Couvrant les entreprises contre les risques d’impayés de leurs clients, l’assurance-crédit joue un rôle essentiel afin d’éviter le fameux « effet domino » lors d’une période de crise, les trésoreries des différentes sociétés risquant de se vider les unes après les autres.
L’offre d’assurance-crédit demeure encore cependant mal connue : forte d’encours garantis estimés à 310 milliards d’euros à fin 2019 par la direction générale du Trésor, l’assurance-crédit protège moins de la moitié du total du crédit interentreprises, celui-ci s’élevant à la même date à environ 652 milliards d’euros. Afin d’améliorer cette couverture, un rapport parlementaire a été présenté le mercredi 9 février dernier : celui-ci vise à mieux encadrer l’assurance-crédit tout en encourageant la concurrence entre les assureurs, à travers 24 recommandations.
Le rôle de la mission d’information sur l’assurance-crédit
Dans le contexte de la crise sanitaire, une Mission d’Information sur l’assurance-crédit a été créée le 18 mai 2021 à l’Assemblée Nationale. Celle-ci a pour objectif de faire le point sur l’état du marché français de l’assurance-crédit, et sur les dispositifs déployés ayant permis de faire face aux conséquences économiques de la pandémie sur les entreprises.
Comprenant trois députés issus de différents groupes politiques, Patricia Lemoine (Groupe centriste Agir Ensemble, s’inscrivant dans la majorité), Christophe Naegelen (UDI) et le rapporteur Mme Dominique David (République en Marche), la mission d’information a donc rendu un rapport envisageant différentes possibilités de réforme. Pour ce faire, les principaux acteurs du secteur ont été auditionnés : assureurs, fédérations d’entreprises, autorités de régulation et services de l’Etat (Direction générale du Trésor).
Le constat d’un désengagement progressif des assureurs-crédits
Le rapport parlementaire souligne le rôle essentiel qu’ont joué les dispositifs de complément d’assurance ou de réassurance publics face à la crise sanitaire, de type CAP, CAP +, CAP Relais ou CAP Francexport. Ceux-ci ont apporté « une contribution essentielle au maintien ou au rétablissement de la confiance entre les acteurs économiques ». Pendant la crise, les dispositifs publics de complément d’assurance ou de réassurance ont été garantis à hauteur de 15 milliards d’euros.
Toutefois, le rapport pointe également un « effet ciseau » subi par certains assurés durant la crise, Dominique David ayant déploré « une diminution des montants garantis et une augmentation simultanée des primes » devant la Commission des Finances de l’Assemblée nationale. Elle a ainsi établi le constat d’un « désengagement des assureurs-crédit qui s’est poursuivi jusqu’à la fin du printemps 2020, en dépit des mesures de soutien à l’activité [du gouvernement] ».
Une forte concentration du marché
Le rapport pointe également une forte concentration du marché français de l’assurance-crédit, celui-ci étant nettement dominé par l’assureur Euler Hermes qui détient pas moins de 67% du marché domestique. De son côté, l’assureur Coface détient 55% du marché à l’export. En ajoutant Atradius, seuls trois acteurs concentrent au final l’essentiel des parts de marché.
D’après le rapport, cette situation oligopolistique s’explique par les spécificités de ce type d’assurance et du savoir-faire requis : l’assurance-crédit nécessite « la constitution de bases de données et de réseaux d’information, ainsi qu’un savoir-faire en matière d’analyse du risque qui représente un coût d’entrée significatif, faisant obstacle à l’arrivée de nouveaux acteurs ».
En conséquence, le rapport pointe le fait que « la taille des groupes [d’assurance] ne leur permettrait pas de tenir compte des spécificités de leurs différentes clientèles. » En outre, le manque d’ouverture du marché « n’inciterait ni les assureurs-crédit à innover, ni les assurés à changer d’assureur. »
A noter toutefois l’arrivée récente fin janvier dernier d’un nouvel assureur-crédit, Cartan Trade, qui s’est lancé avec le soutien de la Banque Publique d’Investissement BpiFrance et du réassureur Scor.
Renforcer la concurrence et l’apparition de nouveaux acteurs
Comme le souligne Dominique David, « Les difficultés constatées [pendant la crise sanitaire] invitent à rééquilibrer les relations entre assureurs-crédit, d’une part, et assurés et acheteurs, d’autre part. Cela implique notamment de renforcer, voire rétablir, des liens de confiance entre eux. » Ainsi afin de renforcer la transparence et la clarté des informations, le rapport envisage de « systématiser l’inscription des entreprises sur le portail Acheteurs Assurance Crédit et d’encourager celles-ci à le consulter régulièrement. »
Afin de lutter contre le désengagement, les membres de la Mission d’information souhaitent instaurer plus de souplesse et de flexibilité en matière de résiliation, pour que les entreprises clientes puissent mieux faire jouer la concurrence : « Il paraît nécessaire de mieux encadrer les possibilités de résiliation et de réduction des garanties », a souligné Dominique David.
Le rapport préconise ainsi l’interdiction des clauses d’exclusivité imposées par certains assureurs, celles-ci empêchant les entreprises clientes de changer d’assureur en cas de résiliation ou de souscrire une assurance complémentaire.
Pour lutter contre l’affaiblissement des garanties, le rapport propose d’inscrire dans la loi des dispositions prévoyant « l’engagement des assureurs-crédit à ne pas procéder à des retraits de garanties sur une base sectorielle ou départementale » et que « les réductions de garantie ne puissent être effectives qu’à l’issue d’un délai d’un mois à compter de l’information des assurés ».
L’idée d’encadrer les possibilités de réduction ou résiliation des garanties par une instance de régulation, comme l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR) ou le médiateur du crédit, a également été mise sur la table.
Autre proposition, celle « d’engager une réflexion sur la possibilité de créer une offre publique d’assurance-crédit qui pourrait être portée par Bpifrance », dans le but de déconcentrer le marché avec un acteur supplémentaire.
Le rapport souligne également la nécessité de « clarifier les conditions d’intervention de l’Etat comme assureur en dernier ressort vis-à-vis des assureurs-crédit » ceux-ci étant eux-mêmes « faiblement capitalisés », selon Dominique David.
Des solutions de couverture complémentaire ?
Enfin en complément de la consolidation de l’offre d’assurance-crédit, le rapport envisage d’autres solutions à proposer aux entreprises pour maîtriser les risques d’impayés :
- Un « recours à des contrats de filières », afin de permettre aux entreprises de bénéficier d’un accès simplifié à l’assurance-crédit et à des « tarifs négociés sur un volume de chiffre d’affaires significativement supérieur à celui d’une seule entreprise ».
- La suppression de clauses limitant le recours à la syndication « alors que cette procédure permettrait de partager le risque entre les assureurs »
- Envisager une incitation fiscale à l’auto-assurance, en particulier pour les PME