Le paysage de l’information, de la communication et des médias a connu des mutations de grandes ampleurs avec la généralisation de l’accès à Internet ces dix dernières années. Le web et plus particulièrement les réseaux sociaux sont devenus la porte d’accès à l’acquisition de certaines connaissances, de recherche d’informations insolites, divertissantes et aussi de consommation de l’information et de contacts avec les marques.
Nous avons le plaisir de nous entretenir avec Stéphanie Boutin, Directrice Générale Adjointe Groupe Matmut, Communication et RSE*.
La communication des entreprises à destination des clients est-elle lourdement impactée par ces mutations de grandes ampleurs ? Quel est votre avis ?
Nous sommes impactés comme tout le monde. Les modes de communication évoluent et surtout les usages changent. Le parcours de « consommation » de la communication, quel que soit son âge, sa situation, son histoire, … n’est plus linéaire. Cela demande, pour nous les professionnels, plus de stratégie et de tactique qu’auparavant. Les parcours de communication de nos clients doivent être « sans couture » quelques soient les canaux. Il nous faut quasiment être partout, sans écarter les médias dits traditionnels qui restent puissants, mais en ajustant le dosage entre offline et online. L’offre online est large et nécessite des contenus différents. Ces nouveaux médias digitaux sont des organismes vivants, ils amènent une certaine liberté et de la créativité, néanmoins ils ne peuvent performer qu’avec une réelle vigilance sur la cohérence des messages.
Cela transforme votre métier de communiquant ?
Indéniablement. De manière caricaturale, avant pour avoir une forte visibilité, c’était assez simple, il fallait une bonne création et beaucoup de budget. L’infobésité d’aujourd’hui oblige à communiquer différemment. Moins sur la marque, plus sur la promesse, l’engagement, l’incarnation. Les médias digitaux transforment aussi le pilotage et les analyses de la performance. Il y a des éléments structurants des médias digitaux, dont il faut tenir compte. Bien sûr la possibilité de tester, en temps réel d’ajuster ou de faire évoluer une campagne est un élément important.
Mais il ne faut pas oublier que le digital a deux inconvénients majeurs : on ne laisse plus le temps à une campagne de pub de s’installer dans la durée…, et sa trace mémorielle est relativement faible. De plus, une des conséquences sur le métier, de cette multitude de messages émis est la perméabilité entre les frontières de la communication interne et la communication externe.
Infobésité, multitude, tsunami informationnel qui semble privilégier l’immédiateté et une « bagarre « sur les contenus ?
Ce n’est pas parce que l’on émet un message que nous trouvons notre audience. Il y a un défi de pertinence du contenu. Les marques doivent intéresser les gens et ça tombe plutôt bien pour nous, les assureurs. Nous avons une légitimité sur certains sujets, des convictions à défendre, des visions à partager et des contenus pédagogiques à proposer.
Le modèle a changé. Nous ne sommes plus dans la surexposition médiatique d’une marque. Nous devons séduire les audiences digitales par la pertinence et l’intérêt du contenu que nous proposons. L’efficacité de la communication est plus orientée par le message et la façon de l’exprimer. Cela nous oblige à travailler beaucoup plus sur le fond du message. Quant à la forme il faut trouver un ton et développer une attractivité esthétique.
Instagram, Snapchat, TikTok, Twitch,… quel est l’intérêt, le potentiel perçu pour votre marque pour ces canaux de communication ?
Nous n’avons pas de certitudes sur ces nouveaux canaux de communication, à destination de nos clients. Nous sommes dans une phase d’apprentissage, sans parti-pris, d’autant plus qu’ils évoluent eux-mêmes très rapidement. TikTok par exemple, il y a un an et demi, n’avait pas tout à fait les mêmes contenus qu’aujourd’hui. Vis-à-vis de ces nouveaux médias digitaux, notre maturité avance en même temps qu’ils évoluent. Il est certain que nous ne les appréhendons pas, chacun, de la même façon, et pas avec la même nature de contenu. De toute façon, quel que soit le média digital, il est intéressant d’expérimenter.
Mais des questions se posent réellement. Sur ce type de réseaux est-ce que je peux parler de prévoyance, d’automobile, d’assurance habitation, d’obsèques, par exemple…? Une chose est sure, nous ne dérogerons pas au sérieux de nos métiers, en faisant tout et n’importe quoi, avec n’importe qui.
Nous préférons sur certains médias digitaux aborder nos métiers en parlant de consommation décarbonée, de mobilité, de prévention, de conseils à donner. C’est aussi une des missions des assureurs. Un exemple, notre websérie KéKecé dont on entend beaucoup parler. Elle est dédiée aux questions de RSE et propose des contenus informatifs à véritable valeur ajoutée.
La clé de la performance consiste-t-elle simplement à proposer une communication plus dynamique, consommable rapidement ?
Le défi est juste de savoir intéresser les audiences. Je vais vous parler d’une anecdote qui nous oblige à l’humilité. Nous avons réalisé un petit gif animé sur « Comment s’engager sur un carrefour à sens giratoire ? ». Nous l’avons posté sur Instagram, et surprise, ce post a été l’un des plus vus et des plus partagés. C’était très inattendu pour nous, « juste » un conseil de prévention routière comme tant d’autres.
Et vous l’expliquez comment alors ?
Il s’agit d’information utile, qui parle de la vie quotidienne de chacun. Nous ne décidons pas de ce qui marche sur les réseaux sociaux, et cela doit nous rendre très humble.
Juste un mot sur les influenceurs du web ?
Cela tombe bien, je n’ai pas grand-chose à dire sur les influenceurs, si ce n’est que nous ne ferons pas de placement de produits. Je pense que les gens ne sont pas dupes, ils ont une certaine maturité pour faire la différence entre la parole libre d’un internaute et une autre, financée par une marque. Quant à choisir une égérie digitale pourquoi pas, tout dépend encore une fois du sujet que l’on porte ensemble.
En 2021, selon Médiamétrie, le podcast confirme son potentiel de séduction (le format a réuni 15 millions d’auditeurs par mois : +20% vs 2020). Qu’en pensez-vous ? Pour le Groupe Matmut ?
Dans cette surabondance de contenus, je n’en pense que du bien. J’ai la conviction qu’avec le podcast, dans cette surabondance d’images, d’informations, de communication, nous sommes au début de quelque chose de très intéressant en termes de communication.
Pour un groupe d’assurance, comme le nôtre, avoir la possibilité de s’exprimer naturellement, dans la durée avec plus de liberté pour le faire, a du sens et de l’impact. C’est un bon support pour nos métiers complexes, et c’est un choix électif pour celui qui écoute. C’est encore une autre relation qui s’installe, plus intime.
Nous l’avons pour le moment réservé à l’interne, afin de permettre à tous les collaborateurs de parler de leur métier, de leur quotidien au service de nos sociétaires, qu’ils soient proches ou éloignés de la relation avec eux, tous contribuent à leur manière, et ont envie d’en parler. Outre le fait que c’est très agréable à écouter, l’audience et le succès sont présents.
Pour terminer ?
Un contrepied à notre échange, en termes de communication interne. Une innovation éditoriale, notre magnifique magazine « Octave ». Un véritable « objet » qualitatif, avec de la profondeur dans le contenu et un esthétisme avéré. Il est nécessaire pour nos collaborateurs, eux aussi submergé par cette infobésité, d’avoir un outil qui permet une prise de distance et de la hauteur sur des sujets importants pour notre entreprise, notre société.
Peu de numéros mais hautement informatif. Vous voyez nous rebouclons notre sujet, tous les formats, tous les médias sont impactants, intéressants, à nous de savoir « jouer » avec !
*Cet entretien (début octobre) est extrait du magazine #4 Dessine-Moi l’Assurance. le Lire ou relire (ou télécharger) ?