Inondations, sécheresse, gelées tardives… le changement climatique est une réalité et les agriculteurs sont en première ligne de ses conséquences. Ces dernières décennies, les catastrophes naturelles se sont multipliées.
La réforme de l’assurance récolte, qui entre en vigueur le 1er janvier 2023, doit permettre de mutualiser davantage le risque climatique.
Imaginée après l’épisode de gel d’avril 2021, la réforme de l’assurance multirisques climatiques entrera en vigueur le 1er janvier 2023. L’ordonnance du 29 juillet 2022, qui complète la loi du 2 mars 2022, fixe à près de 20 % de pertes le seuil d’intervention de l’assurance subventionnée à hauteur de 70 %. Le fonds de solidarité nationale des calamités agricoles, désormais réservé aux dommages majeurs comme un glissement de terrain, interviendra de façon réduite pour les non-assurés.
« Nous menons, avec ce projet de loi, une réforme systémique de l’assurance récolte qui permettra de protéger chacune de nos exploitations agricoles. À partir de 2023, tous les agriculteurs pourront avoir accès à une couverture universelle, fondée sur la solidarité nationale, pour couvrir les risques les plus graves. En parallèle, un accès plus simple à l’assurance privée permettra de se protéger des autres risques. C’est un travail partenarial mené avec les fédérations professionnelles de l’agriculture, les assureurs et les parlementaires qui permet aujourd’hui d’aboutir à cette réforme historique » soulignait Bruno Le Maire, ministre de l’Economie, des Finances et de la Relance lors de l’examen du projet de loi.
Une ceinture de sécurité pour les agriculteurs
« L’adoption de la réforme de l’assurance récolte marque un véritable tournant dans nos politiques agricoles. La solidarité nationale vient se porter garante de la pérennité de nos productions agricoles dans un contexte d’accélération et d’intensification des épisodes climatiques exceptionnels. Cette réforme vient donc créer une véritable ceinture de sécurité pour tous les agriculteurs : en cas d’aléas exceptionnels la solidarité nationale indemnisera leurs pertes. Je tiens à saluer tout le travail mené avec les parlementaires permettant d’aboutir à une réforme structurelle, attendue et efficace » ajoutait à la même époque Julien Denormandie, alors ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation.
Solidarité nationale et partage des risques
La nouvelle loi crée un régime reposant sur la solidarité nationale et un nouveau partage des risques entre l’État, les agriculteurs et les assureurs, autour de quatre piliers fondamentaux :
- la solidarité : amélioration de la solidarité nationale permettant d’atteindre un financement de 600 millions d’euros par an du dispositif (contre 300 millions d’euros actuellement) ;
- l’universalité : quelle que soit leur filière, tous les agriculteurs bénéficient de la couverture des risques dits « catastrophiques » ;
- la lisibilité : répartition claire des risques entre les différentes parties prenantes (agriculteurs, assureurs, État) ;
- la rapidité : accélération des indemnisations des pertes de récolte (nettement inférieures aux deux années constatées en moyenne actuellement).
Un régime universel d’indemnisation
Ainsi, pour remplacer le système d’assurance actuel, le nouveau « régime universel d’indemnisation » présente une architecture à trois étages où le risque est couvert différemment selon le niveau de perte de récolte :
- pour les risques de faible intensité (<30% de perte) : l’agriculteur assume seul le risque climatique en puisant dans la trésorerie de son exploitation ;
- pour les risques d’intensité moyenne (entre 30 et 70% de perte) : une assurance multirisque climatique couvrira les pertes. Les primes de ces assurances seront en partie financées par les subventions publiques, notamment la Politique agricole commune (PAC) ;
- pour les risques dits catastrophiques (plus de 70% de perte) : la solidarité nationale prend le relais et la perte est intégralement couverte par l’État.
Par ailleurs, la loi prévoit également un guichet unique pour simplifier les démarches et un pool d’assureurs, dont l’adhésion pourrait être obligatoire pour les assureurs du secteur, permettant ainsi le partage de données et une mutualisation des risques afin d’établir une prime d’assurance la plus juste possible.
Des dispositions critiquées par des syndicats
La Confédération paysanne et treize autres syndicats et organisations s’inquiètent de l’exclusion pour certaines productions : « En supprimant le dispositif existant des calamités agricoles pour le remplacer par l’assurance privée, le gouvernement exclut toutes les paysannes et tous les paysans qui, faute de trésorerie, n’ont pas les moyens de souscrire à une assurance récolte. Mais il exclut aussi des productions essentielles, comme le maraîchage diversifié ou l’apiculture, qui ne sont pas assurables alors qu’elles sont en première ligne face au changement climatique ». Elle ajoute que les fonds européens pour la prise en charge des primes d’assurance « auraient pu bénéficier aux mesures agro-environnementales ou à l’agriculture biologique ».
De son côté, la Coordination rurale estime que la réforme met en jeu « un dispositif trop coûteux pour pouvoir être utilement et massivement souscrit », notant que certains assureurs avaient déjà annoncé une augmentation de leurs primes de 10 à 25 % en 2022.
Les derniers arbitrages sur les seuils de franchise et le taux de subvention de l’assurance ne sont toujours pas rendus, alors que la réforme doit entrer en vigueur au 1er janvier 2023.
« On attend désormais les décrets », a déclaré Jean-Christophe Roubin, directeur du marché de l’agriculture à Crédit Agricole SA.
« L’effectivité de cette réforme le 1er janvier 2023 va nécessiter une mobilisation sans précédent des assureurs, des organisations professionnelles agricoles et de l’administration afin de publier, dans des délais extrêmement contraints, les décrets, arrêtés et cahiers des charges nécessaires à la mise en œuvre opérationnelle du dispositif », déclare pour sa part Groupama dans un communiqué du 12 septembre.