Le secteur de l’assurance tente de se transformer en accompagnant les clients dans leur gestion du risque : évaluation, protection, réparation,….
Nous en parlons avec Christian Bieck, Leader Europe and Global Research Leader Insurance, IBM Institute for Business Value et auteur d’un rapport très intéressant intitulé « Devenir concierge de risque – Du fournisseur d’assurance à l’accompagnateur du client »*
Vous évoquez le positionnement de « concierge de risques » : une tendance internationale et française pour les assureurs ?
A l’IBM Institute for Business Value, qui enquête sur les enjeux des entreprises à travers le monde, nous avons interrogé 1 000 cadres du secteur de l’assurance et plus de 9 000 de leurs clients dans le monde, dont près de 900 en France. Nous avons constaté et étudié le concept de « concierge de risque » pour comprendre quels rôles il peut jouer, quelles capacités il doit posséder et ce que les clients attendent de lui.
Pendant des années, pour de nombreux assureurs, la transformation numérique se limitait simplement à un fonctionnement sans papier. Les assureurs ont de toute évidence compris que la simple numérisation des processus existants ne suffisait pas. Ils déploient désormais des produits élargis, se lancent rapidement dans de nouveaux domaines d’activité, et multiplient leurs prestations de conseil et de service. La numérisation est non seulement le moteur d’un mode de distribution différent, mais aussi de catégories entièrement nouvelles de produits en lien avec le risque.
En élargissant leurs portefeuilles, les assureurs finissent par s’apparenter davantage à des concierges : des partenaires utiles, connaissant un large éventail de risques, qui peuvent non seulement faire des recommandations, mais aussi fournir des conseils et des services en matière de risques personnels qui sont difficiles à trouver ailleurs. Les clients apprécient de plus en plus cette approche personnalisée, et les assureurs avant-gardistes en tirent parti.
Pour décrire les assureurs qui adhèrent à cette approche expérientielle, nous utilisons le terme « concierge de risque ».
Cela suppose des investissements, une rupture technologique, une réorganisation profonde pour chaque assureur ?
Notre enquête montre que les assureurs ne répondent pas pleinement aux désirs, besoins et attentes des clients. Les grands assureurs, cependant, développent une approche plus personnalisée, investissant plus de la moitié de leurs dépenses IT dans des technologies et des capacités orientées client.
Ces investissements se rentabilisent tant sur le plan quantitatif que qualitatif, avec des taux de croissance jusqu’à trois fois plus élevés, une meilleure compréhension du client et des clients plus satisfaits. Une stratégie de moindre qualité peut être viable pour les assureurs, mais ce choix comporte le risque d’une course aux tarifs bradés sur les produits d’assurance courants. Les assureurs qui se distinguent par leur qualité devraient être mieux placés pour prospérer face à la pression exercée par les nouveaux entrants sur le marché, bien capitalisés et s’appuyant sur des offres à bas prix.
Cela va-t-il transformer le modèle économique de l’assureur ?
Les assureurs semblent avoir compris que le simple fait de promouvoir des produits fixes de manière traditionnelle ne permettra pas de nouer une relation client suffisamment forte à long terme.
Même les spécialistes de type « category killer », comme les grands assureurs automobiles en ligne, diversifient aujourd’hui rapidement les lignes de produits et les couvertures. Au moins 60 % des assureurs interrogés s’attendent à ce que les produits et services non traditionnels génèrent à terme des recettes équivalentes à celles des produits traditionnels existants. Environ un quart d’entre eux affirment que ces produits traditionnels seront remplacés.
Cette réorganisation majeure autour des besoins du client, révolutionne une organisation traditionnellement en silos, par types de risques. Comment accompagnez-vous cette rupture majeure ?
Nous savons dans quelles technologies les assureurs investissent : l’Internet des objets, le cloud et l’intelligence artificielle. Nous les aidons à axer ces technologies sur le client en générant de la valeur à court terme et en évitant la création de nouveaux systèmes porteurs d’une dette technique élevée.
Trois voies nous semblent essentielles : la connectivité numérique, le cloud hybride et les écosystèmes construits grâce aux partenariats. Ces voies ne s’excluent pas mutuellement. Les concierges de risque chercheront à les optimiser toutes les trois.
La stratégie technologique globale doit intégrer le numérique, le cloud hybride et les écosystèmes. Les écosystèmes de données externes doivent s’intégrer à l’écosystème de l’assurance. La connectivité rend l’intégration possible, l’IA fournissant le renseignement et permettant une automatisation globale des processus. Le cloud fournit quant à lui la base, permettant un accès partout et à tout moment à tous les utilisateurs disposant des droits adéquats.
L’accès aux données est crucial. Alors que les concierges émergents peuvent craindre de ne pas avoir accès aux données pour devenir concierge de risque, la volonté des clients de partager leurs données augmente en fonction de leur perception des avantages apportés par le partage. Le rôle d’un concierge est un rôle d’organisation et de conseil. Il n’est pas nécessairement un détenteur de données. Le fait de laisser les clients conserver le contrôle de leurs données peut largement contribuer à créer le climat de confiance nécessaire pour obtenir l’accès aux données, et permettre aux concierges de risque de mener à bien leur mission.
*Cet entretien (début octobre) est extrait du magazine #4 Dessine-Moi l’Assurance. le Lire ou relire (ou télécharger) ?