribution du charbon au réchauffement climatique. Ces décisions font suite à des mouvements similaires de la part des banques pour restreindre leurs activités de financement du charbon.
Pour les producteurs de charbon, une assurance étendue couvrant leurs opérations, leurs biens, leur équipement et leur responsabilité environnementale est essentielle. Toutefois, trois courtiers en assurance ont déclaré qu’il peut maintenant falloir des mois et des dizaines de demandes pour trouver une telle couverture.
Le dilemme de l’industrie du charbon est clair : soit se résoudre à une assurance plus difficile à obtenir et à des coûts plus élevés, soit se tourner vers l’auto-assurance et l’autofinancement pour préserver leur viabilité.
Des initiatives d’auto-assurance émergent
Certaines entreprises minières, notamment Seriti Resources d’Afrique du Sud et Thungela Resources (TGAJ.J), ont choisi de mettre de côté des capitaux considérables pour s’auto-assurer contre les pertes importantes et moins fréquentes. Pourtant, même si cette solution permet d’éviter des coûts d’assurance prohibitifs, elle mobilise d’importantes ressources sur leurs bilans.
« Reconnaissant que les facteurs ESG et connexes réduisent la capacité d’assurance mondiale du charbon thermique, Seriti s’est engagée dans un voyage vers une augmentation de l’auto-assurance », a déclaré Doug Gain, directeur financier de Seriti. Pour les producteurs qui fournissent de nombreuses centrales électriques au charbon en Afrique du Sud, la question de l’auto-assurance devient cruciale.
Une menace sur le financement
Bien que certains producteurs de charbon ne rencontrent pas de difficultés immédiates pour obtenir des financements auprès des banques, la recherche de couverture d’assurance devient plus complexe. Les analystes du secteur avertissent que cette situation pourrait entraîner une augmentation des coûts de production, rendant plus difficile le financement des activités.
« Le financement devient impossible sans assurance », souligne Ben Davis, analyste en actions chez Liberum. Alors que les producteurs existants peuvent encore mettre de l’argent de côté grâce aux prix élevés du charbon, ceux qui ne se préparent pas à l’avenir pourraient rencontrer des difficultés.
Impact sur les primes d’assurance
La réduction de l’offre d’assurance pour les producteurs de charbon a entraîné une augmentation des primes, presque trois fois supérieure à un indice de référence de l’industrie, selon les données du courtier Willis Towers Watson. L’assurance du charbon thermique a vu ses tarifs augmenter de plus de 20 % l’année dernière, dépassant largement la hausse de 7,3 % de l’indice Marsh Global Insurance Market.
Une industrie en évolution
La crise de l’assurance charbon s’accompagne de changements profonds. Quarante-cinq compagnies d’assurance ont introduit des restrictions à la couverture de l’industrie du charbon, dont Allianz, Swiss Re et Munich Re, en réponse aux pressions environnementales croissantes.
Certaines compagnies d’assurance, comme AEGIS des Bermudes, PICC de Chine, SOGAZ de Russie, Chubb de Suisse et Allianz d’Allemagne, ont encore des activités importantes liées aux énergies fossiles. Néanmoins, d’autres, comme Allianz, ont annoncé leur intention de mettre fin à leurs activités liées au charbon d’ici 2040.
Vers une auto-assurance généralisée
Certains producteurs de charbon ont créé leur propre société d’auto-assurance, appelée captif (Captive Insurance Company en anglais), combinant leurs ressources avec des compagnies d’assurance individuelles et des réassureurs. Cette solution leur permet de mieux gérer les risques tout en préservant leurs activités.
Alors que la disponibilité de l’assurance charbon diminue, l’industrie minière du charbon continue de croître. Selon l’agence internationale de l’énergie (AIE), la production mondiale devrait dépasser le record de l’année dernière, atteignant 8,6 milliards de tonnes en 2023, en raison de la crise énergétique provoquée par l’invasion de l’Ukraine par la Russie.
Néanmoins, la nécessité pour les producteurs de provisionner des fonds pour l’auto-assurance peut les rendre vulnérables à des coûts importants en cas de problème. Les analystes du secteur estiment que les producteurs existants peuvent absorber les coûts grâce à leurs profits records de l’année dernière, mais que les temps difficiles pourraient se profiler à l’horizon pour ceux qui ne se préparent pas.
L’industrie de l’assurance charbon évolue rapidement, forçant les producteurs à repenser leur approche en matière de couverture des risques et d’auto-assurance. Les défis actuels pourraient bien façonner l’avenir de cette industrie.
Source utilisée : reuters