Implanté en France en 2021, le néo-assureur Friday (filiale du groupe helvète Bâloise) cherche à devenir « l’assureur digital préféré des Français » : son offre 100% digitale concerne pour l’instant l’assurance habitation mais l’assurtech prépare actuellement une offre en matière d’assurance automobile ainsi que d’assurance emprunteur.
Bousculant le marché et accélérant la transformation du secteur, ces nouveaux acteurs ont de sérieux atouts à faire valoir par rapport à leurs concurrents historiques, mais souffrent encore d’un déficit de notoriété et de réticences classiques parmi certaines catégories de consommateurs peu encline à adhérer au 100% digital. C’est pourquoi afin de connaître la maturité du marché français par rapport aux néo-assureurs, Friday a commandé à l’Ifop une étude[1] riche d’enseignements.
L’offre des néo assureurs répond-elle aux attentes des Français ?
L’étude a mis en évidence « les 3 principaux critères de choix d’une assurance Habitation » :
- le rapport qualité/prix (jugé essentiel par 82% des sondés)
- la rapidité d’indemnisation (jugée essentielle par 80% des sondés)
- la simplicité (jugée essentielle par 79% des sondés)
Or justement d’après le rapport, ces critères « ne sont pas les grandes forces des assureurs traditionnels, notamment le rapport qualité/prix. » A l’inverse, il s’agit d’un « atout reconnu des néo-assureurs : pour 30% des répondants, les néo-assureurs sont meilleurs que les assureurs traditionnels sur cette dimension. »
L’argument du pouvoir d’achat
Interrogé sur l’Argus de l’Assurance, le dirigeant de Friday France Jehan de Castet appuyait sur cet argument du pouvoir d’achat, invitant les Français à faire de leur assurance une arme en la matière : « Nous souhaitons répondre à la préoccupation des Français au sujet du pouvoir d’achat mais trop souvent, ils ne considèrent pas l’assurance comme un budget sur lequel ils peuvent agir. »
L’émergence des néo-assureurs est cependant susceptible de faire changer la donne : « pour 1 répondant sur 3, l’arrivée de nouveaux acteurs sur le marché de l’assurance va permettre de gagner en pouvoir d’achat. » Cette perception est encore plus marquée auprès des plus jeunes puisque 54% des 18-24 ans souscrivent à cette assertion. Autant dire que l’actualité difficile concernant l’inflation et le pouvoir d’achat des Français pourrait contribuer à mettre davantage en lumière les offres alternatives des néo-assureurs.
Le profil du cœur de cible des néo-assureurs
Les différents résultats de l’étude font ressortir que « 43% des Français âgés de 18 à 65 ans pourraient être intéressés par les offres des néo-assureurs, dans l’absolu. » S’il est un argument susceptible de vraiment faire la différence, c’est bien celui du prix : « avec l’ajout d’une promesse de prix en baisse de 20 à 30%, les deux tiers des répondants seraient prêts à au moins se renseigner auprès des néo-assureurs, voire souscrire auprès de l’un d’eux. »
Les « jeunes actifs franciliens » constitueraient particulièrement le cœur de cible des néo-assureurs, cette typologie de population étant la plus familière avec les outils digitaux. A noter également que la perspective d’un gain financier « intéresse un peu plus les hommes que les femmes. »
Les néo-assureurs auraient-ils fait leurs preuves ?
Si l’étude souligne « le bon niveau de confiance » accordé aux néo-assureurs, cette confiance étant exprimée par 40% des répondants, il n’en reste pas moins que les 60% restants expriment des réticences, réduisant substantiellement le marché pour ces nouveaux acteurs.
En outre ceux accordant leur confiance aux néo-assureurs ont indiqué être sensibles à deux arguments majeurs, cités chacun par 44% des sondés : « l’appartenance du néo-assureur à une grande compagnie française ou européenne », et « l’apport de preuves en matière de solidité financière. ».
Autant dire que cette confiance n’est que relative et n’exclut pas le contrôle : si les preuves de solidités financières sont si importantes, cela signifie que par défaut, un néo-assureur est perçu a priori comme moins solide financièrement qu’un assureur traditionnel, à moins qu’il ne soit adossé à un grand groupe. En tout état de cause, les néo-assureurs ont tout intérêt à communiquer sur ces deux arguments qui pourraient leur permettre de faire la différence.
Enfin, et ce n’est pas une surprise, l’étude met largement en évidence la persistance d’un gap générationnel, qui se ressent particulièrement sur la visibilité des néo-assureurs. Si « 27% de l’échantillon sait plus ou moins bien qui sont les neo-assureurs, le taux monte à 38% jusqu’à 34 ans mais tombe sous les 20% au-delà de 50 ans. »
Autre problème persistant, 46% des répondants n’expriment pas d’intérêt pour les néo-assureurs car ils éprouvent « le besoin d’avoir des contacts en agence physique », 37% expriment également le besoin de « pouvoir joindre facilement un conseiller par téléphone » : il s’agit là des deux arguments récurrents contre lesquels les néo-assureurs doivent impérativement se prémunir s’ils souhaitent élargir leurs clientèles.
Comme le montrent l’immense majorité des études et sondages réalisés par le passé sur les attentes des Français sur l’assurance de demain, le contact humain reste essentiel. Si Friday a maintenu à ce titre un service d’assistance téléphonique 24/7, c’est loin d’être le cas des autres assurtechs qui misent davantage sur les chat bots.
Au fond, les principaux enseignements de cette étude démontrent le pragmatisme des consommateurs français : si plus de 8 répondants sur 10 effectuent des recherches en ligne sur Internet avant de souscrire une assurance, cela ne signifie pas qu’ils recherchent particulièrement le 100% digital, à part les catégories les plus jeunes de la population : digital ou pas, ils recherchent avant tout le meilleur rapport qualité-prix, reconnu par l’étude comme l’impératif numéro 1 des Français.
Classique ou digitale, l’assurance doit donc prioritairement répondre à cet enjeu. Comme le souligne l’IFOP dans son communiqué de présentation de l’étude, « grâce à des offres compétitives, les néo-assureurs peuvent gagner des clients sur un marché aujourd’hui ébranlé par l’inflation. Mais pour sécuriser les clients et les fidéliser, ils se doivent d’être disponibles par téléphone afin de leur offrir sérénité et tranquillité. Ils doivent également convaincre les clients de la dimension humaine de leur offre. »
[1] Méthodologie : étude menée sur la base de 1 001 répondants interrogés en ligne, de manière représentative, du 25 mai au 1er juin 2022.