La fin de vie est un sujet complexe et sensible, qui intéresse et questionne les citoyens. Une convention citoyenne sera organisée prochainement sur cette thématique. C’est ce qu’a annoncé le président de la République jeudi 8 septembre. Avec, peut-être, in fine, une évolution de la loi.
En France, la fin de vie des malades incurables est encadrée par la loi Claeys-Leonetti. Adoptée en 2016, après une première version en 2005, elle interdit l’euthanasie et le suicide assisté, mais permet une « sédation profonde et continue jusqu’au décès » pour des malades en phase terminale et en très grande souffrance, dont le pronostic vital est engagé « à court terme ».
La loi prévoit l’arrêt des traitements en cas « d’obstination déraisonnable » (ou acharnement thérapeutique): si le patient le souhaite, les traitements peuvent être « suspendus » lorsqu’ils « apparaissent inutiles, disproportionnés ou lorsqu’ils n’ont d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie ».
Si le patient ne peut exprimer sa volonté, la décision doit être prise par les médecins de façon « collégiale ». Le texte renforce la valeur des « directives anticipées » que les patients sont à même de formuler, en prévision d’une situation où ils ne seraient plus en mesure d’exprimer leur volonté. En 2018, le Conseil d’État puis le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) avaient jugé que cette loi ne devait pas être modifiée. Tous deux ont cependant souligné qu’il fallait garantir un meilleur accès aux soins palliatifs.
« Se bouger pour plus d’humanité »
Pendant la campagne présentielle, le chef de l’État avait annoncé sa volonté d’instaurer une « convention citoyenne » pour « avancer » sur le sujet « de manière apaisée ». En avril 2021, l’Assemblée nationale en avait déjà débattu après une proposition de loi du député Olivier Falorni. Son examen n’avait pas abouti à cause de milliers d’amendements destinés à faire obstruction, mais 240 députés avaient approuvé le principe d’une « assistance médicalisée active à mourir ». Le 8 septembre, Emmanuel Macron a confirmé le lancement prochain d’une « convention citoyenne » sur la fin de vie, estimant qu' »il nous faut bouger pour plus d’humanité ».
Des conséquences éthiques et déontologiques
En Europe, l’euthanasie est autorisée dans plusieurs pays comme les Pays-Bas, la Belgique et plus récemment l’Espagne. En rouvrant ce dossier qui divise pro et anti-euthanasie, le risque est de réactiver une source de tensions dans la société. Si la fin de vie met d’accord la gauche et une partie du centre, elle suscite de vives réticences à droite.
Très concernée par le dossier, la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (Sfap) se dit favorable à l’idée d’une convention. Mais pour sa présidente, Claire Fourcade, une éventuelle évolution de la loi ne devra pas engager les soignants. « Donner la mort n’est pas un soin, cela ne peut être la responsabilité des acteurs du soin palliatif », soutient-elle à l’AFP. Une dizaine de sociétés savantes de profession impliquées dans la fin de vie se sont inquiétées des conséquences éthiques et déontologiques qu’une évolution législative pourrait avoir sur leurs métiers. « Aujourd’hui, si on fait une sédation, on vous endort et on ne va jamais vous réveiller, donc on est dans une forme d’hypocrisie » oppose Jean-Luc Romero-Michel, ancien président de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD).
L’aide active à mourir : un très large consensus chez les Français
Souhaitant être partie prenante du débat sur la fin de vie, la mutuelle MGEN a effectué récemment la plus grande enquête sur le sujet, en interrogeant 4 000 personnes – 2 000 Français et 2 000 adhérents MGEN – et en publiant son manifeste sur la fin de vie.
« Le sujet de la fin de vie est d’abord une question de dignité et de liberté individuelle. Nous aurions tort de croire que les droits acquis sont intouchables ; défendons-les en allant à la conquête de nouveaux droits. Notre société est prête, le consensus est réel. MGEN a souvent pris des positions novatrices en matière de soin et de lutte contre la douleur. Notre projet d’hier et de demain est que toutes les personnes soient égales en droit, en dignité et libres de leurs choix », indique Matthias Savignac, président MGEN.
Les résultats de l’enquête menée par l’IFOP pour MGEN indiquent en effet une forte attente des Français sur ce sujet sociétal et leur grande insatisfaction sur la prise en charge actuelle.
6 Français sur 10, et plus de 3 adhérents sur 4 souhaitent que la question de la fin de vie soit prioritaire. En effet, la fin de vie est aujourd’hui source de nombreuses inégalités : inégalités territoriales, inégalités sociales, inégalités de genre… 92 % des Français et plus d’adhérents encore (97 %) sont favorables à l’aide active à mourir en situation de maladie grave et incurable. (+ 3 points depuis 1987).
78 % des Français et 87% des adhérents MGEN souhaitent que le président de la République organise une conférence citoyenne pendant son nouveau quinquennat.
Les mutuelles impliquées dans le débat
La fin de vie était également au menu du 43e Congrès de la Mutualité Française, qui s’est déroulé à Marseille du 7 au 9 septembre.
Une conférence intitulée « Choisir sa fin de vie : l’ultime liberté ? » a ainsi réuni François Damas, membre de la commission euthanasie en Belgique, Jean-Luc Romero-Michel, Président d’honneur de l’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité (ADMD), et Matthias Savignac, Président de la Mutuelle générale de l’Éducation nationale (MGEN).
Dans une déclaration transmise à l’AFP, Éric Chenut, président de la Fédération nationale de la Mutualité Française (FNMF), entend « défendre une position délicate sur la fin de vie, qui fera l’objet à l’automne d’une « consultation » voulue par le gouvernement ». Souhaitant d’abord renforcer les soins palliatifs, Éric Chenut propose néanmoins de rendre « opposables » les directives anticipées et, pour ceux qui « souhaitent pouvoir être assistés », créer « une aide active à mourir », convaincu « qu’on doit permettre aux gens de choisir leur fin de vie ».