Ils cumulent un emploi et l’aide à un proche malade, âgé ou handicapés. Même si des mesures ont été prises pour soutenir les salariés aidants, celles-ci s’avèrent souvent insuffisantes. Les entreprises commencent à se mobiliser pour leurs collaborateurs.
La part des aidants qui travaillent ne cesse d’augmenter. Selon le baromètre BVA/Fondation April, elle est passée de 52 % en 2018 à 61 % en 2019.
Ainsi, en France, entre 8 et 11 millions de personnes sont des aidants, soit un Français sur six en 2020 et un sur quatre en 2030, selon les prévisions du ministère du Travail. L’âge moyen auquel on devient aidant est de 36 ans.
Un quart des aidants consacre plus de vingt heures par semaine à un proche. Pourtant, la reconnaissance de ce rôle par les employeurs est encore trop souvent limitée. « Ils auraient tout intérêt à prendre soin de leurs salariés aidants, car ces personnes ont fait des choix difficiles et admirables », affirme le Dr Hélène Rossinot, médecin de santé publique, auteure d’Être présent pour ses parents (éditions de L’Observatoire), citée dans CFDT Syndicalisme Hebdo. « De plus, avoir une activité professionnelle pour les aidants est une vraie bouffée d’air frais. La plupart me confient qu’ils souhaitent continuer à travailler plutôt que se désocialiser. » « Continuer à travailler, ne pas devenir un salarié de deuxième catégorie, c’est extraordinairement important. Il faut des temps de pause, il ne faut pas s’exclure du corps social. Il faut pouvoir concilier cette présence affective tellement importante auprès de son proche et un engagement au sein d’une entreprise, qui leur reconnaît des droits » souligne Marie-Anne Montchamp, directrice générale de l’OCIRP.
Un impact sur la carrière et la santé des aidants
Au travail, les aidants évoquent aussi des difficultés de concentration et du stress, et beaucoup craignent de se voir bloqués dans leur évolution professionnelle ou de perdre leur emploi, notamment en raison de leurs absences. Selon l’Observatoire OCIRP, qui consacre un guide dédié aux salariés aidants, 6 sur 10 estiment que leur situation a un impact sur leur santé, sur leur moral. Un tiers se dit totalement désemparé.
Dans une enquête de Malakoff Humanis, 35 % des salariés aidants disent ainsi ne pas avoir parlé de leur situation à leurs managers, le plus souvent par crainte des conséquences négatives sur leur carrière. Il existe pourtant de nombreux leviers pouvant être activés au sein de l’entreprise comme des aménagements horaires, la possibilité de prendre des congés spécifiques, des autorisations d’absence, des jours de télétravail supplémentaires ou encore le don de jours entre collègues.
L’AJPA, un dispositif insuffisant
Un congé de proche aidant a été créé par la loi d’Adaptation de la société au vieillissement de 2015, en remplacement de l’ancien congé de soutien familial. Depuis octobre 2020, il peut être indemnisé par l’allocation journalière du proche aidant (AJPA).
Si le demandeur remplit les conditions requises (il doit fournir, entre autres, un justificatif médical de la perte d’autonomie du proche aidé), l’employeur n’a pas le droit de le refuser. Pendant la durée du congé, le contrat de travail du salarié est suspendu.
À son retour de congé, il conserve les avantages acquis, doit retrouver son poste ou un poste similaire ainsi qu’une rémunération au moins équivalente. Problème : la durée du congé est limitée à trois mois, renouvelables, dans la limite d’un an sur la totalité de la carrière du salarié.
Alors, même si le salarié a la possibilité de transformer ce congé en période d’activité à temps partiel ou de le fractionner (par demi-journées), trois mois sont vite passés. En outre, rien n’est prévu pour les aidants qui doivent faire face à une longue maladie ou tout autre accident de la vie impactant un de leurs proches. Enfin, pour qu’un salarié puisse bénéficier d’un congé de proche aidant, il faut que la personne aidée ait déjà un dossier APA en règle…
La direction de la Sécurité sociale a publié son rapport d’évaluation de l’AJPA, soit au bout de deux années d’utilisation. Un premier bilan qui s’avère décevant. « De septembre 2020 à février 2022, 18 987 demandes d’AJPA ont été reçues par les CAF, parmi lesquelles 6 626 ont abouti à l’ouverture d’un droit à l’allocation », alors que les pouvoirs publics tablaient sur 270 000 salariés et 67 000 agents publics aidants. L’AJPA n’a donc pas trouvé sa cible. « Ce congé ne permet pas de se rendre disponible en cas d’urgence. Beaucoup de solutions restent à trouver. En France, rien que pour la prise en charge des plus de 60 ans, le dévouement des aidants représente une économie de 11 milliards d’euros (1). C’est faramineux », observe Hélène Rossinot.
Un baromètre pour mieux comprendre les aidants
Depuis 2015, la Fondation d’entreprise du Groupe APRIL s’engage aux côtés des aidants et publie chaque année son baromètre. « Les aidants sont indispensables au fonctionnement de notre société et constituent un réel maillon de la chaîne d’accompagnement et de soins aux côtés des professionnels de santé. L’enjeu est de les soutenir et de leur permettre de prendre soin d’eux-mêmes pour qu’ils puissent continuer à accomplir leur rôle sereinement via des dispositifs concrets comme la prise en compte de leur statut d’aidant dans les entreprises ou encore le développement des espaces de répit sur le territoire, » explique Sophie Ferreira Le Morvan, déléguée générale à la Fondation APRIL. « En tant qu’employeur, nous avons pris des mesures concrètes telles que des jours de congé aidant, des dons de RTT, des services d’aides social, psychologique et administrative ou encore la prise en compte systématique des aidants dans nos accords. »
Des initiatives inspirantes qui gagnent à se développer, pour une société plus inclusive qui permet à chacun de trouver sa place.
(1)Chiffre de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie de 2014
Les acteurs de la prévention et de l’assurance organisent régulièrement des conférences et des tables rondes dédiées au rôle et à l’accompagnement des aidants, avec la recherche de solutions concrètes.
Ce que prévoit la loi
Pour les seniors
La loi no 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées rend officiels la place et le rôle des aidants familiaux. La loi no 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement accorde le statut de « proche aidant » au conjoint, parent, voisin ou ami qui apporte son aide de manière régulière et non professionnelle à une personne dépendante. À ce titre, les proches aidants peuvent obtenir un congé de proche aidant, des aides financières et des relais.
L’allocation journalière du proche aidant (AJPA)
Revenu de remplacement pour un proche aidant d’une personne en situation de handicap ou de perte d’autonomie qui réduit ou cesse son activité professionnelle. En 2022, le montant journalier de l’AJPA était fixé à 58,59 euros et 30,47 euros par demi-journée.
L’aide au répit
Pour une demande d’allocation personnalisée d’autonomie (APA) ou son renouvellement, une évaluation des besoins de la personne en perte d’autonomie, mais aussi ceux des proches aidants, est réalisée. L’aide au répit peut alors intégrer le plan d’aide de l’APA.
Elle consiste à pourvoir un accueil de jour ou un hébergement temporaire, un relais à domicile pour que le proche aidant puisse se reposer et avoir un peu de temps libre.
Pour les personnes en situation de handicap
Une personne en situation de handicap peut bénéficier de la prestation de compensation du handicap (PCH), qui propose cinq formes d’aide, dont une part d’aide « humaine » (4,24 euros l’heure pour l’aidant et 6,36 euros si l’aidant interrompt ou réduit son activité professionnelle). Pour un enfant handicapé de moins de 20 ans ayant besoin d’une présence soutenue, l’allocation journalière de présence parentale s’élève à 58,59 euros par jour et 30,47 euros pour une demi-journée.
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