Commandé par l’AMRAE, le dernier baromètre sur les métiers du Risk Management souligne une évolution de la profession vers une diversification des profils et un élargissement des horizons de compétence.
Face à la période particulière que nous vivons suite à la pandémie et la croissance exponentielles des grands risques systémiques, le rôle des Risks Managers prend une place grandissante au sein des directions d’entreprises.
S’il s’agit d’un métier attractif et recherché dans un contexte de marché du travail en tension et de « Guerre des Talents », de nombreux Risk Managers déplorent encore disposer de moyens humains et budgétaires insuffisants, au vu des enjeux à traiter.
Le profil type du Risk Manager de 2022
La forte évolution du métier à poussé l’AMRAE a changé la nomenclature traditionnelle du baromètre. Auparavant, deux fonctions étaient distinguées : les responsables ERM en charge de la gestion des risques et les responsables assurances et prévention (AP). Mais certains Risk Managers ne s’y reconnaissant plus, d’autres fonctions ont été rajoutées pour la première fois :
- les responsables crises et continuité
- les responsables contrôle interne
- les responsables conformité/compliance
Le baromètre a ainsi dressé le portrait-robot du Risk Manager suivant :
- âgé de 47 ans
- 12 ans d’expérience en gestion des risques
- des compétences multi-casquettes
- 38% des nouveaux entrants sont issus des filières commerce, gestion ou économie, contre 29% pour ceux issus d’un cursus scientifique
- 68% d’entre eux travaillent au sein d’une grande entreprise, et 21% au sein d’une Entreprise de Taille Intermédiaire (ETI)
- 73% des Risk Managers sont basés en région parisienne
Ainsi la sociologie des Risk Managers a évolué en parallèle avec la diversification du métier, comme le fait observer Thibaut Bulabois, Responsable Risques et Contrôles chez FDJ, interrogé par l’AGEFI Hebdo : « en 2009, le Risk Manager avait un profil « droit » ou « ingénieur », très orienté sur l’assurance et la souscription de garanties. Aujourd’hui, nous constatons l’émergence de profils issus des filières de gestion, commerce, économie… »
Autre évolution notable, si le métier de Risk Manager reste masculin à 55%, il s’est indéniablement féminisé.
Une féminisation du métier mais des inégalités salariales persistantes
Le baromètre met en évidence une féminisation croissante du métier :
- depuis le premier baromètre de l’AMRAE remontant à 2009, la proportion de femmes Risk Managers a plus que doublé, passant de 22 à 45%.
- la part des femmes a encore augmenté de 2 points par rapport au baromètre 2019
- cette féminisation s’étend désormais aux postes les plus haut placés de « Top Risk Managers », 41% de ces derniers étant des femmes en 2022, contre 36% en 2019.
Pour autant, à l’instar de bien d’autres professions, les femmes Risk Managers pâtissent encore d’une inégalité salariale persistante, les écarts de rémunération entre hommes et femmes étant de l’ordre de 15 à 20%.
Une place grandissante auprès des directions d’entreprises mais des ressources insuffisantes
Thibault Bulabois confirme la montée en puissance de la profession de Risk Manager au sein des organisations, ceux-ci se voyant confier de plus en plus de missions, que ce soit en matière de contrôle interne, de conformité, de contrôle juridique ou de Responsabilité sociétale des entreprises (RSE).
« Parmi les ‘top risk managers’, souligne-t-il, 99% déclarent pouvoir contacter directement ou indirectement la direction générale en cas de besoin. En 2015, ils n’étaient que 62% à pouvoir le faire. Plus de la moitié participent aux comités de direction, comités exécutifs ou comités d’audit, : ils y éclairent des dirigeants de plus en plus avertis sur les fondamentaux de la gestion des risques : l’identification, l’évaluation, les plans d’action et leur financement. »
La conclusion logique serait de considérer que les entreprises en sont arrivées à « une forme de maturité », les entreprises commençant « à réaliser que certaines menaces stratégiques peuvent aussi constituer une source d’opportunités de croissance », se félicite Thibault Bulabois.
La crise sanitaire a certainement contribué à faire évoluer la visibilité et la reconnaissance de la fonction : 59% des sondés conviennent que celle-ci est d’ailleurs en augmentation. Cependant des disparités persistent : 59% des Risk Managers travaillant au sein d’une ETI estiment encore cette reconnaissance insuffisante.
En outre, ce poids croissant du Risk Manager dans les décisions stratégiques des entreprises n’est pas systématiquement suivi par la mise à disposition des moyens correspondants : malgré une tendance à des budgets stables ou en augmentation par rapport à l’an dernier, 53% des Risk Managers déclarent encore ne pas bénéficier de budget dédié ou le trouvent insuffisant.
Ce manque de moyens n’est pas seulement financier, il est aussi humain : 25% des Risk Managers travaillent seuls. « Ces chiffres interpellent, à l’heure où on demande aux ‘risk managers’ d’être vigilants sur de plus en plus de risques et où beaucoup de sondés mettent en avant la nécessité d’investir dans des systèmes d’information de gestion du risque, pour optimiser les process et la cartographie des risques », reconnait Thibault Bulabois.
Un métier attractif, au sein d’un marché en tension
Spécialiste du recrutement de dirigeants et de talents au sein du cabinet Progress Associés, Vanessa Dalas confirme dans L’AGEFI HEBDO que le métier de Risk Manager est plus que jamais un métier d’avenir qui continue de grandir : « avec les attentats et les catastrophes naturelles de ces dernières années, le Covid-19 et la guerre en Ukraine, la matière est là pour que le Risk Manager continue de développer des compétences connexes et complémentaires. »
Commentant le baromètre, elle souligne un « marché de l’emploi tendu pour cette filière, à cause d’une réelle pénurie de talents. Sur un métier où l’expertise et la séniorité restent essentielles, avec de nombreuses créations de poste au sein des ETI, les candidats se savent très désirés et désirables, ayant souvent 3 à 4 propositions de poste en parallèle. »
Autant dire que les rémunérations proposées au Risk Manager sont en augmentation, du fait de ces responsabilités croissantes pesant sur ses épaules.
Car s’il est bien une tendance qui n’a pas changé suite à ce baromètre, c’est la cartographie des périls majeurs identifiés par les Risk Manager : les risques Cyber, réglementaires, stratégiques, RH et environnementaux constituent toujours le Top 5 des problématiques les plus récurrentes.
Ainsi dans beaucoup d’entreprises, le Risk Manager doit faire feu de tout bois, jouant comme le souligne Thibault Bulabois « le rôle d’un véritable chef d’orchestre. Il est celui qui anime un vaste réseau de correspondants risques, qui interagit avec les équipes de la conformité, de la RSE ou de l’IT. » De quoi exiger « de solides capacités d’organisation et d’adaptation, dans un monde où les risques sont protéiformes et où les crises climatiques, sanitaires ou géopolitiques s’enchaînent les unes après les autres. »