Corinne Dromer, Présidente du Comité Consultatif du Secteur Financier, dans le cadre du #3 magazine* “Dessine-moi la Gestion de Patrimoine ” répond à nos questions.
Les professionnels du patrimoine sont régulièrement alertés sur les travaux du CCSF. Expliquez-nous son fonctionnement et sa mission ?
Le CCSF est un organe consultatif créé par la loi du 1er aout 2003. C’est avant tout un lieu de discussion et de concertation mais c’est surtout un des rares comités où toute la société civile est représentée puisqu’il rassemble toutes les parties prenantes du secteur financier – assureurs, banquiers, intermédiaires d’assurance et financiers, associations de consommateurs et caritatives, syndicats, mais aussi des représentants de l’Assemblée nationale et des personnalités qualifiées. Il compte ainsi une soixantaine de membres, avec les suppléants, retenus pour leurs compétences, avec un parfait équilibre entre les acteurs des secteurs concernés. Les membres sont nommés par arrêté ministériel pour trois ans. Et pour ce mandat, nous avons pour la première fois une parité homme-femme absolue. L’étendue des sujets traités est vaste au niveau de la banque, de l’assurance et des produits financiers qui portent aussi bien sur les relations avec les particuliers que les entreprises. Mon rôle, en tant que présidente, est de guider les membres pour les aider à trouver des solutions consensuelles pour produire une « soft law », sous forme d’un avis ou d’une recommandation. La force du comité est d’arriver à des accords sur des dossiers structurellement conflictuels. Par le dialogue, les membres abandonnent peu à peu leurs positions dures pour une recherche de compromis favorables pour les consommateurs. In fine, cette « soft law » est généralement appliquée par tous, non pas parce qu’elle est contraignante, mais parce qu’elle est issue de la négociation.
Les dossiers traités sont déterminés par le ministre de l’Economie ou proposés par les membres du comité. Lorsque l’on démarre une discussion, je ne sais jamais s’il peut se créer un consensus ni le temps que cela peut prendre. L’exemple des contrats de retraite en déshérence a été rapidement traité en ayant l’idée de confier cette mission au GIP Info retraite. D’autres dossiers sont beaucoup plus longs, comme par exemple celui des frais d’incidents bancaires qui supposait des évolutions techniques importantes menées par d’autres organismes.
Les travaux du CCSF peuvent se retrouver dans la loi. Beaucoup de thèmes centraux ont été portés ces derniers mois par le comité. Quel est celui qui représente, pour vous, la plus belle réussite à ce jour ?
Pour ma part, je pense qu’il s’agit des travaux sur le démarchage téléphonique car il s’agit du sujet pour lequel nous sommes allés le plus loin. Nous sommes partis d’un environnement dans lequel il était possible de souscrire un contrat par téléphone sans aucune signature en quelques minutes pour aboutir à un consentement écrit obligatoire et une interdiction de la vente en un temps. L’accord de Place de 2020, a été rendu possible grâce à la volonté des professionnels et notamment les courtiers présents au CCSF, de faire cesser des pratiques très minoritaires mais qui portaient préjudice à leur profession. C’est ainsi que nous sommes arrivés à un compromis avec les associations de consommateurs alors que certaines demandaient l’interdiction pure et simple du démarchage téléphonique. Le législateur a jugé utile de graver cette « soft law » dans le marbre, dans la loi portant sur la réforme du courtage en assurance et en IOBSP du 8 avril 2021. Je ne peux qu’être satisfaite puisque les termes de l’accord ont été conservés par le législateur.
Et le dossier le plus difficile ?
Je répondrai l’assurance emprunteur dans la mesure où, aux différends classiques entre les consommateurs et les professionnels, sont venus s’ajouter ceux entre professionnels, assureurs externes et les bancassureurs. En 2015, le CCSF a produit plusieurs Avis – sur l’équivalence des garanties, la fiche standardisée … – mais des difficultés dans le changement de contrat d’assurance demeurent. Bien entendu, les emprunteurs peuvent à présent faire jouer la concurrence pour obtenir une baisse de leur prime d’assurance et je trouve cela très bien. Mais ce qui m’inquiète le plus c’est le problème de l’indemnisation. En effet, nous avons constaté des difficultés dans la délivrance de la garantie, notamment en cas d’invalidité, dont la définition retenue par les assureurs ne correspond pas à celle de la Sécurité sociale. Il s’en suit des incompréhensions et litiges, particulièrement sur la différence entre l’impossibilité d’exercer son activité professionnelle et l’impossibilité d’exercer toute activité professionnelle. Je regrette que les assureurs n’aient pas choisi de prendre la Sécurité sociale comme « juge de paix » – ce qui aurait été plus simple et clair pour tout le monde – mais j’espère au moins que l’information sera bien portée systématiquement à la connaissance des clients. D’autres garanties mériteraient aussi d’être éclaircies, je pense par exemple aux assurances pertes d’emplois proposées en option dans les contrats emprunteurs.
Le ministre peut vous confier personnellement des missions. Expliquez-nous cette procédure.
En effet, le ministre peut confier un rapport à la présidence du CCSF lorsqu’il considère que le consensus sera difficile entre les membres, comme ce fut le cas cette année sur les frais des plans d’épargne retraite – PER. Dans ce contexte, je mène les travaux avec les membres du comité en recherchant toujours leur accord dans les analyses ou les données ou en faisant ressortir les positions des uns et des autres ; mais il m’appartient à moi seule de rédiger les conclusions. Pour le PER, nous avons élaboré ensemble la liste des contrats, les grilles tarifaires, les données chiffrées qui ont été fournies par les professionnels, mais le constat et les propositions n’engagent que moi. Sur ce dossier particulier, je pense qu’un outil de comparaison sera une avancée pour les consommateurs.
Pour 2022, quel sera votre principal sujet ?
Je n’ai pas encore, à ce jour, de lettre de mission du ministre pour 2022, mais je peux déjà vous indiquer que nous souhaitons collectivement travailler sur la problématique de la qualité de la garantie des contrats d’assurance : les clauses exclusions floues dans les contrats d’assurance et particulièrement en prévoyance avec les clauses du type « autres mal de dos » ou « troubles psychiques ». Je m’interroge aussi sur les garanties dont les délais de carence vont au-delà de la durée du contrat… .L’assurance est une protection essentielle pour nos concitoyens. Nous devons travailler à de bonnes pratiques pour la rendre plus claire et compréhensible, pour que les personnes puissent s’assurer en comprenant l’étendue et la nature de leurs couvertures. Prenons l’exemple de l’assurance santé pour laquelle nous avons conçu des tableaux de garanties présentant de manière simple et lisible la part des remboursements de la Sécurité sociale et celle des complémentaires. C’est bien dans cette direction que nous devons aller pour les autres contrats assurances.
*ITW du magazine « Dessine-moi la Gestion de Patrimoine », production Vovoxx, en Janvier 2022, que vous pouvez télécharger gratuitement et sans laisser de datas. Le #4 de ce magazine est prévu pour Mai/Juin 2022.