À la suite des assemblées générales annuelles à Lyon les 7 et 8 juillet 2021, Matthias Savignac a été élu président du groupe MGEN.
Nous engageons la discussion* et posons une 1ère question. Matthias Savignac, qui êtes-vous ?
J’ai 48 ans et je suis né dans l’Aveyron, j’ai grandi à Blaye-les-Mines dans le département du Tarn. Mon père, mineur de fond, à la fermeture des mines en 1986 a été muté en région grenobloise. Avec un père délégué syndical et une mère engagée dans son parti politique, j’ai baigné tout petit dans des formes d’engagement ; j’ai trouvé le mien dans la MGEN.
J’ai eu une scolarité atypique mais bonne, assez conformiste ; je ne me suis pas posé beaucoup de questions jusqu’au Bac. Après, je me suis pas mal cherché en optant d’abord pour une classe préparatoire en école de commerce malgré un Bac scientifique. Au bout de deux années, je me suis orienté en Deug de langues jusqu’à une maîtrise d’anglais. Rattrapé par le service militaire, j’ai préparé deux concours, celui de professeur des écoles et de professeur d’anglais. Devenu professeur des écoles pendant près d’une dizaine d’années dont une partie auprès d’élèves en difficulté, notamment en SEGPA, je me suis posé la question de mon avenir car j’avais d’autres aspirations.
Lesquelles ?
Dans les milieux difficiles, en REP, j’ai également rencontré de la détresse, croisé beaucoup d’enseignants en grande difficulté psychologique, personnelle ou professionnelle, que ce soit dans la gestion de leur carrière ou dans le sens de leur métier. Des enseignants fatigués, épuisés. Cela m’a vraiment questionné, aussi pour les aider.
Donc, après ces dix ans d’enseignement ?
Des rencontres avec des amis de mes beaux-parents ont été déterminantes. Militants MGEN, élus bénévoles en région grenobloise, ils ont estimé que j’avais peut-être quelque chose à faire en mutualité. Les questions que je me posais étaient au cœur de celles de la MGEN, qui débattait pour élaborer des solutions. J’ai rencontré la Présidente de la section départementale de l’Isère, et me suis présenté dans la foulée aux élections des comités de section. Lorsqu’un militant MGEN permanent a accepté un poste à l’étranger, j’ai candidaté sur le poste à Grenoble.
Vous avez une passion, un hobby ?
Mon fils joue au basket et on a tous les deux l’amour de ce sport-là. On le pratique de temps en temps ensemble. Autrement, j’adore la musique, que je peux écouter seul, en lisant ou en faisant autre chose en famille. Je peux en écouter entre 8 et 10 h dans un week-end complet. J’achète beaucoup de vinyles.
Cela fait plus d’un an que vous êtes Président de la MGEN. Quel est le chemin parcouru au sein de cette nouvelle fonction ?
L’élection est quelque chose que l’on essaie d’anticiper mais qui n’est jamais comme on se l’imagine. C’est tout d’abord une très grande émotion. Vient tout de suite après, le temps de la responsabilité qui vous incombe, en lien avec l’histoire de la mutuelle, de ses engagements, des progrès auxquels elle a contribué.
On prend très vite conscience des enjeux, de l’engagement nécessaire auprès de nos adhérents, salariés, militants. Et puis il y a l’envie d’être soi-même, d’être à l’initiative sur certains sujets, sur certains progrès pour la mutuelle. Tout cela en préservant la continuité, la tradition et l’engagement. Sans me sentir tenu par le passé, je me sens comptable de l’avenir de la mutuelle.
Un souvenir particulier ?
Deux si vous le voulez bien. D’abord la rencontre avec tous les anciens membres du Bureau national de la MGEN qui ont été en responsabilité avec les problématiques de leur temps. J’ai réuni en début d’année, 25 anciens membres du bureau national. Un moment très fort pour partager sur les enjeux actuels de la mutuelle. Un moment riche de transmissions et de partages.
Le deuxième sujet fait le lien avec la Protection Sociale Complémentaire (PSC), lors de la Conférence des territoires qui réunissait l’ensemble des présidents et des militants permanents des sections départementales. Un autre moment dense de partage sur la réalité, les enjeux, les impacts et les perspectives de la PSC avec l’ensemble de notre tissu militant, de manière transparente, responsabilisante et sans tabous. Cela a été un moment fort d’appropriation et de partage collectif. Un moment fondateur également pour tous nos sujets de transformation.
Qu’est-ce qu’on peut dire aujourd’hui sur la Protection Sociale Complémentaire ?
C’est une avancée pour les fonctionnaires ! Une mise à niveau par rapport à l’Accord National Interprofessionnel (ANI) pour les salariés du privé et une responsabilisation de l’Etat employeur sur les questions de protection sociale et de santé notamment. Bien sûr, cela bouscule 75 ans d’histoire des mutuelles de fonctionnaires, nées sur un caractère individuel et volontaire et qui font basculer dans un monde collectif et obligatoire. Un sacré changement !
Cela change fondamentalement les choses sur le fond et sur la nature des relations. Pendant 75 ans, nous avions une relation partenariale et de travail avec l’Etat employeur, des projets et des dispositifs de prévention en commun. Demain nous risquons d’être réduits à des prestataires d’un appel d’offres. Tout l’enjeu pour une mutuelle comme la MGEN est de maintenir une relation partenariale avec l’Etat employeur. Je considère que nous ne sommes pas un prestataire au même titre que d’autres qui voient dans la PSC un nouveau marché de conquête et de développement. Nous sommes prêts : nous avons anticipé l’évolution de nos métiers, de notre système d’information et la relation avec nos adhérents.
En ce qui concerne la gouvernance ?
Il y aura une adaptation de nos statuts avec des représentations par ministère et par fonction publique. Mais nous continuerons d’avoir des adhérents en adhésion individuelle avec un droit de vote à l’Assemblée Générale. Les retraités de l’Education Nationale resteront des adhérents individuels.
Pour conclure sur le sujet de la Protection Sociale Complémentaire ?
J’ai la conviction que la Protection Sociale Complémentaire est avant tout un sujet de mutuelles de fonctionnaires. Si certaines mutuelles font des choix d’adossement à des groupes qui ne sont pas forcément mutualistes, j’aimerais leur dire que le mutualisme n’est pas soluble dans l’assurance et que certains prennent le risque à moyen ou long terme, de se dissoudre ou de gommer la spécificité mutualiste.
Les mutuelles de fonctionnaires ont tout intérêt à collaborer et travailler ensemble. Je plaide pour le dialogue et pour les coopérations, indépendamment des appartenances.
Un petit mot sur le sujet de la fonction publique hospitalière. Je trouve qu’il y a une résonnance forte entre le monde du soin et le monde de l’éducation. La santé et l’éducation sont deux piliers de la société, avec ne l’oublions surtout pas des personnes qui payent un lourd tribut à la crise. Les soignants comme les enseignants partagent le même sens de l’engagement et du service public. En tant que mutualiste MGEN, je trouve du sens à travailler sur ces deux champs, celui de la santé et de l’éducation.
Passons à la santé mentale. J’ai relu les résultats de votre dernière enquête, sur ce que les Français, vivent. La santé mentale est un vrai sujet ?
Cette enquête met en lumière des besoins croissants en matière de santé mentale et de prise en charge. L’enquête révèle que les Français, dont les enseignants, ne vont pas très bien. La crise du Covid a été un très fort amplificateur de situations « silencieuses » qui préexistaient déjà. Nous avons hérité d’une situation de sous-évaluation des besoins de prise en charge en santé mentale. Aujourd’hui, nous constatons que les ressources pour répondre à ces besoins ne sont pas suffisantes. La crise a mis en lumière de manière aiguë ces besoins qui existaient et les a amplifié.
En 2021, il y a eu une initiative de place entre le CTIP, la FNMF et France Assureurs afin de permettre une prise en charge de quatre consultations psychologiques à hauteur de 60 € au premier euro par an. Au bout d’un peu plus d’une année de mise en œuvre, il y a eu près de 300 000 consultations prises en charge pour la MGEN, c’est colossal ! Au-delà du chiffre, ce qui est très parlant, à l’échelle de la population mutualiste MGEN et sans vouloir faire de généralités, est que nous constatons que les populations concernées ont moins de 30 ans pour 40 % et pour près de 70 %, ce sont des femmes ! Là où d’autres l’ont arrêté, nous avons décidé de reconduire le dispositif en 2022 et nous souhaitons le prolonger, car il y a un réel besoin.
Parlons de la question de la fin de vie. La MGEN éclaire les débats avec la plus grande enquête réalisée en interrogeant plus de 4000 personnes. Comment pouvez-vous agir en tant que président de la MGEN ? Votre mutuelle est-elle légitime sur ce sujet ?
Sur la légitimité, si notre travail est d’encaisser des cotisations, de rembourser des soins selon des modalités prévues, de gérer des flux financiers, … ce n’est qu’une partie de notre mission. Rappelons notre histoire et notre présent : être aux côtés de la Sécurité sociale, afin de permettre la prise en charge et l’accompagnement des personnes les plus fragiles. Plus qu’une logique de métier, nous sommes dans une logique d’entraide, de progrès social, d’accompagnement de la population pour un accès à la santé pour tous. Cet engagement humaniste, universel guide les réalisations de la MGEN dans une logique de progrès social et d’implication forte sur des sujets sociétaux majeurs. Notre histoire est remplie d’engagements : par exemples ceux autour de la contraception, l’avortement, le handicap, la parentalité, les unités de soins palliatifs, en vue de plus de respect de la dignité humaine et de permettre à tous de faire des choix éclairés et libres.
Et pourquoi la question de la fin de vie aujourd’hui ?
Pour les mêmes raisons, et parce que ce sujet est éminemment éthique. Il aborde la question de la dignité humaine, celui de la liberté de choisir. Une chose est certaine, les droits ne sont jamais acquis définitivement. Il faut les protéger, être attentif et en prendre soin.
Une des manières de protéger les droits est aussi d’aller vers la conquête de nouveaux droits. La manière de gérer ou d’envisager librement la fin de vie est fondamentale dans notre société. Nous avons beaucoup échangé avec nos camarades mutualistes belges où le droit a beaucoup évolué. S’il n’y a pas eu un afflux massif de gens qui souhaitaient mourir, cela a apporté de l’apaisement, mais aussi une solution dès lors que l’espoir de guérir et les perspectives de traitement ne sont plus là. Les choses peuvent être envisagées et bien faites dès lors qu’elles sont accompagnées, le tout dans une logique de lutte contre la douleur.
Nous avons tout intérêt en France à porter ce débat. Tout le travail de la MGEN effectué avec nos militants, nos adhérents, nos salariés, démontre que la population française est prête, même s’il y a des résistances.
Nous n’avons pas vocation à la MGEN à écrire des propositions de loi. Nous portons fortement ce sujet. Aujourd’hui, la population est prête et il faut des réponses pour permettre une fin de vie libre et choisie.
Ensuite, les comités éthiques, les professionnels de santé, tout un ensemble de personnes de la société civile sont à même de fixer les limites et de proposer un texte. Nous pensons qu’il faut faire évoluer le droit et l’évolution de la réglementation autour de la fin de vie, mais aussi faire connaître le droit existant, comme les directives anticipées, ces dernières volontés sur les soins en fin de vie, qui restent très méconnues du grand public.
Vous avez éclairé ce débat, Mathias Savignac, vous êtes un dirigeant engagé. Comment peut-on traduire l’engagement pour le Président que vous êtes ?
L’envie d’être utile. Je ne serai pas Président de la MGEN à vie, loin de là. Il faut du renouveau, de l’engagement, des femmes et des hommes qui prennent des responsabilités. Il faut mettre à profit le temps des responsabilités pour être le plus utile possible, pour être dans une logique de partage de savoir et de transmission, pour permettre à toutes et à tous de prendre des décisions éclairées. Je terminerais en précisant que je suis extrêmement reconnaissant à la MGEN de la confiance donnée et de me permettre cet engagement, au quotidien. Je ne connais pas beaucoup d’entreprises qui aurait donné leur chance à quelqu’un qui, comme moi, a démarré sa carrière comme professeur des écoles.
Credit photo : Hervé Thouroude