Métavers assurance et finances : les usages (partie 2)

Les défis sont nombreux pour le monde assurantiel et financier, et les différentes institutions doivent s’adapter aux évolutions si elles désirent être une partie prenante dans le métavers.

Plusieurs cas d’usages sont déjà en cours d’expérimentation, en France et en Europe pour commencer.

France

Bien entendu, il est difficile d’être passé à côté de l’annonce concernant l’assureur AXA qui a acheté des parcelles dans le monde virtuel The Sandbox et lancé une agence virtuelle et un fonds dédié.

Source : www.cryptoast.fr 

En effet, François Pannecoucke dirige une agence physique à Bully-les-Mines dans le Pas-de-Calais et en a ouvert une sur la plateforme Gather où il accueille assurés et prospects pour, selon lui, enrichir la relation client.

Tout est comme une véritable agence, les personnes qui la rejoignent peuvent voir si l’agent est disponible et, le cas échéant, ont la possibilité d’attendre dans une salle dédiée. Le professionnel profite ainsi de plusieurs canaux d’entrée sans frontières géographiques pour conclure des affaires qui comptent principalement pour l’instant la RC professionnelle pour les prestataires de services, comme les freelances informatiques.

De même, AXA Investment Managers (AXA IM) a lancé un fonds nommé AXA WF Metaverse qui a pour objectif d’investir dans des opportunités liées au métavers par le biais de sociétés jouant un rôle dans la convergence entre les univers numérique et physique. Parmi les quatre sous-thèmes représentatifs des divers aspects du monde virtuel figurent le jeu, la socialisation, le travail et les facilitateurs technologiques.

Enfin, l’association Roam, qui réunit de nombreux assureurs mutualistes, s’est fortement intéressée au sujet du métavers. David Bigot a déclaré qu’il était important pour eux de mettre en place un univers facile d’accès et pragmatique pour que les adhérents puissent s’approprier cet univers et réfléchir aux services à valeur ajoutée pour leurs clients et sociétaires.

Pour cela, l’association a organisé pour ses membres une initiation de deux heures sur le monde virtuel afin de leur parler des enjeux liés à la distribution et a créé un métavers en 2D sans casque de réalité virtuelle nommé MetaRoam où les membres peuvent naviguer, se réunir et échanger au travers d’espaces de discussion et d’ateliers.

Dans le domaine bancaire, la Société Générale a innové en émettant un produit pour investir dans la réalité virtuelle et le métavers. L’indice, qui se nomme Solactive Metaverse, permet de participer avec un seul produit listé en bourse à l’évolution des 30 entreprises les plus actives dans le développement de l’univers numérique.

Il est calculé par le fournisseur allemand d’indices financiers Solactive et comprend des valeurs comme Meta Platforms, Apple, Nvidia, Alphabet et Roblox en s’articulant autour de 5 secteurs, à savoir : la technologie métavers, les plateformes d’application, les terminaux, le traitement des données et les normes de compatibilité.

Europe

Uno Re, qui vient d’Estonie, est la première plateforme d’assurance et de réassurance décentralisée qui permet à la communauté informatique d’investir, de négocier des risques et de percevoir en contrepartie des revenus sur les investissements réalisés dans des classes d’actifs sûres. Elle a récemment lancé un portail de couverture de ces cryptoactifs qui simplifie au maximum toutes les étapes et assure une expérience client optimale.

Le courtier écossais hubb a, quant à lui, effectué une expérimentation du métavers avec ses équipes. Son fondateur, Ed Halsey, qui adore les formats originaux, a ouvert un espace de travail sur la plateforme Horizon Workrooms de Facebook pour permettre à toutes les personnes de se retrouver et de discuter grâce à la réalité virtuelle. Pour lui, le métavers est un moyen de capitaliser sur les avantages du télétravail tout en supprimant les points négatifs du travail à distance. De ce fait, l’expérimentation concerne principalement l’organisation interne, pour l’instant.

Du côté des finances, nous commençons avec la banque britannique Standard Chartered. Cette dernière a acheté un terrain virtuel dans The Sandbox grâce à son partenariat avec sa filiale hongkongaise. L’acquisition vise à engager activement ses clients, ses partenaires et ses collaborateurs, et à explorer les opportunités de cocréation dans ce nouvel espace passionnant. La société a déjà construit des modèles commerciaux dans la cryptographie et les actifs numériques, et considère la montée du métavers comme une étape critique dans l’évolution du Web3.

ZELF, une néobanque lettone, a franchi le pas de la fourniture de services spécialisés aux adeptes du métavers en se positionnant dans le jeu vidéo et ses NFTs. Elle a pour ambition d’être une banque 3.0 en permettant d’obtenir un prêt garanti par un gaming loot, des objets gagnés en jeu, à des taux plus avantageux que ceux des banques classiques ou d’étendre la capacité d’achat des joueurs en introduisant le système BNPL (Buy now, pay later).

De même, la banque souhaite devenir la solution n°1 pour apporter le P2E (Play to earn) aux jeux traditionnels qui permet de gagner des niveaux, des récompenses fictives et des objets avec une valeur réelle définie sur des marchés égaux aux marchés boursiers. Zelf a tout d’une néobanque, car elle donne la possibilité d’utiliser également les messageries instantanées, moyen de communication le plus répandu dans le monde.

En Espagne, deux institutions bouleversent le paysage : CaixaBank et Santander. CaixaBank est devenue la première fintech européenne à sauter dans le métavers avec son projet « imaginLAND » sur la plateforme Decentraland, mais sans y déployer des services bancaires pour le moment. Le groupe ibérique s’y aventure en accueillant les Barcelonais désireux de découvrir de nouvelles tendances, culturelles et technologiques, pour renforcer son outil « imagin » à la pointe de l’innovation numérique et s’engager envers une expérience client supérieure. Ce projet est la déclinaison virtuelle de son « imaginCafé » qui prolonge dans l’univers fictif divers événements et actions dans des domaines variés, comme un concert d’un artiste local.

Source : www.caixabank.com 

La banque Santander a, quant à elle, réalisé en juillet 2022 une cérémonie de remise des prix numériques dans le même métavers que sa concurrente, Decentraland. Les finalistes ont été choisis pour fournir des solutions basées sur des technologies allant de la confidentialité et de la sécurité des blockchains à l’adoption de la DeFi et de la tokenisation pour améliorer et étendre les interactions digitales à travers le Web3 et le métavers.

Indirectement, l’entité présidée par Ana Botín avait déjà fait ses débuts dans Decentraland en février 2022 par le biais de la société Metrovacesa dont elle détient 49,4 % des actions. Nous parlerons de cette dernière un peu plus loin avec le sujet de l’immobilier.

Nous terminons cette partie avec la création d’un programme d’accélérateur de startups tournées vers la finance dans le métavers en Italie promu par le groupe bancaire Sella. Du nom de Metaverse 4 Finance Accelerator, il vise à identifier et à soutenir la croissance de ces entreprises nationales et internationales pour le développement de solutions et technologies innovantes, économiquement durables, inclusives et sûres dans le monde virtuel. Anubi Digital, une plateforme de conservation et de croissance des cryptomonnaies en est aussi l’une des partenaires.

Amérique du Nord

Selon un autre rapport de la Grand View Research, l’Amérique du Nord devrait représenter la plus grande part des revenus en raison des clients et des utilisateurs de la région qui adoptent la nouvelle technologie plus complexe. Autre raison, le nombre croissant de startups qui se concentrent sur la mise en place de plateformes métavers pour la commercialisation.

Plus spécifiquement aux États-Unis, le courtier IMA Financial a pris position dans Decentraland en acquérant des locaux numériques et envoie un message important à l’assurance et à la finance.

De même, Prudential Financial a déposé 10 demandes de marque pour entrer dans le métavers et le monde des NFTs, et ainsi fournir des services assurantiels et de transactions financières impliquant, entre autres, la cryptomonnaie. Le groupe souhaite également faire profiter ses utilisateurs de produits éducatifs et divertissants.

En outre, le regroupement de compagnies américaines assurantielles et financières State Farm a annoncé une collaboration avec la société audio iHeartMedia pour lancer iHeartLand sur Roblox. L’objectif est de briser les frontières entre les artistes, les créateurs, les marques et les fans, et donc de créer une forte communauté pour répondre aux besoins de chacun.

Autre cas, Liberty Specialty Markets du groupe Liberty Insurance parle d’associer le monde virtuel à la gestion des risques dans une zone en guerre telle que l’Ukraine ou d’interactions dans une foire fictive.

De l’autre côté, le banquier J.P. Morgan ouvre une succursale dans Decentraland pour les entreprises, les particuliers et les investisseurs, et place petit à petit ses pions dans cet univers qu’il va utiliser comme élargissement de son activité de cryptographie.

La société de services financiers Fidelity Investments entre dans le métavers en ouvrant un centre d’apprentissage de 8 étages et en lançant un fonds négocié en bourse. Du nom de Fidelity Stack, la plateforme permet de se former aux bases de l’investissement et a pour ambition de créer des solutions innovantes pour répondre aux besoins des nouvelles générations.

Enfin, en miroir de nombreux autres acteurs de la finance traditionnelle, nous terminons avec Capital One, American Express et Mastercard qui explorent le métavers avec des cartes de crédit virtuelles et des NFTs. Toutes ces sociétés ont déposé des demandes d’enregistrement de marques, par exemple, pour proposer des services d’agences de voyages et de café virtuel, entreprendre des programmes soutenant les petits commerçants et restaurateurs, ouvrir des guichets automatiques ou fournir une assistance pour aider les usagers dans leurs transferts de fonds.

Asie

De même, la région Asie-Pacifique est une zone à fort potentiel dans l’usage du métavers. Tencent Holdings, société chinoise spécialisée dans les services internet et mobiles, a annoncé son partenariat avec l’institut asiatique de la finance numérique en novembre 2021. Les sociétés collaboreront dans les domaines de l’éducation, de la recherche et de l’entrepreneuriat pour soutenir l’industrie asiatique des technologies financières.

Une autre grande organisation, le groupe hongkongais HSBC, fait partie de ceux qui ont pleinement adopté le développement des technologies apportées par les cryptomonnaies et investi dans le métavers. La multinationale a acheté une parcelle de terrain virtuel dans The Sandbox et offre un fonds d’investissement pour ses clients fortunés pour des projets autour des monnaies numériques.

L’entité thaïlandaise Siam Commercial Bank cherche à tirer parti de l’engouement pour le métavers en y créant un siège social. La plateforme concernée est The Sandbox et devrait accueillir des visites publiques d’ici la fin de l’année 2022 autour de trois zones utilitaires qui comprennent un espace pour les collaborations de partenaires commerciaux et un centre de soutien aux artistes locaux par un marché et une galerie de jetons non fongibles.

Amulet est un acteur singapourien qui est sur le point de réorganiser le monde de la DeFi avec son protocole d’assurance décentralisée pour les écosystèmes confiants en fonctionnant sur le réseau Solana. L’entreprise propose des couvertures en lien avec le métavers comme des actifs NFTs, une assurance-vie ou une habitation virtuelle.

Avez-vous entendu parler du tout premier métavers bancaire indien lancé par Kiya.ai ? Sa plateforme, du nom de Kiyaverse, donne aux banques leur propre métavers qui offre une expérience hautement personnalisée à leurs clients en leur permettant d’utiliser une technologie de pointe avec une touche humaine qui approfondit et personnalise considérablement les interactions. Des applications significatives sont proposées pour exploiter tout le potentiel du parcours utilisateur.

Partons à présent en Corée du Sud où, selon CNBC, 177 millions de dollars vont être investis dans le métavers par le gouvernement pour aider les entreprises et créer de l’emploi. La ville de Séoul construit également une plateforme de 2 millions de dollars pour permettre aux citoyens d’accéder virtuellement aux services publics.

Une filiale du groupe Taekwang, Heungkuk Life Insurance, y a aussi annoncé en août 2021 son entrée dans la Metaverse Alliance qui regroupe 300 entreprises membres, dont Samsung Electronics, SK Telecom et Woori Bank. La filiale avait comme projet de développer une offre de services pour les personnes nées dans les années 80 et 90, habituées de la réalité virtuelle par le biais d’une collaboration avec des sociétés innovantes de l’Alliance.

Un autre acteur de ce pays asiatique, KB Kookmin Bank, est entré dans le métavers en permettant à ses clients d’accéder aux services bancaires en utilisant un appareil de réalité virtuelle. L’accès à des informations financières personnelles et à des consultations individuelles entre les avatars des clients et des employés sera également possible. Comme J.P. Morgan, la banque prévoit de se servir de l’agence virtuelle pour former les jeunes sur la finance et ses collaborateurs.

Source : www.kbstar.com

Autres lieux

Vous rappelez-vous de ce jeu de réalité augmentée appelée Pokémon Go ? Sorti en 2016, celui-ci avait fait fureur sur beaucoup de smartphones et une assurance avait été lancée pour protéger les joueurs contre les accidents, les blessures ou encore le décès, par la compagnie mexicaine Jiro y Asociados.

Plus récemment, un peu plus au sud en Colombie, l’acteur de l’assurance Sura explore le métavers et la réalité virtuelle à travers un jeu interactif et pédagogique installé sur Oculus. Il propose de sensibiliser les internautes au bon usage des données, aux dangers cybernétiques et aux autres phénomènes pouvant survenir sur le Web. Le directeur de la recherche et du développement numérique a décrit qu’il s’agit d’un lieu où l’on peut aller pour échanger, travailler ou jouer avec d’autres personnes.

  • Possibles usages dans le futur

Le métavers, toujours en cours de déploiement, peut donc être considéré comme une possible prochaine version d’Internet. Une multitude d’industries et d’entreprises sont et seront essentielles à sa construction, incluant les technologies de jeu et portables, les infrastructures numériques, les services de développement et de contenu web, les logiciels de conception et d’ingénierie ou encore le matériel et les composants informatiques.

Des couvertures d’assurances seront alors nécessaires, comme un contrat Responsabilité Civile pour les dégâts causés dans ce monde virtuel ou une police couvrant le crash ou la défaillance du système, le vol de cryptomonnaies ou des expériences trop immersives avec des équipements de réalité virtuelle. Des plateformes telle Nexus Mutual laissent présager le développement d’un système décentralisé d’assurance où les adhérents partageraient les mêmes risques en mettant leurs fonds en commun.

La finance décentralisée, bien que perçue comme une menace par les acteurs du marché traditionnels, augure un avenir inclusif, notamment pour les personnes exclues du système bancaire classique.

Au final, nous avons comme l’impression que tout est possible dans cet univers 100 % numérique, non ?

  • Constat et pistes de réflexion

Le métavers a donc du potentiel selon l’utilisation que nous en faisons et peut être un nouveau relais d’acquisition de clients pour les professionnels. Il existe également des perspectives de paiements pour les banques pionnières de la finance décentralisée et de multiples manières de se servir du monde virtuel, comme des :

  • séminaires sur l’investissement ;
  • engagements dans une initiative communautaire parrainée par l’organisme bancaire ;
  • discussions avec un conseiller retraite ;
  • visites de propriété en temps réel avec un courtier spécialisé ;
  • services client de haut niveau.

En outre, l’instabilité, la responsabilité et la gestion des liquidités sont des points à étudier, à encadrer et à réguler par les acteurs du marché et par le législateur.

*Cet article (début octobre) est extrait d’un dossier du magazine #4 Dessine-Moi l’Assurance. le Lire ou relire (ou télécharger) ?

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