Les Français et l’adaptation climatique : une nouvelle fracture selon le sondage d’Axa Climate
Les Français sont-ils prêts à l’adaptation climatique ? L’institut Act For Now a mené une étude d’opinion auprès des Français pour Axa Climate, afin de mesurer leur prise de conscience. Il en ressort que si certains font preuve d’un optimisme démesuré, d’autres dépriment : une nouvelle fracture se forme au sein de la population sur le sujet des risques climatiques.
15 impacts concrets du changement climatique
« En termes d’adaptation climatique, les moyennes nationales ne veulent pas dire grand-chose. L’évaluation doit être locale, à quelques kilomètres, comme la météo du jour. » souligne Antoine Denoix, PDG d’AXA Climate. Forts de cette conviction, les scientifiques d’AXA Climate ont choisi de décrypter 15 exemples locaux et concrets des conséquences du changement climatique. En voici une sélection :
- Deauville, la station balnéaire de Normandie, est célèbre pour sa promenade de planches du bord de sa plage. Vers 2050, à cause de la montée du niveau de la mer, cette promenade ne sera plus praticable toute l’année. En considérant le scénario climatique actuellement le plus probable, la côte d’opale fera en effet face à une élévation du niveau marin entre 20 et 25 cm en 2050. La promenade se trouve à 20 cm en dessous de la ligne de marée haute qui pourrait être atteinte, avec les combinaisons d’élévation du niveau de la mer, de grandes marées et d’ondes de tempête.
- Lacanau, sur l’océan Atlantique, près de Bordeaux. En 2050, la montée du niveau de la mer et l’érosion du littoral menacent 40 % de la station balnéaire (1 200 logements), la majorité des activités commerciales de la commune, une centaine de locaux professionnels et diverses infrastructures publiques.
- En 2050, près de 10,4 millions de maisons individuelles sont susceptible d’être impacté par des fissures et dégâts allant jusqu’à des risques d’effondrement, liés à des sécheresses devenant plus fréquentes. Cela représente 48 % du territoire français métropolitain !
- En 2050, la saison propice aux incendies sera trois fois plus longue qu’aujourd’hui dans les Landes. Elle s’étendra sur environ 70 jours en moyenne contre 20 actuellement.
- En 2050, à Montpellier, le nombre de jours justifiant la mise en route de la climatisation dans les bureaux et commerces sera d’environ 120 jours (4 mois) – soit une augmentation de 77 %. A l’inverse, à Strasbourg, le nombre de jours nécessitant du chauffage va diminuer de 26 %, passant d’environ 120 jours en moyenne, à 90.
Des Français conscients mais divisés
Act For Now a donc interrogé les Français pour AXA Climate et il ressort de cette étude qu’ils possèdent, dans l’ensemble, une vision assez juste de ce qui nous attend en 2050. Concrètement, près de 6 Français sur 10 ont obtenu une majorité de bonnes réponses aux questions portant sur les 15 indicateurs d’impact. « C’est une bonne surprise pour nous qui sondons régulièrement les Français sur ces sujets : la culture climatique a nettement progressé en l’espace d’une année », commente Jean-Christophe Beau, co-fondateur d’Act For Now.
Ainsi, la question n’est plus de savoir si le changement climatique découle des activités humaines : 85 % des Français adhèrent à cette idée et 81 % pensent qu’un changement radical de nos modes de vie est nécessaire pour faire face au dérèglement en cours. « C’est bien le signe que, face au changement climatique, la prise de conscience s’est généralisée » constate Antoine Denoix, le patron d’Axa Climate.
Mais, au même moment, une fracture se dessine, avec :
- D’un côté, les optimistes – un tiers des personnes interrogées – qui pensent que les innovations techniques suffiront à faire face au dérèglement climatique ;
- De l’autre, les pessimistes – 33 % de l’échantillon – qui anticipent des conséquences pires que celles présentées dans les simulations des scientifiques.
« Le risque est qu’une augmentation des discours trop catastrophistes ou insuffisamment scientifiques renforce cette fracture« , analyse Antoine Denoix.
Le phénomène alarmant de l’éco anxiété
Alors faut-il s’attendre à une montée de l’éco-anxiété dans les mois et les années qui viennent ? Car les chiffres présentés par Act For Now sont déjà assez parlants : du fait du dérèglement climatique, la moitié des personnes interrogées éprouvent de l’anxiété, 47 % de la colère, 30 % de la déprime et 21 % des troubles du sommeil ainsi qu’une perte de motivation au travail !
« Cette affection doit être prise au sérieux, car elle pourrait bien déboucher sur un véritable problème de santé publique« , prévient Pierre-Eric Sutter, psychologue du travail dans sa vidéo pour AESIO Mutuelle « L’éco-anxiété est-elle un enjeu de santé publique ? ».
L’an dernier, le coauteur du livre « Bien vivre son éco-anxiété » (Gereso, 2023) a étudié un échantillon de 3 500 personnes à l’aide d’une méthode clinique mise au point par des scientifiques anglo-saxons afin d’évaluer l’ampleur de l’éco anxiété en France. « On s’est rendu compte qu’il y avait 5 % de la population française adulte, donc potentiellement 2,5 millions d’individus, très fortement éco-anxieux, au point de devoir rencontrer un psychologue parce que leur santé mentale est menacée. Cela nous a fait l’effet d’une bombe« , confie-t-il sur l’une de ses vidéos réalisées pour AESIO Mutuelle.
Rassembler les Français autour d’un projet écologique
« A défaut de traiter la cause du problème, on peut agir sur les symptômes en trouvant par exemple un projet de nature écologique dans lequel les patients peuvent s’investir. Toutefois, 2,5 millions de personnes, c’est gigantesque par rapport aux 78 000 psychologues exerçant une activité en France. D’autant que le Covid a fait lui aussi des ravages sur la santé mentale de la population. » relève Pierre-Eric Sutter.
Mais, le risque à terme, c’est que tous les Français éco-angoissés ne soient pas pris en charges et qu’une partie d’entre eux soient laissés pour compte avec tout ce que cela implique pour leur santé mentale !
« D’autant qu’un Français sur 2 pense qu’il est déjà trop tard pour éviter une catastrophe climatique pour l’humanité. Pour créer une dynamique collective consensuelle, il devient donc important de rassembler les Français avec une vision partagée réaliste et surtout locale, proche de chez eux, des conséquences du changement climatique. C’est le but de l’étude que nous présentons ici. » insiste Jean-Christophe Beau.