Guerre des talents, une réalité pour l’assurance ? est le thème de l’entretien avec Emmanuelle Nave, DRH de Mutuaide.
Selon vous, actuellement, y a-t-il de nouveaux besoins pour les collaborateurs (qualité de vie au travail, nouveaux équilibres entre vie professionnelle et personnelle, remise en question du rapport au travail classique, …)
Après la période de covid, nous avons vu se renforcer une tendance déjà présente : les candidats ne souhaitent plus sacrifier leur équilibre de vie global pour leur activité professionnelle. Nous observons de plus en plus des demandes liées au télétravail, ou encore aux jours de repos. Cela leur permet de s’investir dans d’autres sphères de réalisation (associatif, sportif, familial ou de loisir…).
Par ailleurs, si le confort de l’environnement de travail est devenu incontournable et évident (locaux clairs, accueillants, permettant les usages multiples, la détente, les échanges et la collaboration…), l’accent de la QVT (Qualité de vie au travail ) est maintenant mis sur l’intérêt du travail, le sens qui est proposé dans la mission, et la qualité des relations.
En ce qui concerne les collaborateurs de votre entreprise, leur rapport au travail a- t-il évolué ?
Oui car ces nouvelles attentes, si elles sont tirées par les « jeunes » générations, sont également liées à une évolution sociétale dans son ensemble. Aujourd’hui, nous ne pouvons plus faire l’impasse sur un management de qualité. Le collaborateur attend de son manager qu’il lui donne du sens, des feedback constructifs et positifs, qu’il l’accompagne dans les difficultés, qu’il soit à l’écoute et tourné vers le collectif. Le droit à la déconnexion est également devenu crucial.
Selon vous, y a-t-il un accès plus concurrentiel aux « talents » et une plus grande difficulté à fidéliser ces mêmes talents ?
Nous devons faire face actuellement, et très concrètement, à une pénurie de candidats. Notamment ceux qui répondent aux critères que nous recherchons. Les candidatures sont plus volatiles, ce qui veut dire que nous devons maintenant faire plus vite en réduisant le temps de nos process. Nous devons être plus exigeants dans la proposition que nous faisons, sur les missions des postes mais aussi sur le parcours de recrutement que nous proposons, comme expérience positive et attractive.
L’attractivité perçue d’une entreprise est-elle un facteur clé de son succès ? (pour le recrutement)
Effectivement le critère d’attractivité est essentiel. Les candidats sont sensibles à ce qu’ils perçoivent de l’entreprise. Cela se passe lors des premiers contacts. Ils expriment le fait que ce « feeling » fait partie des critères de choix, aux côtés d’éléments comme la localisation ou la rémunération… Ils sont sensibles à la dynamique de l’entreprise et les recruteurs doivent incarner et transmettre cette image.
Dans le secteur de l’assurance, craignez-vous une pénurie des compétences clés ?
Actuellement, il y a une tension sur le marché des candidats que nous observons à Mutuaide. Souvent, sur les profils de gestionnaires et de chargés d’assistance. Recruter est plus difficile qu’avant. Nous avons dû assouplir nos exigences, notamment au niveau des critères recherchés. Nous avons agi sur les 4 leviers principaux identifiés par les pouvoirs publics : la révision de nos salaires d’embauche, l’évolution de nos conditions de travail, la diversification des contrats proposés (par exemple du temps partiel annualisé), et l’ajustement des profils recherchés, en étant moins attachés à des éléments de diplôme et de parcours, mais plutôt aux aptitudes et aux compétences.
Les entreprises doivent-elles réinventer la relation employeurs / collaborateurs ?
C’est une évidence, et nous ne sommes probablement qu’au début de cette transformation de fond. Nous ne sommes plus dans une relation unilatérale de pouvoir où l’employeur embauche et se sépare à sa guise. L’équilibre est de plus en plus marqué, et peut être même actuellement déséquilibré en défaveur des employeurs dans la recherche des candidats. Nous nous orientons véritablement vers une relation de coopération, où chacun donne autant qu’il trouve dans la relation contractuelle.
A Mutuaide, nous avons lancé un projet fort de refonte de l’expérience collaborateur, pour redessiner le parcours de vie proposé, autour de la promesse d’une expérience unique et réussie. Le candidat choisit aujourd’hui son entreprise tout autant qu’elle le choisit.
Au delà de la rémunération, comment selon vous, attirer/garder les talents d’une entreprise ?
Pour moi, tout se joue dans la qualité de la relation, et dans cette expérience à vivre. Qu’est-ce que nous proposons de vivre à nos collaborateurs pendant le temps de leur contrat avec nous ? Il faut expliquer aux collaborateurs leur utilité, valoriser ce qu’ils font, les aiguiller pour savoir comment le faire.
Nous sommes tous en recherche de liens. C’est notre besoin humain. Nous avons besoin de coopérer avec d’autres, de réussir avec les autres, de nous sentir comme faisant partie d’un collectif. Le plus fort engagement vient lorsque l’on peut se dépasser et partager avec les autres de la joie. Il est temps que les émotions ne soient plus taboues en entreprise, et que nous apprenions à les exprimer.
En tant que manager, je peux témoigner mon affection pour un collaborateur, exprimer mon attachement à l’équipe, que je suis attachée à mon équipe, que je ressens de la joie à travailler avec eux.
Les raisons d’être, les marques employeurs des entreprises ont-elles des impacts sur le recrutement et la fidélisation des collaborateurs,… ?
La raison d’être devient enfin centrale dans la stratégie de l’entreprise. Avec la loi Pacte, nous pouvons aller vers une nouvelle maturité d’organisation. Celle où l’on ne se demande plus seulement ‘comment gagner de l’argent’ mais « pourquoi gagner de l’argent ». A titre individuel mais aussi collectif, c’est d’abord pour ce que nous pouvons apporter comme contribution que nous nous levons le matin. La raison d’être est le moteur puissant de l’engagement.
A Mutuaide, nous vibrons pour la raison d’être qui est celle de notre Groupe, Groupama « Nous sommes là pour permettre au plus grand nombre de construire leur vie en confiance. Pour cela, nous sommes fondés sur des communautés d’entraide humaines, proches et responsables ». Chaque jour, nous sommes là pour nos clients, et nous sommes une communauté.
Pour conclure ?
Ma conviction est que pour « gagner » cette guerre des talents, il faut rester soi-même, se recentrer encore plus sur l’identité de notre entreprise, la clamer et en être fier. Il ne sert à rien d’essayer d’être quelqu’un d’autre, d’imiter un concurrent. Les talents viendront à nous s’ils perçoivent clairement notre proposition.
Dossier : Guerre des talents, réalité pour le secteur de la l’assurance ? enquête, itw, libre blanc, AssuranceTV, podcast… si intérêt, nous consulter.