Les associés principaux du cabinet McKinsey, Brad Mendelson et Kurt Strovink, discutent des tendances en matière d’assurance au milieu de la pandémie de la COVID-19 et de la manière dont les assureurs peuvent s’adapter pour garder une longueur d’avance et attirer des clients.
Brad est responsable des activités d’assurance du cabinet en Asie et Kurt est responsable de la pratique nord-américaine et mondiale.
Trois tendances se sont emparées du monde ces dernières années et n’ont pas épargné les assureurs, à savoir, la numérisation, la santé et la mobilité. Elles ont révélé des opportunités et ont également changé la façon dont les professionnels du secteur envisagent de répondre aux besoins des clients.
Une accélération des tendances avec la pandémie
En Amérique du Nord
En matière d’habitudes de travail, les employeurs et leurs collaborateurs ont réinventé de nouveaux modèles, notamment hybrides, en investissant dans la technologie, en construisant de nouvelles propositions de valeur et en apportant leur expertise aux clients.
Une seconde tendance en plein essor est l’innovation numérique pour les conseillers et les consommateurs. La distribution est plus importante et les canaux sont repensés. Les signatures électroniques sont en augmentation et une grande partie de la souscription et de l’innovation se fait virtuellement.
Enfin, les professionnels ont le regard tourné vers l’avenir du travail. Il est estimé que d’ici 2030, environ 40 % des services financiers et des activités assurantielles seront automatisés. Il faudra alors gérer de manière proactive les importants défis et opportunités en ce qui concerne le développement de la main-d’œuvre.
En Asie
Les faibles taux d’intérêt ont réduit l’écart entre les rendements des investissements et les dépenses, ce qui a stimulé une évolution continue vers davantage de produits de protection.
La tendance à l’accélération la plus importante est peut-être la modernisation ou la numérisation de la distribution. Cela a pris plusieurs formes. Du côté des agences, lorsque la pandémie a contraint les agents à opérer dans un monde virtuel, les assureurs ont pris des mesures urgentes. Au début de la crise sanitaire, de nombreux pays asiatiques n’autorisaient pas les entreprises à vendre des assurances sans une rencontre en face à face avec les clients. La réponse a été une première vague dans laquelle les nécessités de base ont été mises en œuvre.
Quelque chose de similaire se produit dans la bancassurance, un important canal en Asie. De nombreuses banques se sont tournées vers l’utilisation du numérique et de l’analyse pour cibler un segment de clientèle de masse. La télévente à petit prix est également de plus en plus courante.
Le client de l’assurance diffère selon la zone géographique
Les clients sont beaucoup plus à l’aise pour interagir numériquement, que ce soit pour se renseigner sur les produits, avoir des discussions par téléphone ou vidéoconférence avec un conseiller, ou effectuer un achat. Ils attendent désormais une interaction digitale.
De plus, ils se concentrent plus sur les produits d’assurance maladie. La pénétration de cette protection est remarquablement faible dans de nombreux pays asiatiques, notamment sur les marchés en développement.
La pandémie a stimulé une prise de conscience accrue de l’importance de la santé et du bien-être, et de la nécessité de la protection que l’assurance maladie offre aux clients et à leurs familles.
Du côté de l’Amérique, l’adoption du numérique par les consommateurs a aussi augmenté, en particulier pour rechercher des informations sur l’assurance-vie et sur l’assurance de biens.
La réponse des assureurs à ces besoins changeants
De nombreux opérateurs travaillent sur l’adoption du numérique sous diverses formes. Les outils de conseil numérique sont à la hausse et de nombreux assureurs investissent dans des capacités de libre-service et dans l’automatisation des réclamations. Les initiatives technologiques passent de 4 ans à 18 mois.
En matière de mobilité, les assureurs proposent davantage de produits par répartition et nouent de nouveaux partenariats. Par exemple, Ford s’est associé à Verisk, un fournisseur d’analyse de données, pour proposer aux propriétaires de certains véhicules des programmes d’assurance basés sur l’utilisation et les données de conduite.
De l’autre côté du Pacifique, en Asie, il y a eu quelques innovations précoces dans le domaine de la santé avec des couvertures adaptées aux travailleurs atteints de la COVID-19. Les assureurs chinois s’intègrent aussi verticalement dans les services de santé en fournissant des outils de télémédecine, en livrant des produits pharmaceutiques ou des médicaments, et en proposant des diagnostics basés sur l’intelligence artificielle.
Les innovations dont les autres pourraient s’inspirer
Mis à part l’intégration verticale, d’autres pourraient apprendre des plateformes et des partenariats importants que de nombreux assureurs en Asie ont créés. Ces professionnels ne se contentent pas de s’associer à des fournisseurs d’outils, ils essaient de fabriquer leurs propres plateformes pour s’approprier la relation client et stimuler l’engagement client.
Pour illustrer, Pulse by Prudential est une plateforme de santé et de bien-être qui a été déployée en 2019 dans toute la région asiatique. Elle a aujourd’hui été téléchargée 30 millions de fois, vraisemblablement par des consommateurs qui ne sont pas traditionnellement des assurés.
Il y a 3 parties essentielles à la transformation numérique et à l’innovation qui en résulte, à savoir :
- l’élévation des aspirations et la recherche du plein potentiel des entreprises ;
- le développement d’un véritable système de planification ascendante et de résolution de problèmes ;
- l’utilisation d’une nouvelle technologie ou d’une infrastructure de performance basée sur le cloud pour aider les entreprises à gérer et à créer une transparence radicale. C’est un moyen d’évaluer les progrès sur divers aspects de la transformation.
Adopter ces pratiques est une innovation venant d’Amérique du Nord qui a des implications mondiales et importantes pour l’industrie de l’assurance.
Les sujets et tendances prioritaires à l’avenir dans ces régions
En Amérique, il y aura beaucoup d’innovations autour de la conception de nouveaux produits pour un monde à taux d’intérêt bas, en particulier en ce qui concerne l’assurance vie. Repenser la conception des produits autour des interruptions d’activité et du cyber du côté commercial sera également crucial.
En Asie, la distribution va continuer à être le véritable domaine d’intérêt. Presque tous les assureurs des marchés asiatiques en développement se concentrent sur la croissance. Les marchés assurantiels sont tellement sous-pénétrés dans cette partie du monde et les clients ont un tel écart de protection qu’il existe une opportunité significative par le biais de la distribution pour essayer d’en atteindre plus, plus efficacement.
Ainsi, la poursuite de la modernisation et du développement des agences, de la bancassurance et de la distribution de partenariats numériques sera probablement la tendance clé dans la région à court et moyen terme.
La concentration des efforts des assureurs
Les compagnies d’assurances devraient s’efforcer d’accroître constamment leur pertinence pour les clients. Les entreprises doivent éviter de restreindre leur champ d’application uniquement aux produits assurantiels.
En aspirant plutôt à répondre aux besoins des clients en matière de santé, de protection du bien-être et d’accumulation de richesse, elles peuvent ouvrir d’importantes possibilités. Chacune de ces dernières pourrait placer les assureurs en concurrence avec divers autres types de sociétés sur le marché, notamment les banques, les prestataires de soins de santé et les gestionnaires d’actifs.
En effet, il existe une réelle opportunité pour les assureurs de se concentrer sur les besoins de leurs clients et de sortir des frontières traditionnelles de l’assurance.
En Chine et dans certaines parties du monde, les professionnels du secteur sont de plus en plus habiles à effectuer cette démarche. Il est important de noter que les applications et les acteurs numériques en Asie, et certaines compagnies chinoises ou internationales repoussent ces limites de l’industrie afin de ne pas être surpeuplé ou laissés pour compte.
L’assurance a une opportunité majeure de progresser en ce qui concerne le changement climatique et la durabilité. Cela a un immense potentiel d’innovation, mais les assureurs ne peuvent pas attendre que les régulateurs expriment ce qui est nécessaire.
Ils devront se pencher et trouver le bon moyen de préserver leur bien social et leur valeur pour la société. En même temps, ils doivent être pragmatiques quant à la formation de nouveaux partenariats gouvernementaux et à l’amélioration de la gestion des risques afin qu’ils puissent devenir des ingénieurs du risque, et pas seulement des souscripteurs. C’est un moment unique et les assureurs ont l’opportunité d’être des leaders en ouvrant la voie à suivre pour toutes les industries.