Difficultés de recrutement, turn-over important, candidats exigeants… les entreprises sont de plus en plus à la peine pour embaucher et fidéliser les collaborateurs dont elles ont besoin.
Et n’hésitent pas à séduire chez leurs concurrents, voire dans leur groupe. Une tendance qui impacte particulièrement le monde de l’assurance. Alors qu’auparavant, les employeurs étaient en position de force, ils doivent maintenant se lancer dans de vraies opérations séduction. La guerre des talents est bel et bien déclarée.
Selon une étude du cabinet de conseil Deloitte, pour 73 % des dirigeants d’entreprise, la difficulté de recruter les meilleurs talents représente la première menace sur les entreprises pour l’année à venir. Cependant, il est aussi possible de voir le verre plein. Cette Guerre des talents s’explique aussi par un recul du chômage.
Le fait que les salariés aient le choix leur permet d’accéder à des métiers qui leur conviennent le mieux et surtout qui sont conformes à leurs valeurs. Ce sont maintenant aux entreprises d’être réactives, innovantes et, au final, plus humaines. Il n’existe pas de solutions miracles pour recruter et fidéliser, mais certaines lignes directrices ont fait leurs preuves : être authentiques, écouter les salariés, faciliter la conciliation vie personnelle et vie professionnelle et surtout donner du sens au travail.
L’assurance, un secteur qui recrute
Le monde de l’assurance est particulièrement impacté par la Guerre des talents, car c’est un secteur qui recrute et promeut l’emploi qualifié.
Les sociétés d’assurances emploient près de 150 000 salariés sur l’ensemble du territoire français. Plus de la moitié d’entre eux sont des cadres et un peu plus de 50 % des cadres de l’assurance sont des femmes. Les embauches – autour de 15 000 par an – sont orientées à la hausse depuis plusieurs années dans ce secteur qui fait preuve d’un grand dynamisme en matière d’emploi.
Les métiers de la conception de l’offre, de la distribution commerciale, de la relation client, de l’indemnisation, de la communication, des systèmes d’information, des ressources humaines sont présents et complémentaires au sein des sociétés d’assurances.
Les recrutements s’opèrent le plus souvent du niveau bac + 2 à bac + 5 et plus, dont un quart en alternance. Grâce à une politique volontariste des sociétés d’assurances en faveur de l’intégration professionnelle des jeunes en formation, elles accueillent environ 6 000 alternants.
Selon l’étude 2022 Insurance Industry Outlook, 43 % des professionnels de l’assurance interrogés témoignent de difficultés de recrutement croissantes, notamment dans leur quête de profils technologiques : développeurs, experts IA ou cybersécurité.
Grande Démission : des départs sans précédent
On l’appelle Big Quit dans le monde anglo-saxon, Grande Démission en France. Cette vague record de départs volontaires enregistrée aux États-Unis s’est propagée en Europe et semble toucher aussi bien les PME et que les grands groupes. Le monde de l’assurance est également concerné par ce phénomène à l’ampleur inédite. Qui témoigne du double enjeu : recruter des talents, mais aussi les fidéliser.
En 2021, chaque mois, pratiquement 4 millions de salariés américains ont quitté leur job. Cette vague de départs s’explique en partie par la crise sanitaire Covid-19, qui a suscité des remises en question, mais pas seulement. C’est tout le rapport au monde du travail qui est aujourd’hui bouleversé.
Dans une interview croisée entre différents spécialistes, l’expert du marché du travail à l’Institut Montaigne, Bertrand Martinot analyse la situation : « Les salariés ont profité de la période Covid et des confinements pour réfléchir à leur carrière et avenir. À l’issue de la période, un boom de l’emploi est survenu et ils ont profité de la conjoncture. La multiplicité des offres d’emploi sur le marché leur a donné l’opportunité de bouger. Le grand obstacle à la mobilité professionnelle est le manque de temps. Si l’on a des projets, on ne les réalise jamais, car c’est chronophage. Pendant le Covid, les employés ont eu du temps pour réfléchir et avec le redémarrage du marché du travail ils en ont profité. »
Et le mouvement est loin d’être terminé. Selon une étude du BCG parue le 7 juillet, un salarié sur trois se dit prêt à quitter son poste s’il n’a pas la possibilité de travailler à distance. La tendance est encore plus forte chez les 18/24, deux fois plus enclins que leurs aînés de plus de 58 ans à démissionner si leur poste n’est pas télétravaillable. Le télétravail est donc bien devenu un critère essentiel pour rentrer dans une entreprise… et y rester ! Le cabinet a interrogé 7 000 actifs dans sept pays : l’Australie, le Japon, l’Inde, les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne et la France. Des nations dans lesquelles 75 à 80 % de la masse salariale occupent des postes sans télétravail possible. Outre l’absence de télétravail, les raisons poussant les salariés interrogés à envisager une démission sont, dans l’ordre : le manque de perspectives d’évolution, le salaire, le manque de flexibilité, le mauvais équilibre vie professionnelle, vie personnelle et l’absence d’épanouissement professionnel.
Quiet quitting ou la démission discrète
Il y a ceux qui démissionnent et ceux qui conservent leur poste, avec une ligne directrice : en faire le moins possible ! Le hashtag #quietquitting est de plus en plus présent sur TikTok, devenant le signe de ralliement de salariés qui s’opposent à la culture du travail et encouragent à la « démission discrète ».
“Votre job n’est pas toute votre vie !” Les quiet quitters évitent tout effort non indispensable, “quittent le bureau à l’heure et mettent Slack en mute” avant de le poster sur les réseaux sociaux, rapporte The Guardian. Ces salariés rejettent l’idée selon laquelle le travail devrait prendre le dessus sur tout le reste et qu’il faudrait toujours se surpasser dans ses tâches.
Une tendance qui concerne majoritairement les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Australie, mais qui pourrait bien impacter aussi l’Europe. Le rapport annuel sur l’état global du monde professionnel de 2022 réalisé par l’agence de conseil américaine Gallup est révélateur.
Seulement 9 % des travailleurs au Royaume-Uni étaient engagés ou enthousiastes à propos de leur travail, ce qui place le pays à la 33e place sur 38 pays européens. En Chine aussi, ce mouvement fait des émules. Dès avril 2021, une tendance devenue virale sur TikTok invitait au tangping, une expression qui signifie littéralement « rester allongé ».
La réponse à cette lassitude extrême réside certainement dans une meilleure conciliation vie professionnelle/vie personnelle, mais surtout dans le fait de redonner au travail tout son sens. Le monde assurantiel dispose d’atout en ce sens, en mettant en exergue son intérêt sociétal et en valorisant la RSE.
Bien-être au travail : un enjeu essentiel
Un salarié à temps plein passe plus de 1 600 heures par an au travail. Au-delà de cette temporalité, le travail est aussi constitutif de notre identité. D’où l’intérêt de s’y sentir bien. Conciliation de la vie personnelle et de la vie professionnelle, services apportés par l’entreprise, modularité et télétravail… les nouvelles générations sont devenues plus exigeantes vis-à-vis de leurs employeurs. Et font du bien-être au travail le nouveau leitmotiv et un critère différenciant dans un contexte de Guerre des talents.
Chaque année, le classement Best Workplaces France récompense les entreprises où il fait bon vivre et décerne le label « Great Place to Work ». En 2022, 338 entreprises se sont inscrites – déboursant au passage entre 10 000 et 12 000 euros de frais d’inscription : seulement 93 ont obtenu la certification.
Le classement Best Workplaces se fonde sur ce qu’on appelle « l’expérience collaborateur », à partir du Trust Index, un questionnaire de 64 questions rempli par les employés anonymement et la Culture Audit, un dossier sous forme de 15 questions ouvertes, rempli par l’employeur pour présenter les bonnes pratiques au sein de l’entreprise.
Un classement est établi en fonction de la taille des entreprises. En 2022, les lauréats sont Wavestone suivi par Décathlon (plus de 2 500 salariés), Salesforce (de 1 000 à 2 499 salariés), Cisco Systems (de 250 à 999 salariés), WL Gore & Associés (de 50 à 249 salariés) et Logiclever (moins de 50 salariés).
Parmi les sociétés de services financiers et d’assurances, American Express se classe 6e, L’Olivier assurance 7e dans la catégorie entreprises de 250 à 1 000 salariés, Accurancy 15e dans la catégorie entreprises de 50 à 250 salariés. 15e place également pour Lelynx chez les entreprises de moins de 50 salariés.
Télétravail, flex office
La crise sanitaire Covid-19 a accéléré le déploiement du télétravail, souhaité par beaucoup de salariés pour mieux concilier vie personnelle et vie professionnelle. Une tendance forte, notamment dans le secteur de l’assurance.
« Avènement du télétravail, meilleur équilibre vie professionnelle et vie personnelle, nouveaux modes et espaces de travail repensés… Il y a eu un changement de paradigme avec l’arrivée massive du télétravail qui offre aux collaborateurs davantage de flexibilité, d’autonomie et de responsabilisation » soulignaient Karine Goemaere, DRH et Mélanie Tanghe, Directrice Talent (Acquisition & Management), Marque Employeur & RH réseaux de distribution – Swiss Life.
En parallèle apparaissent d’autres nouvelles organisations, notamment le flex office par lequel le salarié ne dispose plus d’un poste dédié, mais a accès à différentes typologies de postes en fonction de ses tâches et de ses envies. C’est ce qu’a par exemple mis en place Philippe Saby, Directeur général de Solly Azar « Sur chacun de nos sites, nous organisons des lieux de travail avec des espaces en flex office et des espaces collectifs de travail, mais aussi des bulles de confidentialité. On rénove le bureau tel qu’il existait avant. Quand nous sommes au bureau, nous venons chercher autre chose que ce que l’on fait en télétravail. »
Conciergerie, crèche et paniers de fruits
Pendant longtemps, les salariés s’estimaient heureux si leur entreprise mettait à leur disposition une machine à café et une fontaine à eau. Désormais, la liste des services s’est étoffée. Les cafeterias s’équipent de frigos connectés comme ceux de Foodles, qui garantissent l’accès à une nourriture saine et fraîche 24 heures sur 24.
Beaucoup de sociétés facilitent la vie de leurs collaborateurs en mettant à leur disposition une crèche, un service de pressing, une conciergerie… de quoi avoir l’esprit plus tranquille au travail ! Les applications de covoiturage comme Klaxit séduisent également.
Une montre pour mesurer son stress
Certaines entreprises vont plus loin en exploitant le potentiel des nouvelles technologies portables, dites wearables pour contribuer au bien-être de leurs collaborateurs. Ainsi, Fitbit, montre connectée alerte le salarié lorsqu’il est trop souvent dans la zone orange ou rouge de son stress. Le bureau conseil BDO tente quant à lui l’expérience de Biorics, qui analyse le bien-être et les émotions de ses collaborateurs.
Tracances : travailler en vacances, la nouvelle tendance
Vous ne connaissez pas le néologisme tracances ? C’est pourtant un concept qui monte en flèche. Il s’agit de conjuguer travail et vacances.