Tribune de Valentin Giandomenico, consultant senior Square Management
Deux tiers des français se déclarent sensibles aux enjeux de développement durable. Aujourd’hui, cette sensibilité constitue un véritable critère de choix en matière d’épargne et de placement, notamment pour l’assurance vie.
Conscients de ces enjeux, les assureurs se sont emparés de ces sujets voilà déjà quelques années. En effet, nombre de leurs communications commerciales font la part belle aux enjeux de durabilité, et de plus en plus de leurs contrats proposent des unités de compte durables ou responsables.
Avec l’entrée en vigueur du règlement sur la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers, dit « règlement SFDR », le 10 mars 2021, la communication des assureurs sur les critères de durabilité s’est densifiée.
Depuis, les assurés disposent notamment d’une information complète, et parfois complexe, sur le positionnement de leurs contrats d’assurance vie en matière de durabilité, ainsi que sa prise en compte dans la politique d’investissement des assureurs.
Dès lors, il ne manquait plus aux assureurs d’intégrer ce critère de durabilité à leur démarche de conseil. Depuis le 2 août dernier, c’est chose faite, avec l’entrée en vigueur d’un nouveau règlement délégué de la Directive sur la Distribution d’Assurances : DDA. La durabilité est désormais omniprésente dans la communication des assureurs, de la conception du produit d’assurance-vie jusqu’à sa commercialisation.
Une durabilité affirmée jusque dans la définition des marchés cibles
L’entrée en vigueur du nouveau règlement délégué impose aux assureurs d’intégrer les critères de durabilité dans la définition des profils de clients ciblés, appelés marchés cibles. Ces marchés délimitent les populations d’investisseurs auprès desquelles les assureurs peuvent distribuer leurs contrats d’assurance-vie (marché cible positif) ou auprès desquelles la distribution est exclue (marché cible négatif).
La prise en compte des objectifs environnementaux et sociaux dans la définition des profils-types des clients doit, par ailleurs, atteindre un certain degré de précision. En effet, la déclaration générale qu’un contrat d’assurance-vie est destiné à des investisseurs sensibles aux critères de durabilité ne peut être suffisante.
Une nouvelle définition du profil d’investisseur du client
La distribution d’un produit d’assurance devant se limiter à un marché cible, il est impératif, avant toute souscription, de définir le profil d’investisseur du client. Il s’agit, par le biais de différentes questions, de définir ses objectifs d’investissement, ses connaissances en matière financière ou encore de prendre en compte sa tolérance au risque.
Cette démarche, qui permet de déterminer si le produit d’assurance vie proposé au client est conforme à ses besoins et à son profil de risque, est désormais enrichie de questions permettant de déterminer les préférences du client en matière de durabilité. Également, la prévalence de son appétence aux critères ESG doit être déterminée par rapport à d’autres critères (rentabilité, risque, etc.), afin de déterminer les produits d’assurance vie les plus adaptés à ses besoins.
L’appétence du client pour la durabilité : nouveau critère du devoir de conseil
Un client exprimant une appétence à ces sujets doit naturellement être orienté vers des produits répondant à ces critères. Comme antérieurement, l’assureur doit justifier son conseil : au-delà de proposer un produit répondant, sur le papier, aux attentes du client en termes de rendement, d’horizon de placement, de risque, ou encore de durabilité, l’assureur est contraint de justifier en quoi le contrat proposé, et pas un autre, répond spécifiquement aux besoins du client.
Plus encore, s’agissant des objectifs de durabilité auxquels le client peut être sensible, l’assureur indique désormais en quoi la souscription du contrat d’assurance-vie correspond à ces objectifs, voire en quoi le produit proposé contribue à ces objectifs.
Le défi pour les assureurs tient dans la justification du devoir du conseil. En effet, l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR) relève régulièrement des insuffisances dans la justification des conseils formulés par les assureurs, jugée trop succincte ou trop détachée de la situation particulière du client. L’enjeu est donc d’enrichir la justification du devoir de conseil par rapport aux attentes spécifiques du client en matière de durabilité.
Dans les faits, les critères extra-financiers sont au cœur des communications commerciales des assureurs depuis déjà plusieurs années. Les assureurs insistent sur la commercialisation des unités de compte afin de réorienter peu à peu l’épargne investie sur le fonds en euros, peu rentable après une période de taux d’intérêts durablement bas. En effet, de nombreuses unités de compte mises en avant par les assureurs dans leurs publicités présentent des critères de durabilité et bénéficient de labels. A l’inverse, le fonds en euros a plus de difficultés à se démarquer s’agissant des critères de durabilité.
La prévalence des unités de compte en matière de durabilité permet aux assureurs de développer aisément leur offre en matière d’investissement responsable et ainsi de proposer une offre adaptée aux deux tiers des français sensibles aux enjeux de développement durable. En effet, il ne leur est pas nécessaire de créer un nouveau produit spécifiquement pour satisfaire aux besoins de leurs clients ayant une grande appétence pour les problématiques écologiques, sociales ou de gouvernance. L’ajout d’unités de compte durables à des contrats d’assurance vie multisupports existants peut être suffisante.
Un défi demeure cependant. L’information fournie aux clients est toujours plus dense et plus complexe, et les contrats d’assurance vie multisupports ne sont guère adaptés à tous les profils d’investisseurs. Le développement de l’épargne durable doit dès lors s’accompagner d’initiatives en matière d’éducation financière des français pour la rendre plus accessible à tous. Par exemple, les guides pratiques produits par les assureurs et leurs fédérations, ainsi que les webinaires proposés à leurs clients, devraient se démocratiser et intégrer la question de la prise en compte du développement durable dans les investissements.