Allianz : La résilience des entreprises, mise à l’épreuve par la hausse attendue des grèves, émeutes et manifestations
- L’activité des entreprises est de plus en plus impactée par les mouvements de protestation et les troubles civils, une tendance qui devrait s’accentuer.
- Un nouveau rapport d’AGCS identifie cinq facteurs susceptibles d’augmenter la violence politique dans le monde.
- À eux seuls, les six incidents majeurs survenus lors des grèves, émeutes et mouvements populaires de ces dernières années ont causé 12 milliards de dollars de pertes aux entreprises et aux institutions.
- Les entreprises doivent réagir au climat actuel en évaluant les bonnes pratiques et politiques, afin de préparer les sites et les salariés à l’impact d’éventuels troubles civils.
La colère face à la hausse des inégalités sociales et du coût de la vie, la perte de confiance dans les gouvernements et les institutions, la polarisation politique, ainsi que la montée de l’activisme et des préoccupations environnementales sont les principaux facteurs qui devraient accroître le nombre de grèves, émeutes et mouvements populaires dans le monde, selon un nouveau rapport de l’assureur Allianz Global Corporate & Specialty (AGCS).
Dans un tel environnement de risques, les entreprises doivent surveiller les différentes menaces qui peuvent peser sur elles. Outre les dommages matériels onéreux que peuvent subir leurs bâtiments et équipements, des perturbations graves peuvent toucher leurs activités et causer d’importantes pertes d’exploitation.
» Ces dernières années, les grèves, émeutes et mouvements populaires n’ont pas seulement augmenté. Ils se sont intensifiés, prenant parfois une dimension catastrophique. Ces événements ouvrent une période d’incertitude « , signale Srdjan Todorovic, directeur des solutions contre la violence politique et les environnements hostiles chez AGCS. « Les sinistres survenus aux États-Unis, au Chili et en Colombie s’élèvent à plusieurs milliards de dollars. Et les menaces évoluent constamment. La plupart de leurs causes, économiques, politiques ou environnementales, sont certes universelles. Mais elles peuvent se manifester différemment selon les régions, avec divers niveaux de violence et de perturbation. Face au climat actuel, les responsables de l’exploitation et de la sécurité des entreprises doivent réagir en évaluant les bonnes pratiques et politiques, pour préparer les sites et les salariés à d’éventuels troubles civils et renforcer leur résilience. »
Entre le deuxième et le troisième trimestre 2022, les risques de troubles civils ont augmenté dans plus de 50 % des pays (101 sur 198) qui sont classés à l’indice des troubles civils de Verisk Maplecroft.
Depuis 2017, plus de 400 manifestations antigouvernementales importantes ont éclaté dans le monde. Il n’est donc pas surprenant que les risques politiques et la violence figurent au top 10 du Baromètre des risques d’Allianz 2023. La guerre en Ukraine explique en grande partie ce classement. Mais les résultats montrent également que l’impact des grèves, émeutes et mouvements populaires constitue un risque de violence politique particulièrement préoccupant.
Celui-ci affiche un score combiné de près de 70 %. Les troubles se propagent désormais plus rapidement et plus largement, notamment sous l’effet galvanisant des réseaux sociaux. Ils peuvent donc toucher un grand nombre de sites et provoquer de multiples sinistres d’entreprises. Ces événements durent également plus longtemps : près d’un quart des 40 principales protestations antigouvernementales depuis 2017 se sont déroulées sur plus de trois mois.
Les coûts financiers augmentent en conséquence. À eux seuls, les six grands épisodes de troubles civils survenus dans le monde entre 2018 et 2023 ont causé au moins 12 milliards de dollars en pertes économiques et assurées.
Dans son rapport, l’équipe d’AGCS chargée des solutions contre la violence politique souligne les cinq principaux facteurs qui devraient entraîner une augmentation des risques en 2023 et au-delà :
La baisse du pouvoir d’achat : même si l’inflation semble avoir atteint son pic dans de nombreux pays, ses répercussions continuent de se faire sentir. En 2022, un peu plus de la moitié des manifestations dans le monde ont été provoquées par la crise économique.
La confiance des ménages dans leur situation financière future a fortement reculé. Dans la moitié des pays étudiés par le Baromètre de la confiance d’Edelman 2023, le pourcentage de personnes estimant que leur famille vivra mieux dans les cinq prochaines années accuse une baisse interannuelle à deux chiffres. Les protestations risquent de se poursuivre et bien qu’elles soient généralement calmes, elles pourraient devenir violentes.
La méfiance à l’égard des gouvernements et des institutions : la conviction que les gouvernements sont corrompus ou sont en place depuis trop longtemps peut aussi faire descendre la population dans la rue. Le mécontentement concernant les prix des produits alimentaires et des carburants, les salaires ou les retraites peut déclencher des manifestations engendrant des mouvements antigouvernementaux plus larges.
En 2022 et en ce début 2023, des protestations ont éclaté autour des droits des femmes et des minorités en Iran, des prix des carburants au Kazakhstan, de la crise économique au Sri Lanka, du droit à l’avortement aux États-Unis et des restrictions sanitaires en Chine. L’Europe continue d’être frappée par de multiples grèves pour les salaires et les conditions de travail. Au Pérou, au Brésil et en Argentine, l’instabilité politique a également entraîné des troubles sociaux importants et violents.
La polarisation croissante : les dissensions politiques exacerbent les tensions dans le monde, sapant la cohésion sociale et aggravant les conflits. La polarisation des opinions peut être particulièrement virulente sur les réseaux sociaux. Dans certains pays, elle tourne à la violence. De nombreux virages marqués à gauche ou à droite ont pu être constatés dans les dernières années. Rares sont les démocraties libérales qui maintiennent un certain équilibre, dans lequel les partis politiques se disputent le centre de l’échiquier.
La montée de l’activisme : parmi les phénomènes qui ont été considérablement amplifiés, ces dernières années, par les réseaux sociaux, figurent le mouvement mondial Occupy contre les inégalités économiques, les manifestations Black Lives Matter contre l’injustice raciale, la vague #MeToo contre les violences sexistes et le harcèlement sexuel, ainsi que la campagne Stop the Steal, contestant les résultats de l’élection du président américain Joe Biden.
« Dans un contexte de polarisation politique, les gens ont davantage l’impression que leurs valeurs sont bafouées et descendent plus facilement dans la rue pour les défendre, indique Srdjan Todorovic. Une réaction brutale des autorités, jugée injuste, peut suffire à déclencher des émeutes. Celles-ci peuvent s’étendre rapidement, impliquant un grand nombre de personnes, et se transformer en troubles civils. Débouchant sur la violence, les pillages et autres actes opportunistes, elles peuvent exposer les entreprises à des dommages aux biens et à des pertes. »
Les préoccupations climatiques et environnementales : lorsque les gouvernements semblent revenir sur les progrès réalisés dans la lutte contre le changement climatique, par exemple en recourant à la fracturation hydraulique ou en rouvrant des mines à charbon pour ne pas dépendre du gaz russe, des troubles civils peuvent aussi survenir.
Les entreprises qui, d’après l’opinion publique, font trop de bénéfices sur les combustibles fossiles, alors que de nombreux consommateurs sont en difficulté, peuvent également être visées. « En 2022, les actions écologistes ont défrayé la chronique, notamment celles de militants jetant de la soupe sur une peinture de Van Gogh ou se collant les mains sur le bitume d’une route. Elles continueront de le faire en 2023, estime Etienne Cheret, responsable du groupe de pratique régional en gestion de crise chez AGCS. Les manifestations contre le changement climatique ne sont généralement pas violentes. Toutefois, elles peuvent provoquer des perturbations, notamment si elles touchent les infrastructures de transport. Elles devraient se poursuivre, voire s’intensifier, dans l’année à venir. »
Les situations de troubles civils peuvent être difficiles à prévoir. Elles sont souvent déclenchées par un fait particulier, comme un changement de gouvernement, l’adoption d’une loi ou une hausse soudaine des prix. Les entreprises peuvent toutefois prendre un certain nombre de mesures pour réduire ces perturbations. Allianz Risk Consulting a élaboré une liste de recommandations techniques à leur attention.
Il convient notamment d’adopter, puis de tester et de mettre à jour régulièrement le plan de continuité de l’activité. Une assurance des risques spéciaux peut aussi aider à se protéger contre les dommages liés à la violence politique et à l’interruption d’activité. Ces contrats peuvent couvrir la guerre civile, les grèves, émeutes et mouvements populaires, le terrorisme et la guerre.
Selon CP
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