Après le secteur du luxe, c’est au tour des assurances de s’investir dans le métavers par l’intermédiaire d’Axa qui a annoncé le 18 février l’acquisition d’une parcelle au sein de la plateforme The Sandbox. Au-delà de l’effet d’image et de communication, l’assureur souhaite étudier les nouvelles possibilités d’interaction offertes afin de définir « l’assurance de demain ». Il ne s’agit d’ailleurs pas de la première percée d’Axa dans un tel univers puisque l’assureur s’était déjà implanté sur Second Life, site précurseur du métavers, dans les années 2000.
Accompagner les nouvelles tendances et évolutions sociétales
Dans son communiqué, l’assureur affiche sa volonté de se montrer « à l’écoute des évolutions technologiques et des tendances émergentes, afin de les comprendre pour mieux les accompagner. AXA France se donne pour objectifs de créer des espaces de partages pour ses talents et ses clients sur le métavers. »
Pour rappel, le métavers permet aux utilisateurs de participer à des expériences nettement plus immersives que le web traditionnel, par l’entremise d’un avatar. Il s’agit en quelque sorte d’un web 3.0, même si la conception de certains systèmes de métavers remonte déjà à de nombreuses années, à l’image de Second Life sorti en 2003, ou encore la plateforme française Le Deuxième Monde, créée par Canal + et l’éditeur français de jeux vidéo Cryo, active de 1997 à 2001.
Axa France affirme ainsi être le premier acteur du secteur Assurance et Banque en France à s’implanter dans un métavers. L’idée est naturellement de prendre un coup d’avance et d’investir ces champs virtuels, à partir du moment où ceux-ci ont vocation à faire partie du quotidien des populations. Axa France compte d’ailleurs sur sa communauté « AXA Tech, Digital et Data », forte de plus de 2000 personnes, pour se réunir dans ce monde virtuel : « En 2022, nous accueillerons plusieurs centaines de nouveaux talents dans ce collectif, afin d’inventer l’assurance de demain au service de nos clients. »
Vers une prise en charge des produits virtuels ?
L’idée pourrait germer en outre d’élaborer de nouveaux produits d’assurance, liés aux produits virtuels achetés par les utilisateurs sur le métavers. Cette possibilité prend une résonnance très concrète aujourd’hui avec l’émergence des « jetons non fongibles » NFT, dernière crypto-monnaie en vogue sous forme d’actif numérique émis par une blockchain. A la différence des autres crypto-monnaies, notamment des bitcoins qui sont fongibles, chaque unité NFT est par essence unique et ne peut être reproduite. Ainsi les unités de monnaie type NFT s’apparentent plus facilement à de la monnaie réelle, ce qui ne manque pas de susciter des convoitises et inévitablement les premiers vols de NFT sont déjà apparus. Par exemple fin décembre 2021, Todd Kramer, propriétaire d’une galerie d’art new-yorkaise, s’est fait voler 16 NFT évalués à un peu plus de 2 millions d’euros, suite à une simple tentative de phishing. Les assureurs seront certainement amenés à l’avenir à reconnaitre la valeur des produits virtuels achetés sur le métavers et à indemniser leurs possesseurs en cas de piratage.
Ce nouveau type de risque est naturellement observé de près par les assurances : « Un nouveau monde qui s’ouvre va de pair avec de nouveaux risques. Nous allons étudier si ces risques sont assurables, précise Patrick Cohen, Directeur Général d’Axa France. Notre métier est d’anticiper les risques futurs qui feront l’assurance de demain. » L’arrivée d’Axa dans le métavers pourrait ainsi s’inscrire dans une perspective d’élargissement des produits d’assurance du groupe, en vue d’accompagner les risques cyber voués à se décupler ces prochaines années.
S’il est encore prématuré d’identifier tous usages que le métavers peut offrir, Patrick Cohen distingue déjà quelques pistes : « nous réfléchissons à créer des centres de prévention avec des jumeaux numériques ou des robots pour sensibiliser le grand public et aider les gens à mieux appréhender les risques pour les éviter sur le métavers. Et même s’il est trop tôt pour l’envisager, nous pourrions imaginer créer des agences virtuelles pour vendre des produits d’assurance pour le métavers et hors du métavers. »
Un chemin encore long ?
Dans un entretien récent pour Forbes France, Sébastien Borget, cofondateur de The Sandbox avertissait les entreprises souhaitant s’implanter sur le métavers en rappelant que « pour que le métavers apporte réellement de la valeur, les marques ne doivent absolument pas reproduire une copie conforme des produits et expériences existants dans le monde réel. » C’est pourquoi loin de se contenter d’acheter une parcelle dans un métavers, Axa a affiché dans son communiqué sa volonté de pleinement s’intégrer à cette nouvelle culture : l’assureur sera d’ailleurs accompagné par The Sandbox mais aussi par le cabinet de conseil Excelsior et l’agence interactive Metaverse Studio afin de développer sa parcelle et faire vivre cet investissement. A noter le caractère particulièrement French Tech de ces partenariats puisque si The SandBox est basé à Hong Kong, ses dirigeants sont en réalité français.
Tout en cultivant une image « tech » en vue de recrutements futurs, la démarche d’Axa France consiste encore à ce stade à explorer et expérimenter ce nouvel univers, sans se fixer d’objectif chiffré ou précis, le prix d’achat de la parcelle n’ayant d’ailleurs pas été dévoilé : « Ce qui est important pour nous, c’est d’apprendre, de comprendre, explique Patrick Cohen. L’esprit d’innovation est la clef du succès d’AXA France depuis notre création. En tant que leader de l’assurance, il est de notre responsabilité de prendre part aux grandes avancées technologiques pour imaginer l’assurance du futur. Cela étant dit, il faut faire preuve de réserve et d’humilité. Nous savons à quel point ces choses-là évoluent vite, et nous sommes très loin de connaître la version finale de ce que sera le métavers. Nous allons donc tâcher d’être attentifs sur ces évolutions, et d’adapter les usages aux technologies. »
Le précédent Second Life
En définitive, seul l’avenir dira si cet engouement suscité par les univers virtuels passera le seuil de l’effet de mode. L’intérêt d’Axa pour les métavers est en réalité ancien puisque l’assureur s’était déjà implanté sur Second Life dans les années 2000 avant de s’en retirer, suivant ainsi un phénomène sociétal qui avait culminé lors de la campagne présidentielle de 2007, avant de décliner brutalement.
Pour autant 20 ans plus tard et loin du retentissement médiatique éphémère suscité, Second Life existe encore aujourd’hui bel et bien et revendique 200 000 utilisateurs actifs journaliers . De son côté, le géant Facebook a vu renommer sa maison-mère « Meta » par son fondateur Mark Zuckerberg, affichant son ambition de développer son propre métavers, tout comme d’autres géants du numérique tels Epic Games, l’éditeur du jeu-phénomène Fortnite. Les confinements successifs liés à la pandémie ont en outre favorisé l’appétence du public pour ce mode de socialisation : « le virtuel a pris une part importante dans la vie de tous, que cela soit chez nous ou dans l’entreprise. A nous de rendre les expériences virtuelles plus agréables, plus ludiques et moins contraignantes. Le métavers apportera-t-il de nouvelles solutions en ce sens demain ? » s’interroge Patrick Cohen.
Le phénomène des métavers est encore à peine lancé et en pleine expansion. Jusqu’à présent, à part le Sud-Coréen Heungkuk Life Insurance, rares encore sont les acteurs mondiaux de l’assurance à s’être positionnés dans le métavers : Axa France fait bel et bien ainsi office de pionnier en la matière.