Depuis septembre 2022, les emprunteurs peuvent changer l’assurance de leur prêt immobilier à usage d’habitation sans avoir à respecter de préavis ou d’échéance annuelle.
De plus, à garantie équivalente, la loi Lemoine ne permet plus aux banques de refuser ce changement. Mais les emprunteurs font-ils jouer cette loi qui leur permet de faire des économies en se tournant vers les offres alternatives des assureurs ? Allianz France, Assurly et Sécurimut se sont penchés sur la question.
Pouvoir changer d’assurance emprunteur : un dispositif qui plaît ?
Entrée en vigueur le 1er septembre 2022, la loi Lemoine est une aubaine pour les emprunteurs qui peuvent faire jouer la concurrence pour faire des économies sur leur assurance pour tous les prêts immobiliers à usage d’habitation.
Mais, ont-ils connaissance de cette opportunité ? L’utilisent-ils pour optimiser le tarif et/ou les garanties de leur assurance de prêt immobilier ? Entre le 3 et le 16 mars 2023 Allianz a mené l’enquête en interrogeant 2 641 de ses clients et sur les 872 répondants 20 % ont déjà changé d’assurance emprunteur. Ce dispositif tendrait-il donc à devenir populaire ?
Pas certain selon l’étude de Sécurimut qui relève qu’en matière de substitution d’assurance, si la résiliation infra-annuelle (RIA) mise en œuvre en septembre 2022 a apporté un net regain de demandes de substitutions sur la fin de l’année, elle s’est grandement assagie en 2023 du fait de la faible production de crédit en 2022.
La banque : premier assureur de prêt immobilier
Parmi les répondants à l’étude 2023 d’Allianz, 65% détiennent au moins un type de crédit, dont 82% jusqu’à deux types de crédits :
- 37% remboursent notamment un crédit immobilier pour leur résidence principale ;
- 15% pour un investissement locatif ;
- 5% pour leur résidence secondaire.
Mais les répondants sont encore principalement (à 59%) assurés auprès de la banque avec laquelle ils ont souscrit leur prêt immobilier. Et le chiffre monte à 78% pour leur résidence secondaire et 62% pour leur investissement locatif.
Cependant, la tendance d’ouverture du marché serait encourageante selon Allianz France, puisque ce chiffre est en baisse de 7 points. La comparaison est faite avec une étude similaire que le groupe a mené en mai 2022 auprès de 2 798 de ses clients, dont 1251 avaient répondu : 66 % de ces clients étaient assurés auprès de la banque avec laquelle ils ont souscrit leur prêt immobilier.
Mais selon le rapport de Sécurimut, les établissements prêteurs détiennent toujours près de 87,6 % du marché !
Changer d’assurance emprunteur : pourquoi et quand ?
Plusieurs facteurs encourageraient les sondés d’Allianz à changer d’assurance emprunteur :
- 70 % d’entre eux l’effectueraient afin de faire des économies importantes ;
- 44 % pour profiter de démarches simplifiées ;
- 22 % pour bénéficier d’une garantie plus couvrante.
Des chiffres confirmés par une autre enquête menée par PwC pour l’insurtech Assurly auprès de 1 000 personnes ayant un crédit immobilier en cours, via un questionnaire visant à explorer trois sujets majeurs : le niveau de connaissance de la loi Lemoine, la sensibilité au prix et les critères de changement d’assurance.
Les résultats de l’enquête montrent que pour 87 % des sondés, le prix serait le critère principal qui motiverait les assurés à changer d’assurance emprunteur. Ce critère arrive loin devant « une offre plus riche » et « un meilleur service client ». Il semble également que la rapidité et la facilité de changement pourraient inciter davantage de personnes à tirer parti des avantages de la loi Lemoine.
Par ailleurs, 56% des répondants à l’enquête d’Allianz estiment que le moment le plus pertinent pour mettre en concurrence l’assurance de prêt proposée par la banque est lors de la souscription. Cependant, 19% d’entre eux préfèrent le faire après la mise en place de leur prêt pour en sécuriser l’acceptation par la banque.
Pourtant l’étude de Sécurimut montre que les difficultés de pouvoir d’achat des emprunteurs ont conduit les banques à baisser leurs garanties d’assurance de base, mais également leurs quotités et leurs exigences de garanties. Ainsi, alors que le marché évoluait depuis 2015 vers des contrats remplissant de plus en plus les critères prévus par la règle de place de l’équivalence de garanties, les banques sont revenues en arrière en jouant la diversion et en complexifiant leurs contrats, à grand renfort d’options et de nouvelles garanties démagogiques, surfant sur des sujets en vogue (notamment l’inclusion).
Une application ralentie par un manque d’information et par les banques
Deux répondants Allianz sur trois et 66% des sondés Assurly savent qu’ils peuvent changer d’assurance emprunteur, dès l’offre de prêt et à tout moment, sans avoir besoin d’attendre l’échéance annuelle.
Cependant, l’application de ce dispositif pourrait être ralentie par un manque d’information des emprunteurs. En effet, l’existence de la loi Lemoine et ses modalités sont seulement connues de 11 % des répondants Assurly, et moins d’un sur deux sait que la loi a supprimé le questionnaire de santé sous certaines conditions.
De plus, un tiers des répondants Allianz a déclaré ne pas savoir quel est le coût de son assurance emprunteur et seulement un sur dix connaît le montant de son échéance globale mensuelle. Tandis que près de la moitié (48 %) des sondés Assurly trouvent que leur assurance de prêt immobilier est trop chère, et que la majorité d’entre eux (55 %) envisagent d’en changer.
« Cette enquête valide notre intuition : la majorité des personnes interrogées considèrent payer leur assurance trop chère, mais ne connaissent pas les avantages et les économies possibles liées au changement d’assurance. À nous de leur montrer le chemin ! » déclare le CEO d’Assurly, Toufik Gozim.
De surcroît, l’étude de Sécurimut précise que la production de nouveaux crédits immobiliers a été sérieusement grippée depuis la fin du 1er trimestre 2022 par la remontée des taux. Une partie des emprunteurs s’est retrouvée en manque de solvabilité, quand le taux de l’usure, inadapté à cette période de hausse rapide des taux, a aussi privé de crédit des emprunteurs solvables dont le coût d’assurance était supérieur à la moyenne.
Ce contexte a conduit à une intégration plus partielle que jamais des coûts d’assurance dans le TAEG des crédits, amplifiant la désinformation des emprunteurs sur le coût de l’assurance et l’inadéquation du taux de l’usure à la situation du marché.
Du point de vue du traitement des demandes de substitution, si plus aucune banque aujourd’hui ne se permet de ne pas répondre, ce qui n’était pas le cas en 2021, les délais ne sont pas encore respectés.
L’étude de Sécurimut a même noté des difficultés accrues à faire face aux délais légaux pour les banques les plus touchées par les volumes de substitutions et, en parallèle, un certain resserrement des délais de traitement entre les banques, même si les contrastes restent considérables. Le 1er trimestre 2023, avec une accalmie des volumes, apporte globalement de meilleurs résultats, mais loin de l’objectif.
Sur la complétude des réponses, la situation globale évolue lentement mais favorablement. Dans le détail, ce sont les substitutions concernant des prêts de plus d’un an, spécifiquement touchés par la RIA, qui tirent ces améliorations. La fin des discussions autour de la date d’échéance est perceptible, même si, là encore, certaines banques cherchent encore à entraver les substitutions par des pratiques discutables. Le croisement des délais de traitement avec la fluidité des échanges permet de faire la part entre le manque de moyens affectés par les unes, et les manœuvres dilatoires des autres.
Les assureurs peuvent améliorer le pouvoir d’achat des emprunteurs
Pour faire jouer la concurrence sur l’assurance emprunteur de leur prêt immobilier, 61% des répondants iraient voir leur assureur. Selon Allianz France, la raison principale serait des écarts de prix importants entre les contrats proposés par les banques et ceux proposés par les assureurs (pris en délégation).
« Depuis plusieurs mois, de nombreuses demandes de prêts immobiliers sont refusées car elles dépassent le taux d’endettement maximal autorisé. Face à l’envolée des taux de crédit, l’assurance emprunteur est, plus que jamais, un vrai levier d’ajustement. En effet, en comparant les offres, les candidats à l’emprunt immobilier peuvent dans la plupart des cas réduire de manière significative le taux global de leur crédit et ainsi optimiser les chances d’acceptation de leur dossier. Les emprunteurs ayant déjà souscrit leur prêt peuvent eux aussi mettre en concurrence leur assurance de prêt à tout moment et ainsi améliorer leur pouvoir d’achat au quotidien » explique Chantal Simonnet, chargée des marchés assurance emprunteur chez Allianz France.
C’est également ce que relève l’étude de Sécurimut « Dans ce contexte de rareté du crédit, la liberté de choix de l’assurance hors banque au moment du crédit n’a clairement pas été favorisée. Elle reste en outre très dépendante de la banque et de sa politique d’octroi de crédit. Le profil des emprunteurs qui « délèguent » leur assurance au moment du crédit a aussi quelque peu évolué. Historiquement il s’agissait des emprunteurs les plus en force dans la négociation du crédit, mais aujourd’hui la baisse des capitaux assurés, des quotités d’assurance demandées, traduit ici encore une tension sur le pouvoir d’achat. Les emprunteurs ayant recours à la délégation sont aussi désormais ceux qui doivent « passer » sous le taux de l’usure, que les banques laissent alors recourir exceptionnellement à l’assurance externe pour pouvoir leur prêter. »
En résumé, les enquêtes réalisées par Assurly, Allianz et Sécurimut mettent en évidence la nécessité d’améliorer la communication et l’information sur la loi Lemoine, mais surtout sur les droits des emprunteurs. Et dans cette démarche de conseil pour inciter les assurés à remettre en question leur assurance emprunteur, les assureurs ont un rôle considérable à jouer !