Insurtech France collabore avec l’Assurance en mouvement sur une série d’interviews de dirigeants d’Insurtechs. Nous avons échangé avec Alexandre Molla, co-fondateur et CEO de Sharelock qui accompagne le quotidien des cyclistes en assurant et sécurisant leurs vélos.
Qui êtes-vous et quel est votre parcours ?
Je suis co-fondateur et CEO de Sharelock, qui protège les vélos grâce à une assurance innovante. Je n’ai pas toujours été entrepreneur, j’ai même un parcours plutôt classique, puisqu’après HEC, j’ai passé plusieurs années en banque d’affaires, d’abord à Londres, puis en Arabie Saoudite. Ensuite, j’ai senti le besoin de plonger dans l’opérationnel, et j’ai eu la chance de rejoindre Uber très tôt. J’y suis resté 6 ans en tant que General Manager et j’ai vu la société passer de 200 personnes à plus de 25 000 dans le monde.
Ce fut une incroyable école de l’hypercroissance et de l’excellence opérationnelle pour moi. Après un court passage dans une autre startup early stage, mon opportunité de passer le pas de l’entrepreneuriat s’est concrétisée avec Sharelock, grâce à Nicolas Louvet, le co-fondateur.
Quelles sont vos passions ?
J’ai une très grande curiosité pour les choses et particulièrement pour la gastronomie. Étant gourmet et gourmand, découvrir de nouvelles tables et de nouvelles saveurs m’enchante. C’est aussi pour moi le meilleur terreau pour des échanges sincères et agréables, avec ses proches comme avec de nouvelles connaissances, notamment côté professionnel.
Quelle est la genèse de la création de Sharelock ?
Avec mon associé, Nicolas Louvet, nous nous sommes intéressés de près au changement de paradigme qui a fait passer le vélo, ces dernières années, du simple objet de loisir à un mode de transport quotidien quasiment de masse. Ce que peu ont vu en revanche, c’est que la peur du vol était le principal frein à l’usage. C’est tout naturellement que j’ai saisi l’opportunité offerte par Nicolas Louvet – que je connaissais de longue date, et en particulier son expertise reconnue de la mobilité – de co-fonder Sharelock, pour débloquer massivement l’usage du vélo, en attaquant spécifiquement cette peur du vol.
Nous avons d’abord créé le premier cadenas partagé au monde, en partant de l’industrialisation de la production de ces cadenas jusqu’à leur déploiement dans plusieurs villes de France, et tout cela en moins de deux ans. En parallèle, nous avons rapidement identifié une autre opportunité pour débloquer l’usage du vélo : celle de l’assurance.
Forts de notre expertise de la mobilité, nous avons créé la première assurance vélo mettant à profit la puissance de l’intelligence artificielle basée sur des données uniques.
Quels sont les périmètre(s) serviciel(s) de Sharelock ?
92% des vélos ne sont pas assurés actuellement en France. Ce marché est sous-équipé ; d’abord parce que les gens ne savent pas que cela existe, aussi parce qu’il y a une vraie défiance vis-à-vis des assureurs, de manière générale. En développant une offre simple, fiable et transparente, nous remettons l’assuré au cœur des préoccupations. Surtout, nous développons des fonctionnalités mettant à profit nos outils d’intelligence artificielle, utilisées au quotidien par nos assurés, permettant de créer un vrai dialogue avec eux, et de constituer une base de données unique.
L’engagement exceptionnel de nos assurés – près de 30% d’utilisateurs actifs chaque mois – nous permet de récolter des données uniques sur l’utilisation du vélo, grâce auxquelles nous développons une compréhension fine du risque lié à son usage ; un risque encore méconnu des assureurs, alors même que le marché connaît une croissance exponentielle !
Quels constats actuels faites-vous du secteur de l’assurance ?
Nous constatons aujourd’hui l’émergence d’un nouveau risque, et donc d’un nouveau segment, qui est l’assurance vélo. La technologie et les données permettent d’accélérer la compréhension de ce nouveau risque et donc le développement d’une offre toujours plus pertinente, au meilleur prix pour les usagers finaux.
Il y a à peine quelques années, l’assurance vélo n’était pas considérée comme un marché intéressant, car la valeur des vélos était encore limitée, comme leur usage. Cela en faisait une opportunité modeste pour les assureurs, en termes de volume comme en termes de primes. Avec le développement du vélo comme mode de transport quotidien, notamment en milieu urbain, mais aussi avec l’explosion des prix moyens des vélos, notamment électriques, le marché s’est soudainement développé.
Quelle est votre vision de l’évolution du secteur ?
Le segment de l’assurance vélo est encore émergent mais en pleine croissance. Notre ambition est d’être les premiers à comprendre parfaitement le risque lié à ce marché, ainsi que le niveau de prime associé. Pour cela, nos capacités technologiques et nos données sont un atout immense en termes de gestion du risque de notre portefeuille.
Nous croyons en une consolidation du marché à venir, qui a déjà commencé, et nous restons très alertes face à d’éventuelles opportunités d’acquisition, qui sont des facteurs potentiels de croissance pour Sharelock. En ce qui concerne les acteurs historiques, nous sommes convaincus de la pertinence de partenariats stratégiques entre acteurs innovants et experts, et grands courtiers sur la partie distribution d’une part, et assureurs traditionnels sur la partie produit d’autre part.
Quelles sont vos convictions ?
Chez Sharelock, nous sommes convaincus que la donnée, notamment nourrie par nos outils d’intelligence artificielle, est un levier très puissant pour proposer des solutions d’assurance adaptées aux besoins de nos clients. Ainsi nous proposons de réduire la franchise de nos assurés s’ils prennent une photo de leur vélo après l’avoir stationné grâce à l’application Sharelock. Avec plus de 60 000 photos de vélos stationnés récoltées et analysées en à peine un an, cette méthode nous permet de cultiver un dialogue fort, au centre d’une relation de confiance avec nos assurés, aussi de développer une compréhension fine de leurs usages et du risque associé.
Nous sommes également convaincus que l’assurance peut être un levier puissant de décarbonation. En effet, l’étude sur les assurés du vélo, que nous avons publiée en début d’année 2023, nous montre que l’assurance débloque l’usage du vélo au quotidien. Ainsi, ce sont près de 40% des assurés qui déclarent faire plus de vélo depuis qu’ils sont assurés, principalement au détriment de la voiture et des transports en commun. Nous avons calculé que cela représentait une économie de près de 6% des émissions directes de CO2. C’est significatif et cela donne un réel sens à notre quotidien.
Vous faîtes partie d’Insurtech France*, l’association de la tech et de l’assurance. Quelle est son apport pour les acteurs du secteur ?
Insurtech France, c’est avant tout une superbe plateforme d’échanges, de légitimité et de visibilité, avec de nombreuses opportunités de rencontre et de collaboration entre les acteurs traditionnels de l’industrie et les nouveaux entrants. Des projets peuvent naître de ce foisonnement. Par exemple, Sharelock est à l’initiative d’une plateforme technologique anti-fraude sur le segment du vélo, à laquelle sont déjà adhérents près d’une dizaine d’acteurs de l’assurance vélo, et qui nous permet déjà d’identifier des fraudeurs ; c’est une réelle contribution au secteur tout entier de l’assurance vélo.
*Voir interview de Pierre Bonodot, secrétaire général d’Insurtech France.