Judith Sebillotte-Legris, associée gérant de Score Patrimoine à Paris, dans le cadre du #3 magazine* “Dessine-moi la Gestion de Patrimoine ” répond à nos questions.
Quelle est votre perception des changements climatiques ? L’appréhendez-vous dans votre activité ? Mais avant tout, est-ce une préoccupation pour vos clients ?
Pour l’heure, les clients qui nous demandent si nos propositions d’allocations d’actifs comportent des fonds respectant l’environnement sont peu nombreux. Pour ceux qui s’y intéressent, il n’y a pas de critères d’âge. Je note cependant un souci de cette thématique d’environnement un peu plus marqué chez les plus jeunes qui souscrivent notamment des plans d’épargne retraite.
De mon côté, je ne suis donc pas encore proactive dans les propositions d’allocations d’actifs mais bien entendu, je peux construire une allocation d’actifs avec les fonds ISR dont je dispose.
Plusieurs raisons me conduisent à être prudente. Tout d’abord, il y a encore peu de fonds disponibles chez nos fournisseurs, par rapport à l’ensemble des fonds présents sur le marché. Ensuite, et pour ma part il s’agit d’une vraie difficulté, il y a une absence de label unifié, et tant que cette situation perdurera, il sera compliqué de s’y retrouver tant pour les clients que pour les allocataires.
Un label français, idéalement européen, serait souhaitable. Bien entendu, les nouvelles normes européennes « Disclosure » sont un pas vers cette unification. Nous allons devoir l’expliquer et, selon mes retours, cette nomenclature semble poser quelques difficultés à certaines sociétés de gestion. Enfin, il me semble, que beaucoup d’offres ne restent, malheureusement, que de simples opérations marketing et non de vrais fonds d’investissement de finance durable.
Comme vous l’évoquez, pensez-vous qu’il est temps d’être à présent plus pro-active sur la finance durable et responsable ?
Oui, et bien qu’il ne s’agisse pas d’une déferlante, on ne peut plus nier que la demande existe et qu’elle est en train de s’installer. En tant que CGP, nous allons devoir travailler le sujet. Tout récemment, un de mes clients qui n’avait jamais fait de demande dans ce sens, m’a interrogée sur la thématique des fonds ISR et ESG, en m’indiquant qu’il avait trouvé très intéressant la création par une banque privée d’une gamme de fonds verts.
Voilà qui prouve que nous devons être proactifs dans ce domaine car nos clients seront de plus en plus sensibles à l’épargne responsable pour peu que le marketing soit clair.
Si tel est le cas, il peut faciliter l’arbitrage des épargnants investis sur le fonds en euros en faveur des unités de compte. Il peut aussi amener les plus jeunes à s’intéresser aux placements financiers alors qu’ils ont tendance à se diriger vers les crypto-monnaies. Le mouvement actuel est donc positif à condition, encore une fois, que l’on ne tombe pas dans le greenwashing systématique.
Qu’attendez-vous demain de vos fournisseurs ?
Que les objectifs apparaissent plus clairement et qu’ils militent pour un label unique compréhensible par tous. Ensuite qu’ils fassent apparaître, principalement dans leurs outils de communication en ligne de type intranet, la liste des fonds durables et responsables, qu’ils veulent véritablement mettre en avant.
Enfin, et surtout, j’attends plus de transparence sur la composition des fonds. Il ne suffit pas de déclarer qu’un support respecte les critères environnementaux : il faut pouvoir disposer de la répartition des fonds, savoir pourquoi telle ou telle ligne de titres est présente, et connaître sa capacité de réduire l’empreinte carbone par exemple. Un sujet parallèle doit retenir l’attention : que vont devenir les sociétés qui ne remplissent plus les critères de développement durable ? Comment sera assuré leur développement ?
Concernant les investissements immobiliers, voyez-vous des problèmes apparaitre dans ce nouvel environnement ?
Nous n’en proposons pas au cabinet mais nous entendons de la part des clients quelques manifestations d’inquiétude relatives à la capacité de certains bâtiments à être loués ou vendus, compte tenu de leur mauvais classement par rapport aux normes énergétiques. Une fois de plus, il ne s’agit pas d’une forte préoccupation pour le moment, même de la part de ceux qui détiennent des bâtiments très anciens.
A ce stade, ces clients ne se préoccupent pas des potentielles évolutions de la valeur des biens immobiliers par rapport aux changements climatiques. Rien ne sert à mon avis d’avoir peur car comme pour la finance responsable, le sujet est complexe : à titre d’exemple il n’est pas facile de recueillir l’accord des bâtiments de France pour installer des fenêtres en PVC sur les façades afin de mieux isoler ! Si nous sommes peut-être à la veille de changements radicaux, des adaptations seront nécessaires.
*ITW du magazine « Dessine-moi la Gestion de Patrimoine », production Vovoxx, en Janvier 2022, que vous pouvez télécharger gratuitement et sans laisser de datas. Le #4 de ce magazine est prévu pour bientôt.