L’Institut des actuaires, qui fête ses 126 ans cette année, a pour devise « Éclairer les risques, tracer l’avenir. »
L’Institut des actuaires organisait le 23 juin dernier à la Maison de la Mutualité à Paris, le 21e Congrès des Actuaires sur le thème « Éclairer l’avenir dans un monde en transition ». Dans ce contexte, nous avons interviewé, Philippe Talleux, Président de l’Institut des Actuaires.
Que pouvez-vous nous dire sur la transformation de cette industrie ?
Philippe Talleux : Faire référence à nos 126 ans nous responsabilise. En 2021 et 2022, nous avons été sollicités par les représentants de pouvoirs publics tels que la Direction générale du Trésor, l’Assemblée nationale, le CESE ou l’ACPR, ainsi que par les Associations professionnelles que sont France Assureurs, le CTIP et la Mutualité Française.
En nous consultant, ces institutions ont confirmé que la vivacité du mouvement actuariel constitue une véritable valeur ajoutée dans le débat public. Ces années ont remis à l’ordre du jour l’activité d’assurance de biens et de responsabilité.
Les risques catastrophiques, climatiques et leurs conséquences en assurances de dommages, de responsabilité et de personnes (pandémie, risque cyber, guerre en Ukraine) ont pris une importance sans précédent dans l’action des actuaires. La tendance de fond du réchauffement climatique complète cet horizon.
Il faut toutefois constater la résilience de l’industrie de l’assurance à ces évènements.
La transformation du secteur assurantiel se poursuivra, marquée par l’amplitude du volume des données internes et externes utilisées et la puissance des algorithmes. En tant qu’actuaires, et donc en tant qu’experts en exploitation des données, les membres de l’Institut sont, ici aussi, parfaitement à l’aise.
Vous le savez, notre plateforme média traite de transformations, d’innovations au sens le plus large, pour cette industrie. En particulier sur la transformation des métiers, concernant le métier d’actuaire, certains considèrent l’avènement d’un « actuariat 5.0 ». Je ne sais pas si ce terme est adéquat. Le rôle de l’actuaire, ses compétences, vont-ils évoluer ou se transformer ?
Philippe Talleux : A titre personnel, je ne sais pas ce qu’est un « actuaire 5.0 ». Je parlerai plutôt « d’actuaire 126.0 ». L’évolution du métier a conduit les actuaires à s’équiper d’outils techniques et comportementaux permettant d’anticiper les tendances fortes qui concernent notre société et les besoins des différents employeurs.
Les formations d’actuaires, pour bon nombre d’entre elles, intègrent depuis quelques années des modules relatifs au réchauffement climatique et au risque cyber. A mon sens, les actuaires sont les Data Scientists de la première heure et ce depuis 126 ans. Le Code de déontologie en plus.
Ils ont, ici aussi, anticipé que l’usage des données massives et des algorithmes d’intelligence artificielle doit être encadré par des comportements éthiques. La sobriété dans l’utilisation des données massives est un prérequis attendu de la part d’un actuaire, ce qui contribue aux efforts contre le réchauffement climatique.
Bien entendu, je vous parle ici des transformations récentes du métier et il ne s’agit sûrement pas d’un point final, mais bien d’une évolution continue du management des risques, élément central de l’activité des membres de l’Institut des actuaires.
Autre sujet, nous avons interviewé près d’une cinquantaine de dirigeants/décideurs du secteur sur le thème de la « Guerre des talents : réalité pour le secteur de l’assurance ? ». Vous le savez, beaucoup parle de « Big Quit », de « Great Resignation », de « Grande démission » et en général de risque de pénurie de compétences clés. Beaucoup s’inquiètent de cette pénurie de talents, potentielle pour certains métiers, avérée pour d’autres. Qu’en est-il pour les actuaires ?
Philippe Talleux : Actuaire, et en particulier Actuaire Certifié(e) membre de l’Institut des actuaires, est une marque de qualité technique, professionnelle et éthique.
Les entreprises du secteur de la finance et du risque sollicitent de plus en plus nos jeunes membres. L’Institut des actuaires est une association dynamique dont le nombre de membres est en constante augmentation.
Toutefois, il semblerait, aux dires de quelques dirigeants de compagnies d’assurances, que l’offre de postes dépasse le nombre d’actuaires disponibles, en particulier en début de carrière.
Ce rapport entre l’offre et la demande de jeunes actuaires questionne de manière sous-jacente la capacité du système scolaire et universitaire français à former des mathématiciens de qualité susceptibles de rejoindre nos différentes formations.
L’Institut des actuaires reste fortement convaincu que seule la qualité des élèves des filières et du corps professoral investi tant dans l’enseignement que dans la recherche, permettra de rendre attractif pour les étudiants et pour les employeurs les formations reconnues par l’Institut des actuaires.
L’Institut des actuaires organisait le 23 juin prochain à la Maison de la Mutualité à Paris, le 21e Congrès des Actuaires sur le thème « Éclairer l’avenir dans un monde en transition ». Un programme très riche et qualitatif. Quels étaient les principaux sujets de cette année ?
Philippe Talleux :
Le 21e congrès des Actuaires, comme de nombreux congrès antérieurs, contribue à l’anticipation permanente des évolutions futures qui traverseront le monde de la finance et du risque.
Attirer particulièrement l’attention sur l’une ou l’autre des interventions ne serait qu’injuste, tant la qualité des intervenants est remarquable. Toutefois, ce que l’on peut noter, c’est le plein engagement de l’Institut des actuaires et de ses partenaires sur les questions de durabilité, thématique très présente dans le programme de notre rendez-vous annuel.
« Eclairer l’avenir dans un monde en transition » est le thème exploré par des intervenants de haut niveau au cours des conférences, tables rondes et ateliers qui ont rythmés la journée.
Photo : cecil Matthieu