Dispositif anti-effraction visant à lutter contre la contrefaçon de médicaments, la sérialisation découle d’une directive européenne. Depuis le 9 février 2019, chaque boîte de médicaments vendue en France doit être scannée pour s’assurer qu’il ne s’agît pas de contrefaçon.
Cependant ce dispositif nécessite des investissements colossaux et de nombreux hôpitaux français ne se sont toujours pas mis en conformité. Cette transformation des systèmes relève pourtant d’un enjeu majeur de santé publique.
La sérialisation en bref
Depuis 2019, la directive européenne 2011/62/UE oblige tous les fabricants à apposer sur chaque boite de médicament produite un QR code inviolable, de type « Datamatrix », méthode dans le domaine public déjà utilisée pour le pass sanitaire.
Chaque boîte est dotée d’un numéro de série unique, enregistré dans une base de données centrale. Toutes les boîtes doivent également être dotées d’un système antieffraction. Ce dispositif a été progressivement mise en place dans toutes les pharmacies françaises depuis la fin de l’année 2019.
Les médicaments sont ainsi tracés de leur sortie d’usine à leur délivrance aux patients, notamment lors de deux étapes clés :
- en back office, les médicaments sont scannés afin de vérifier le Datamatrix, à l’aide d’un logiciel connecté au serveur central géré par l’Ordre des Pharmaciens.
- au comptoir au moment d’être dispensé, le dispositif anti effraction doit être intact afin de garantir au patient l’intégrité du médicament qui lui sera remis.
Les pharmaciens peuvent donc s’assurer que les médicaments reçus correspondent réellement à ce qu’ils ont commandé et qu’il n’y a pas eu de substitution en cours de route. Si ce dispositif s’applique à l’ensemble de l’Union Européenne, tous les pays ne l’ont pas mis en œuvre de manière strictement identique.
Dans une vidéo de présentation de la sérialisation, l’Union des Syndicats des Pharmaciens d’Officine (USPO) souligne « s’être battue pour que le scan des Datamatrix soit réalisé en back office, ce qui correspond le mieux à la réalité quotidienne des pharmaciens d’officine. Ce contrôle en amont plutôt que devant les patients permettra de mieux assurer la continuité des traitements en anticipant les risques de rupture. »
Seuls les médicaments à prescription médicale obligatoire sont concernés par le dispositif, à l’exception notable des médicaments homéopathiques, entre autres.
Un enjeu de santé publique insuffisamment traité dans les hôpitaux
D’après une publication de la Mutuelle Nationale des Hospitaliers (MNH), la quasi-totalité des officines de pharmacie en ville se sont équipées. « En revanche, les pharmacies à usages internes de 700 établissements de santé au moins, soit le tiers des 2 500 sites hospitaliers français, ne se sont toujours pas organisées. »
Raison principale ? le budget. Témoignant dans une vidéo diffusée par le CRIP Pharma, Christelle Maréchal, Responsable projet Sérialisation de l’Organisation professionnelle des entreprises du médicament opérant en France (LEEM ), reconnaît que « pour les pharmacies et les hôpitaux il s‘agit d’une transformation organisationnelle très importante qui nécessite énormément d’investissements financiers et de ressources humaines. »
La MNH prend l’exemple du CHU de Clermont-Ferrand un des premiers établissements hospitaliers à s’être mis à la sérialisation, dès 2019 : « scanner chaque boîte avant de la ranger nous prend au moins deux fois plus de temps qu’avant, admet le Dr. Sandrine Bagel-Boithias, pharmacienne responsable des approvisionnements en médicaments de l’hôpital. Nous avons aussi dû investir dans du matériel et créer un emploi supplémentaire dans le service. En outre, l’intégration de la sérialisation ne peut se faire qu’en travaillant de concert avec les services informatiques : la mise en œuvre de cette mesure est chronophage et demande nécessairement des investissements ».
Pourtant les enjeux de la fiabilisation et la sécurisation de la chaîne de distribution des médicaments sont colossaux. Comme le souligne la MNH, « les tensions d’approvisionnement en médicaments s’accroissent et, avec elles, le trafic de fausses molécules. Rien qu’en 2020, les douanes françaises en ont ainsi saisi 128 000, soit 73 % de plus qu’en 2019 ! » Selon l’Institut de Recherche Anti Contrefaçons de Médicaments (IRACM), la contrefaçon de médicaments représenterait entre 6 et 15 % du marché mondial.
Il s’agit pourtant d’un réel enjeu de santé publique, comme le rappelle le Dr. Sandrine Bagel-Boithias : « si nous nous sommes lancés, ce n’est pas seulement par souci d’être en conformité avec la loi. Il y avait un réel enjeu de santé publique. Avant, nous avions la crainte qu’un jour, à cause d’un médicament contrefait, un traitement administré ne donne pas les résultats escomptés. » Avec à la clé la mise en danger de la vie du patient, et en conséquence d’énormes surcoûts financiers pour l’Assurance Maladie comme pour les mutuelles Santé. Comme le rappelle la MNH, « les risques liés à la contrefaçon de médicament, surtout s’il s’agit d’anticancéreux, d’anesthésiants ou d’antiviraux, sont bien plus élevés que ceux liés aux imitations de sacs de luxe. »
Une opportunité de modernisation ?
Si ce dispositif légal représente une contrainte à certains égards, il n’en demeure pas moins une grande opportunité de modernisation et de transformation du système de santé grâce à la technologie numérique.
C’est ce dont convient Christelle Maréchal : « la sérialisation représente un énorme challenge mais aussi bien entendu une opportunité pour les pharmacies comme les hôpitaux de moderniser leurs systèmes informatiques. »
Interrogé par la MNH, le responsable de la sérialisation et de la réception des médicaments du CHU de Clermont-Ferrand Loïc Houpert abonde dans le même sens « dans un premier temps, il y a forcément des efforts à fournir. Mais cela apporte une vraie plus-value, notamment pour la gestion des stocks et l’optimisation des commandes. Scanner les boîtes facilite l’enregistrement des informations liées à chaque produit, notamment des dates de péremption. En outre, la personne qui réceptionne les commandes est alertée en cas de non-conformité. C’est une sécurité supplémentaire par rapport aux process de réception traditionnels. »
Ainsi si la santé n’a pas de prix, tout investissement en faveur de l’amélioration du système vise quoi qu’il en soit à générer des économies sur le long terme : réduire le risque de délivrance de médicaments contrefaits ou périmés ne peut qu’améliorer la santé de la population, et donc générer des économies.