Le contexte d’un marché du travail en tension, en proie aux phénomènes de « Grande Démission » et de « Guerre des Talents, » a conduit nombre d’employeurs à s’adapter en revoyant leur politique de ressources humaines pour améliorer l’expérience Collaborateur.
Cette évolution participe ainsi à la transformation des métiers RH que la crise sanitaire a déjà largement bouleversés. Plusieurs études ont ainsi identifié les nouveaux enjeux majeurs auxquels est désormais confronté le secteur des RH.
En réponse à l’«empowerment » des candidats, les DRH voient leurs priorités évoluer, de nouvelles problématiques longtemps ignorées semblent désormais incontournables dans le cadre, également, de la valorisation des marques Employeur des entreprises.
Ainsi d’après une étude de Michael Page intitulée Comment la crise sanitaire transforme l’organisation du travail , « 6 dirigeants RH sur 10 pensent que la crise actuelle va transformer durablement l’organisation du travail ».
S’appuyant sur cette étude, Michael Page a publié un « Top 5 des priorités des DRH pour construire l’entreprise d’après ». Le baromètre DRH Gras Savoye, Willis Towers Watson, RH&M et ABV Group s’est attaqué à la même thématique, la Coach professionnelle et formatrice Delphine Daniel s’appuyant sur cette étude pour livrer ses analyses et conclusions sur son blog.
A ces deux classements vient s’ajouter un article de la journaliste Florence Boulenger, spécialisée dans la transformation des entreprises et les stratégies d’innovation, en charge de la rubrique « Futur du Travail » du média business spécialisé Alliancy.fr : celle-ci définit à son tour « les cinq nouvelles priorités du DRH », dans une optique plus concrète venant compléter les deux classements précédents. Ces travaux mettent tous en évidence la transformation du métier de DRH à tous les niveaux.
La transformation de l’entreprise
S’appuyant sur le baromètre Gras Savoye, Delphine Daniel souligne que « pour 88% des DRH, accompagner la transformation de l’entreprise est leur première priorité. » Cela concerne une culture d’entreprise favorisant « l’innovation et l’agilité, et la flexibilisation des organisations autour de la gestion du temps de travail en présentiel et en distanciel. »
Réinventer les environnements de travail et les locaux
D’après l’étude de Michael Page, 77% des DRH ont mené ou vont mener cette année des réflexions sur l’environnement de travail et les locaux : « équipement en matériel informatique, réaménagement des locaux, généralisation des bureaux individuels ou limités à quelques collaborateurs, mise en place ou accélération du « flex-office. » Le cabinet de recrutement y voit « la conséquence directe d’une organisation hybride du travail, alternant présentiel et distanciel. »
Le travail à longue distance : une suite logique
S’appuyant sur l’émergence du télétravail qui s’est imposé dans les organisations, Florence Boulenger invite les DRH à « pousser un cran plus loin en allant recruter les collaborateurs dans d’autres pays, » soulignant que bien des start-up se sont spécialisées dans le recrutement d’experts expatriés. Dans un contexte de Guerre des Talents particulièrement à l’œuvre dans le secteur du numérique, la journaliste confirme une tendance déjà mise en évidence par le co-fondateur de Livestorm Gilles Bertaux : « le développement du télétravail favorise le recrutement de candidats à l’international, accentuant ainsi la pénurie de talents au sein de la Tech française. »
Le développement des compétences
Delphine Daniel souligne que « le développement des compétences de leurs salariés est une priorité pour 9 DRH sur 10 », selon le Baromètre Gras Savoye. Or l’amélioration de l’expérience collaborateur passe en particulier par les perspectives données d’évolution de poste. La formation continue ne doit donc absolument pas être négligée : il revient aux DRH de prendre des initiatives en la matière.
De son côté, l’étude de Michael Page constate que dans un contexte d’évolutions rapides sous l’influence de la transformation numérique, « les compétences techniques tendent à devenir rapidement obsolètes, si bien que les capacités à développer de nouvelles compétences et à s’adapter deviennent essentielles, le Covid-19 ayant agi comme un accélérateur de toutes ces mutations déjà à l’œuvre. » Le cabinet de recrutement conclut par la nécessité pour les DRH « d’accompagner leurs salariés en leur proposant des programmes de formations continue. »
Le bien-être des collaborateurs
Il s’agit certainement de l’un des nerfs de la guerre (des talents). Citant le baromètre Gras Savoye, Delphine Daniel relève que « 86 % des DRH considèrent que le bien-être des collaborateurs est le meilleur moyen d’avoir des salariés engagés et performants. Et donc de renforcer la solidité économique de l’entreprise. » Pour améliorer ce bien-être, les entreprises disposent de divers leviers.
Mettre en place des modes de travail flexibles
Le télétravail apparaît aujourd’hui comme une évidence : l’étude de Michael Page relève que 53% des salariés français attendent plus de flexibilité dans leur travail. En outre pour les candidats en recherche d’emploi, « la possibilité de faire du télétravail est devenue un critère à part entière dans le choix de leur futur employeur. » Résultat : « 76% des DRH sont prêtes à faciliter le télétravail pour les collaborateurs qui souhaitent habiter dans une région différente de celle de leur lieu de travail. » A la clé, une meilleure qualité de vie pour les collaborateurs et ainsi, « un mécanisme d’attraction et rétention des talents favorisé. »
Parentalité : des solutions concrètes
Florence Boulenger souligne combien question de la parentalité a été sous le feu des projecteurs durant la pandémie, du fait de la fermeture des écoles. Pour autant, « l’exercice d’équilibriste consistant à jongler entre son métier et sa vie de famille ne date pas d’hier. » La journaliste met en évidence combien l’absence de politique pro-active sur ce sujet est source d’inégalités professionnelles, les femmes restant largement pénalisées dans leur carrière du fait de leurs contraintes parentales.
Onboarding et Offboarding : à soigner plus que jamais
D’après Florence Boulenger, « bien accueillir ses nouveaux collaborateurs n’a jamais été aussi important qu’en ces années 2020 où l’on s’est mis à recruter parfois sans jamais se rencontrer physiquement. » A l’inverse, « le départ d’un collaborateur doit se faire dans les meilleures conditions ».
En effet, tout ancien salarié devient un « ambassadeur » de l’entreprise. Dans un monde ultra connecté, le bouche-à-oreille est décuplé par les commentaires sur les réseaux sociaux : en 2022, 92 % des candidats consultent les avis donnés sur une entreprise sur Internet avant de postuler, et 64 % d’entre eux ont déclaré que les avis publiés avaient influencé leur décision de postuler ou non.
L’accompagnement des salariés tout au long de leur parcours dans l’entreprise, y compris au moment de leur départ, constitue une des clés de consolidation et de valorisation de sa Marque Employeur.
La transformation de la fonction RH
Si une politique RH contribue à la transformation d’une entreprise, il est aussi logique de s’attaquer à l’organisation et au fonctionnement des services RH eux-mêmes. Selon Delphine Daniel, le baromètre Gras confirme « la volonté généralisée des DRH de moderniser et digitaliser la fonction RH pour accompagner les projets de réorganisation de l’entreprise » au travers de plusieurs angles :
– l’évolution des systèmes d’Information de Gestion des Ressources Humaines (SIRH)
–l’analyse de la performance de la fonction RH et la mise en place de tableaux de bord
–la simplification des processus de recrutement, de formation et d’évaluation.
La transformation des fonctions RH consiste également à passer d’une posture de gestion à une posture pro active. Pour valoriser la Marque Employeur et ne pas la réduire à une action de communication, il revient aux DRH de mettre en place de véritables politiques de prévention s’attaquant aux défis majeurs d’aujourd’hui comme de demain.
Mettre en place une politique de Responsabilité Sociétale et Environnementale (RSE)
Conséquence de la crise sanitaire, le cabinet Michael Page souligne que « près de 9 DRH sur 10 estiment que les entreprises ont une responsabilité importante dans l’élaboration d’un monde plus juste et responsable. » Au-delà de la question éthique, la mise en place d’une politique RSE représente « un véritable levier de marque Employeur pour attirer et retenir les talents. » Or les chantiers restent nombreux : l’étude de Michael Page cite en particulier « la diversité et l’inclusion, les achats responsables, les actions solidaires, le mécénat de compétences… »
Mettre en place une politique de gestion des risques sanitaires et psycho-sociaux et lever les tabous sur les salariés aidants
Le constat de Michael Page est sans appel : « Depuis la crise sanitaire, de nombreux salariés ont mis au cœur de leurs préoccupations les questions de bien-être et de santé mentale, et attendent des réponses concrètes de la part de leur employeur ». Pour autant, 75% déclarent que « leur employeur n’a mis en place aucune action pour les soutenir sur le plan psychologique. »
Pire encore, alors que le bien-être au travail est un facteur clé pour la rétention des talents et la bonne marche de l’entreprise, « la moitié des salariés ne se sent pas à l’aise pour parler de sa santé mentale avec le manager (48%) ou aux RH (49%). » A charge donc aux DRH de mettre en place une politique dédiée, avec « une réelle sensibilisation des managers de proximité pour libérer la parole sur ces sujets. »
De son côté, Florence Boulenger évoque aussi sans détour la problématique des salariés aidants, rappelant qu’en France, « plus d’un salarié sur dix aide déjà régulièrement un proche. » Or ce problème est généralement passé sous silence par les salariés eux-mêmes, qui se débrouillent comme ils le peuvent et « finissent généralement par poser des arrêts-maladie. » Si différents dispositifs d’aide existent, le tabou est encore persistant.
Ainsi, les DRH se doivent aujourd’hui d’être sur tous les fronts en termes d’enjeux et de priorités. Comme le souligne Delphine Daniel, « Entre accompagnement de la transformation des entreprises, fidélisation des salariés ou encore digitalisation des processus RH, les DRH ont plus que jamais un rôle stratégique dans l’entreprise. »
La directrice des ressources humaines d’AG2R La Mondiale, Claire Silva, élue DRH de l’année 2022.
Le 22 juin dernier, le prix du DRH de l’année a été attribué à Claire Silva, DRH d’AG2R la mondiale. Ce prix a été décerné par Le Figaro emploi, Cadremploi, Morgan Philips et Sciences Po Executive Education. Et ce à l’occasion de la 26e édition du Trophée du DRH de l’année.