Les parlementaires sont peut-être allés un peu vite dans les derniers arbitrages avant de voter la nouvelle réforme de l’assurance emprunteur. L’enjeu reste toujours celui de la capacité pour les assureurs de proposer des garanties adaptées et de financer leurs risques sur le long terme. Norbert Gautron, président de Galea & Associé répond à nos questions.
“ Le jour où un emprunteur rencontre un sinistre, il ne dira pas qu’il a payé 10, 20 ou 30% trop cher ”
Selon vous, comment a évolué l’assurance emprunteur sur la dernière décennie ?
Il est difficile de tirer des conclusions générales, car le marché de l’assurance emprunteur n’est pas si homogène qu’il y paraît. D’un côté, il y a les contrats collectifs vendus historiquement par les banques, et les contrats individuels vendus en dehors et au sein des banques. Selon le contrat, ce n’est pas le même acteur. On retrouve cette différence également au niveau des garanties et des exclusions alors que depuis quelques années il y a une volonté de proposer des fiches pour comparer les garanties.
Face à cette hétérogénéité, l’étude du CCSF a eu le mérite de vouloir être exhaustive. Et ses conclusions m’amènent à estimer qu’il y a eu des effets plutôt bénéfiques pour les bénéficiaires d’emprunts autant en termes de tarifs que de garantie depuis la loi Lagarde.
Mais il me semble que le plus important est de connaître le niveau et les conditions d’indemnisation et de s’assurer de conditions d’emprunts (taux bancaire et coût de l’assurance) attractives. L’emprunteur doit ne pas payer trop cher sa couverture, mais le jour où il rencontre un sinistre, il ne dira pas qu’il a payé 10, 20 ou 30% trop cher. Pour moi, le marché de l’assurance emprunteur devrait permettre une meilleure comparaison des offres, offrir davantage de clarté et échapper à tout ce qui est inutilement complexe.
Concernant la lisibilité et la comparaison des offres, faut-il aller jusqu’à la mise en avant de cas pratiques ?
Oui, je pense que l’assurance emprunteur devrait disposer de calculettes à la manière des contrats santé où l’assuré peut anticiper et comparer son reste à charge. Il devient alors vraiment possible de choisir l’assurance emprunteur qui correspond le mieux au besoin de chaque emprunteur.
L’usage d’exemples facilite la compréhension, mais attention, il faut rester relativement modeste parce qu’une série d’exemples n’arrivera jamais à couvrir la totalité des besoins. En raison de sa complexité, l’assurance emprunteur nécessitera toujours la présence d’un conseiller pour expliquer les garanties et comprendre les attentes de chaque client. Et ce sujet de la lisibilité des offres aide à développer la concurrence.
Est-ce que la résiliation à tout moment contribue elle aussi à amplifier la concurrence ?
J’aurais tendance à dire qu’une résiliation une fois par an avec une très bonne information trois mois avant la date anniversaire aurait été déjà très bien. Pouvoir résilier à tout moment va créer des complexités et de l’incertitude technique chez les opérateurs d’assurance.
À titre personnel, je trouve que l’instantanéité du monde actuel, avec tous les outils digitaux associés, est très bien. Mais l’assurance – surtout en couverture d’opérations immobilières – relève d’une opération à long terme alors l’assureur doit pouvoir bien gérer ses provisions dans la durée. Ce qui sera moins le cas avec la résiliation à tout moment.
Et sur le questionnaire de santé : quelle est votre position ?
Sur la question de la sélection médicale, je trouve qu’il y a des progrès à faire malgré les avancées des dernières années. Il y a un vrai besoin, et il fallait vraiment bien réfléchir avant d’étendre à tout le monde les emprunts de moins de 200 000 euros. Pour autant, techniquement, il faut mettre des garde-fous pour gérer ce risque, qu’il est difficile d’apprécier a priori.
Les seuls contrats d’assurance qui avaient supprimé à grande échelle la sélection médicale jusqu’à présent étaient ceux de la prévoyance pour les salariés en entreprise : même s’il y a des antécédents médicaux, les salariés sont couverts quand ils intègrent l’entreprise. C’est possible, car le groupe assuré est homogène. Ce n’est pas le cas de l’assurance emprunteur ouverte à tout assuré a priori.
La suppression de la sélection médicale, socialement souhaitable, nécessite la réalisation d’études spécifiques pour respecter les équilibres techniques et financiers à partir d’analyses affinées de données médicales de manière anonyme. Dans le même temps, les dispositions qui étendent le droit à l’oubli et pas uniquement à certaines pathologies constituent une réelle avancée sociale indispensable.
Vous évoquez le traitement des datas, est-ce que le digital constitue un élément concurrentiel et différenciant pour un nouvel acteur ?
Le digital crée une différence dans le parcours client. En réalité, il n’est pas possible de tout faire en digital. certains clients ont encore besoin d’une personne pour expliquer le contrat, ses garanties et ses exclusions notamment,compte tenu de la complexité du produit. D’un point de vue interne aux assureurs, je pense qu’ils sont complètement adaptés au numérique des phases de souscription au règlement des sinistres, en passant par la gestion de la fraude. Bien sûr, il y a des marges d’amélioration, mais c’est un sujet qui avance vite.
Propos recueillis Mi-février