La déliaison entre l’assurance emprunteur et le crédit n’a pas permis d’améliorer la part de marché des acteurs alternatifs. Les dernières évolutions législatives devraient faciliter la concurrence. Mais le doute est permis avec un risque inflationniste. Emilie Ruben, responsable marketing et communication de Securimut répond à nos questions.
« La résiliation à tout moment représente le moyen le plus simple pour supprimer toutes les mesures dilatoires »
Quel est votre bilan de la loi Lagarde et des aménagements qui ont suivi ?
Securimut tire un bilan plutôt mitigé. Dès 2006, nous avons proposé des changements d’assurance emprunteur. C’était donc avant les lois Lagarde et Hamon, et l’amendement Bourquin. Nous avions cette volonté d’ouvrir le marché de l’assurance emprunteur en nous basant tout simplement sur le code des assurances.
Ce dernier permettait déjà de résilier tous les ans une assurance emprunteur. Aujourd’hui, pour synthétiser, les taux très bas rendent les délégations loi Lagarde au moment du crédit de plus en plus compliquées.
Elles sont réservées à des emprunteurs qui ont un pouvoir de négociation important avec leur banque, car ils ont de hauts niveaux de revenu ou sont très avisés de leurs droits. Ce qui n’est pas le cas d’une majorité de Français.
Selon UFC Que Choisir, 35% des emprunteurs ne savent pas qu’ils peuvent souscrire leur assurance de prêt en dehors de la Banque et 77% ne connaissent pas la période pour le faire. Ainsi, la loi Hamon a permis de compenser en partie la loi Lagarde qui marche de moins en moins bien. En effet, nous estimons le taux de rotation à 0,5% pour les crédits de plus d’un an.
L’amendement Bourquin et sa résiliation annuelle n’ont pas contribué à améliorer la situation ?
En fait, les banques sont censées répondre à une demande de substitution dans les 10 jours. Ce délai n’est pas respecté pour 56% des demandes, selon une étude que nous avons menée en juin 2021. Et 30% ne reçoivent toujours pas de réponse au-delà de 30 jours. À cela s’ajoutent des réponses incomplètes ou partielles de la part des banques.
Ce sont des comportements dilatoires qui visent à repousser toute envie de changement d’assurance et laissent le temps aux banques de proposer des contre-offres. Ce qui explique qu’avant la loi Lagarde les acteurs alternatifs avaient 11% de part de marché et aujourd’hui, plus de 10 ans plus tard, ils ont 12%…
C’est pourquoi la résiliation à tout moment sera bénéfique au consommateur. Elle représente le moyen le plus simple pour supprimer toutes les techniques de rétention.
Quelle est votre position concernant la suppression du questionnaire de santé ?
Sans questionnaire de santé, les banques disposent d’indices à travers l’analyse des comptes bancaires où il est possible de repérer les dépenses de santé sans en connaître précisément la nature. Par ailleurs, les contrats groupe ne sont pas des contrats où tous les risques sont mutualisés. Aujourd’hui, la solidarité est restreinte : pourquoi un couple modeste devrait-il payer plus cher son assurance emprunteur qu’un couple plus aisé capable d’acheter une résidence secondaire ?
Je note aussi que les banques ont de fortes marges là où les assureurs alternatifs essayent de calculer et de faire payer le risque au plus juste. Finalement, la suppression du questionnaire crée un risque supplémentaire à couvrir qui risque d’engendrer une hausse des tarifs et de pénaliser grand nombre d’emprunteurs, notamment les jeunes et les ménages modestes. C’est un vrai sujet pour nous qui est moins pro consommateur qu’anticoncurrentiel.
Concernant la lisibilité et la clarté des contrats, que faut-il faire pour les améliorer ?
C’est vrai, les contrats sont peut-être compliqués aujourd’hui. Déjà, les contrats sont différents entre eux et les niveaux d’informations aussi. SecuriMut a initié des contrats très simples et assez faciles à comprendre. Pour autant, nous devons diffuser beaucoup d’informations à propos de ce qu’il faut regarder dans les garanties, les points sensibles comme le régime des indemnités — forfait ou réel.
J’ajoute que les garanties se sont fortement améliorées depuis l’arrivée des acteurs alternatifs. Et cela est dû en grande partie aux travaux du CCSF sur l’équivalence de garantie. Cette dernière a permis aux acteurs de caler les contrats sur les meilleures garanties. Au moment des simulations, les assureurs remettent une fiche standardisée d’information.
Nous aurions aimé que ces informations précontractuelles soient également ajoutées au contrat signé. Au moment de changer, les emprunteurs n’ont pas conservé les informations sur les garanties, ce qui rend difficile toute substitution.
Est-ce que le digital ne pourrait pas être aussi une réponse à cette problématique de la conservation des documents ?
Dans un monde parfait, ce serait clairement possible. Actuellement, c’est compliqué, car toutes les banques ne présentent et ne donnent pas accès à tous les documents utiles de la même façon. La loi n’oblige pas à indiquer précisément où se trouve le document où se trouve la date anniversaire pour effectuer la substitution de contrat d’assurance.
En allant plus loin sur cette question du digital, pensez-vous qu’il s’agit d’un facteur différenciant pour émerger sur le marché ?
Oui ! Le digital est extrêmement important. Chez SecuriMut, le premier parcours en ligne a été proposé dès 2007. Et depuis 2018, nous proposons la signature électronique pour tous nos contrats. Cela permet de gagner du temps et de fluidifier les process. Associé à un parcours omnicanal, le numérique est un réel atout.
Nos clients apprécient particulièrement la qualité de notre service client et de notre accompagnement composé de experts comme le montrent leurs évaluations sur Trustpilot. Mais tout ne peut pas se faire avec le digital, car l’assurance emprunteur est encore trop compliquée et pas assez maîtrisée par le grand public, pour que ce dernier puisse tout faire en ligne. Cela limite l’émergence de nouveaux acteurs.
Propos recueillis mi-février 2022