Si les entreprises assurent avoir de réelles difficultés à recruter et sont confrontées au turn-over pour séduire et fidéliser, les sociétés doivent plus que jamais soigner leur marque employeur. C’est particulièrement vrai dans le secteur de l’assurance, confronté à des tensions sur l’emploi.
Sur ce sujet de la marque employeur, nous avons interviewé, Fanchon RIBANO, Leader de l’équipe Parcours et Communication RH à la Direction des Richesses Humaines – MAIF
Faut-il pour séduire et fidéliser les collaborateurs, pour développer et soigner la marque employeur ?
Il convient sans doute de rappeler ce qui se cache derrière le concept de marque employeur : elle s’articule autour de la perception qu’ont les candidats et les salariés d’une entreprise. Elle englobe tous les éléments qui permettent à une entreprise de se positionner comme un employeur de confiance : ses valeurs, sa mission, l’expérience candidat, l’expérience collaborateur…
De fait, la marque employeur soulève plusieurs défis : l’attractivité (pourquoi un candidat rejoindrait l’entreprise ?) ; la fidélisation (pourquoi un talent, jeune ou moins jeune, resterait dans l’organisation ?) ; l’engagement (pourquoi un collaborateur s’y investirait ?). Dans un marché du travail en pleine mutation, où les aspirations professionnelles évoluent, où les salariés sont moins engagés et où les candidats sont de plus en plus exigeants, soigner sa marque employeur devient un enjeu pour attirer et fidéliser les collaborateurs.
La marque employeur est-elle devenue un sujet « stratégique » pour les entreprises ? La vôtre ?
Le concept de marque employeur existe depuis plusieurs années, mais s’est démocratisé́ ces dernières années avec l’avènement des réseaux sociaux et des sites de notation. Pour répondre à la question, laissons parler les chiffres : 87% des candidatures commencent par une recherche en ligne sur la réputation de l’entreprise. D’un point de vue employeur, les entreprises qui ont une forte marque employeur diminuent leurs coûts à l’embauche de 43% (source LinkHumans).
Donc oui, pour la MAIF c’est stratégique et ce depuis bientôt 10 ans. Nous sommes vigilants aux évaluations et aux avis laissés sur les sites de notations auxquels nous répondons ; aux feedbacks des candidats et des salariés qui s’expriment à travers les enquêtes. Les baromètres que nous menons et qui nous permettent de capter les attentes sont sources pour nous d’amélioration.
La marque employeur porte l’identité de l’entreprise, son ADN social et/ou sociétal. Votre réaction ? Quels sont, selon vous, les contours, les caractéristiques d’une marque employeur efficiente ?
Une marque employeur ne se crée pas artificiellement. Elle fait écho à la réalité de l’entreprise, elle est efficiente quand il n’y a pas de dissonance entre les messages véhiculés en externe et le vécu des salariés. Elle englobe plusieurs volets :
– Les valeurs de l’entreprise, c’est-à-dire son ADN, les messages qu’elle souhaite transmettre et véhiculer auprès de ses clients et de ses collaborateurs.
– Le recrutement ou « le parcours candidat » : la marque employeur intervient donc bien avant l’arrivée des collaborateurs. Cela passe par une offre d’emploi claire et transparente et la communication de l’entreprise à chaque étape du recrutement. Le parcours candidat va jusqu’à l’onboarding du salarié dans l’entreprise. À la MAIF, nous réalisons 8 Welcome Day par an. Le Welcome Day est un événement d’intégration des nouveaux talents, pendant lequel ils peuvent échanger entre nouveaux arrivants, ils découvrent les valeurs de MAIF, son statut, etc.
– Les politiques RH ou ce qu’on appelle « l’EVP (Employee Value Proposition) : toutes les contreparties, les avantages et les conditions de travail proposés aux salariés (rémunération, formations, avantages financiers et sociaux, organisation du temps de travail etc.)
– Le style de management de l’entreprise. Côté MAIF, nous avons fait le choix – dès 2014 – du management par la confiance. Il est important que les salariés soient fiers de ce qu’ils font. La réalisation de soi n’est pas antinomique avec la performance. Cela impose d’avoir un management participatif, reposant sur la confiance.
– La communication : aussi bien en interne (via un intranet par exemple) qu’en externe (par les réseaux sociaux, le site Carrière de l’entreprise, la présence lors de salons, les événements).
Quelles sont les tendances et les bonnes pratiques d’une marque employeur ? Peut-on évaluer son impact ?
Une entreprise doit être sur plusieurs fronts afin d’avoir une vision à 360 ° et évaluer son impact en tant qu’employeur. C’est ce que fait MAIF à travers :
– Des indicateurs quantitatifs : la fréquentation de son site Carrière, le nombre d’abonnés sur ses réseaux sociaux etc. En 2022 par exemple, plus de 72300 visiteurs uniques se sont rendus sur notre site Employeur MAIF, soit une hausse de 17%. Les pages qui ont été les plus visitées sont celles en lien avec l’alternance, notre parcours candidat et nos campus de formation MAIF.
– La perception de l’image employeur (sur des sites de notation tels que Glassdoor avec le % de recommandation, notation sur 5, approbation du DG etc. ; sur sa présence dans des prix et labels)
– Par la mesure de l’engagement interne, qui est enrichie de nombreux éléments qualitatifs/ressentis à travers l’analyse des verbatims (baromètre, eNPS.)
– Par des enquêtes sur ses parcours collaborateurs et/ou conditions de travail (exemples : HappyTrainees / HappyCandidate / Potential Park etc.). À la MAIF, par exemple, nous sommes labellisés “HappyTrainees” par ChooseMyCompany et 93,5% des étudiants recommandent MAIF pour y faire un stage ou une alternance.
Pour pouvoir piloter sa stratégie employeur et l’ajuster constamment, les indicateurs devront être en phase avec les objectifs prioritaires de l’entreprise.
Les sociétés doivent plus que jamais soigner leur marque employeur. Est-ce particulièrement vrai dans le secteur de l’assurance, qui semble souffrir d’un déficit d’attractivité ?
Le secteur de l’assurance ne fait pas rêver a priori : structurellement, nous avons un déficit d’attractivité, même si nous ne sommes pas les plus pénalisés (comme c’est le cas pour les secteurs de la restauration ou de la santé).
Il nous faut éclairer la réalité de nos métiers dits « cœur » d’assurance, qui sont beaucoup tournés vers la relation à l’autre.
Nous le faisons à travers des événements de recrutement, la mise en place de partenariats écoles, la création de campus de formation MAIF qui permettent des reconversions… MAIF est n°1 de la relation client depuis plus de 18 ans et régulièrement plébiscitée pour l’excellence de sa relation sociétaire.
C’est une force. À la MAIF, nous avons toujours autant de volume de candidats qui postulent à nos offres. Ils ont, en revanche, de nouvelles attentes en matière de rémunération, de salaires…
L’entreprise doit s’y préparer. Pour répondre à ces attentes fortes, nous avons, par exemple, développé́ en 2022 la “galerie des avantages sociaux”. Un espace disponible sur notre intranet, accessible par tous nos collaborateurs.
L’objectif ? Que chacun puisse retrouver facilement tous les avantages proposés par MAIF, et découvrir ceux qui répondent à chaque situation et à chaque besoin. La tendance s’est inversée : ce sont les employeurs qui doivent vendre leur modèle d’entreprise et le travail qui est proposé. Cela demande un exercice d’adaptation car tout le monde n’a pas les mêmes questions et les mêmes aspirations.
Nous devons être capables de promouvoir notre modèle tout en nous ajustant à chaque individu. Notre statut d’entreprise à mission et nos valeurs fortes sont un des atouts qui continue à nous porter, notamment au regard des aspirations des nouvelles générations sur le climat.
Différentes marques du secteur de l’assurance « utilisent » des collaborateurs comme « porte-parole » ou « ambassadeur » de l’entreprise. Quel est votre avis ?
Nous proposons à nos salariés de prendre la parole via des vidéos métier, des portraits ; de représenter la marque via leur « image » photo sur nos campagnes de recrutement… Ils répondent volontiers présents ! La fierté́ d’appartenance à l’entreprise est très forte : 84% de nos équipes recommandent MAIF pour y travailler (enquête interne). Nous testons depuis peu un dispositif d’ambassadeurs sur les réseaux sociaux.
Nous proposons, aux salariés qui le souhaitent, de s’exprimer sur des sujets d’actualités de MAIF, selon leur temps disponible. Ils bénéficient alors d’un accompagnement pour prendre la parole, mais ne sont absolument pas vecteurs de messages décidés par l’entreprise. La démarche ambassadeurs prend toute sa force et son sens si elle est volontaire et non prescrite.
Pour conclure ?
L’image d’une marque d’entreprise nourrit sa « marque employeur » et …vice versa. Nous estimons que 64% des clients d’une marque ont déjà arrêté d’acheter ses produits après avoir appris que celle-ci malmenait ses équipes. La marque employeur a donc bien un retentissement sur l’identité́ de l’entreprise et sa réputation (Source LinkHumans).
Le volet employeur, le volet institutionnel et le volet commercial d’une entreprise sont ainsi intrinsèquement liés et se nourrissent mutuellement. Fort de cette conviction, l’attention sincère que nous portons à nos publics, qu’ils soient clients/sociétaires ou candidat/salariés, est identique.
Crédit Photo Mélanie Chaigneau / MAIF