Missionné par le gouvernement l’été dernier, le Haut Conseil pour l’Avenir de l’Assurance Maladie avait lancé l’idée d’une grande réforme visant à instaurer une « Grande Sécu » : celle-ci aurait pris la totalité des soins en charge au tarif de la Sécurité sociale. Impliquant la suppression des mutuelles et des assurances Santé complémentaires au profit d’un unique assureur public, ce projet était loin de faire l’unanimité.
Emmanuel Macron a finalement annoncé ce 17 mars qu’il n’était pas favorable à cette idée. Cette prise de position signifierait-elle la fin du débat, ou celui-ci finalement ne ferait-il que commencer ?
Un « non » exprimé en tant que candidat à l’élection présidentielle
En cas de réélection, Emmanuel Macron n’instaurera pas de « Grande Sécu » et ne remettra pas en cause le système actuel de santé dit « à deux étages. » Lors de la conférence de presse de présentation de son programme électoral, le président-candidat s’est opposé à la grande Sécurité sociale et s’est dit favorable à la « stabilité organisationnelle : je ne crois pas à un modèle de cathédrale unique car les complémentaires jouent un rôle important », a-t-il indiqué aux journalistes réunis aux Docks de Paris à Aubervilliers.
Le pré-rapport du Haut Conseil pour l’Avenir de l’Assurance Maladie proposait en effet au total quatre pistes :
- ne rien changer ou presque
- renforcer le poids des complémentaires,
- créer une assurance complémentaire pour tous
- renforcer le poids de la sécurité sociale avec la piste de la « Grande Sécu »
Or cette dernière semblait jusqu’à présent la piste privilégiée par le ministre de la Santé, Olivier Véran, avec toutefois un coût du projet évalué à 22,4 milliards d’euros de dépenses publiques supplémentaires. De leur côté, les complémentaires Santé y étaient opposées.
Soulignant le rôle du monde mutualiste dans l’offre de soins et l’accompagnement, Emmanuel Macron a en revanche souhaité une « meilleure coordination entre l’assurance maladie et les complémentaires » afin de « gagner en transparence et d’améliorer l’efficacité du système », pointant en particulier le niveau des frais de gestion des complémentaires. A ces dernières, il a demandé « plus de soutien », revenant sur l’épisode de la mise en place de la réforme du 100% Santé afin d’appeler à l’avenir à une « meilleure coopération sur les grands choix de politique publique effectués. »
Une annonce saluée par les acteurs de l’assurance
Président du groupe APRIL, Eric Maumy combattait ce projet de réforme depuis plusieurs mois. « C’est une excellente nouvelle pour les Français qui réaffirment étude après étude leur attachement au système de santé tel qu’il existe, reposant sur deux piliers indiscutables qui garantissent le reste à charge le plus faible des pays de l’OCDE. […] Au sein d’APRIL, nous partageons la nécessité d’améliorer ce qui doit l’être et serons des interlocuteurs constructifs pour répondre aux nouveaux défis de la santé […] afin de bâtir un modèle toujours plus solidaire, protecteur et innovant, » s’est-il exprimé à travers un communiqué publié sur LinkedIn.
Aux yeux d’Eric Maumy, ce projet aurait « absorbé ou réduit à peau de chagrin les complémentaires santé, les distributeurs étant la variable d’ajustement de cette réforme. » Il fait le constat qu’à ce jour « tous les « grands candidats » sont opposés à la Grande Sécu, sauf Jean-Luc Mélenchon qui promeut l’étatisation de notre système de santé. »
L’association Parité Assurance s’engage dans le débat
Si la question de la « Grande Sécu » semble donc tranchée à ce stade, le débat sur la meilleure articulation entre Assurance Maladie obligatoire et complémentaires Santé ne fait en réalité que commencer, à moins de considérer qu’il s’agit d’un perpétuel recommencement, tant de nombreuses questions restent encore en suspens sur l’assurabilité et l’équilibre financier du modèle, avec l’augmentation de l’espérance de vie et la problématique prégnante de la dépendance.
Regroupant des femmes dirigeantes dans les secteurs de l’assurance, de la protection sociale et de la santé, l’association Parité Assurance a ainsi souhaité contribuer au débat sur la répartition des rôles entre assurance maladie obligatoire et complémentaire, en publiant ce mois-ci un Livre blanc intitulé Régime obligatoire et Régime complémentaire : Parité Assurance s’engage dans le débat.
Ce Livre blanc regroupe ainsi les analyses de vingt contributeurs, avec l’apport d’experts de l’écosystème de la santé et de la protection sociale. Publiées avant la prise de position publique d’Emmanuel Macron, ces contributions tendent à démontrer combien « le maintien des complémentaires constitue un véritable enjeu en matière de santé publique, du fait de leur expertise et de leurs valeurs ajoutées. […] Une évolution positive du système ne pourrait avoir lieu sans une articulation vertueuse et une meilleure coopération entre les régimes obligatoires et complémentaires. »
Autant de défis à relever et passés au crible dans ce rapport, défis sur lesquels le prochain vainqueur de l’élection présidentielle, quel qu’il soit, ne saurait faire l’impasse. Il reviendra au prochain gouvernement et aux acteurs de l’assurance Santé de jouer le jeu ensemble, comme en convient d’ailleurs Eric Maumy : « les sujets où nous avons un rôle à jouer et des propositions à formuler ne manquent pas : prévention, accès aux soins, accessibilité de la complémentaire santé pour les retraités les plus modestes, coûts de gestion…
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