Patricia Lacoste, Président Directeur général du Groupe PREVOIR, dans le cadre du #3 magazine* “Dessine-moi l’assurance ” répond à nos questions et partage ses convictions sur le sujet de la parité.
Le secteur de l’assurance, dans toutes ses composantes, vous semble-il en retard par rapport à d’autres secteurs, sur la parité en général et spécifiquement dans les instances dirigeantes des grandes entreprises ?
D’après l’Observatoire de l’évolution des métiers de l’assurance, la part des femmes dans l’assurance est globalement de 60%, mais elle tombe à 51% parmi les cadres et 33% parmi les cadres de direction.
Même si le taux de femmes dans les instances dirigeantes progresse régulièrement depuis 10 ans, ces quelques chiffres montrent que le compte n’y est pas et que le secteur de l’assurance a encore des marges de progrès pour briser le plafond de verre…
Que pensez-vous du principe des quotas ? Les quotas fonctionnent lorsqu’ils font l’objet d’un suivi, mais suffisent-ils ?
Je dois reconnaître que j’ai changé d’avis sur ce point. Il y a quelques années, j’étais opposée au principe des quotas, que je trouvais dévalorisants et discriminants. Je pensais qu’il suffisait de recruter sur la base des compétences et des qualités, en traitant chacune et chacun avec équité, pour garantir l’égalité des chances.
Mais force est de constater que la mise en place des quotas, notamment dans les conseils d’administration, et maintenant dans les équipes de direction a fait bouger les choses. Les résultats sont là : les quotas ont permis, certes par la contrainte, de faire évoluer les mentalités, de combattre les habitudes et in fine d’améliorer rapidement le taux de femmes dans les conseils d’administration. Donc, s’il faut en passer par là pour progresser, j’y suis favorable.
Mais cela ne suffira pas pour garantir l’équité hommes-femmes. Les quotas n’ont, par exemple, pas d’effet sur l’égalité salariale. Il faut donc être attentif, exigeant et vigilant dans tous les processus de gestion des carrières : garantir l’égalité des chances à l’embauche (c’est-à-dire embaucher autant de femmes qu’il y en a dans les candidatures ou dans les formations visées), au moment des augmentations salariales, des promotions, des constitutions de viviers de talents, des nominations de dirigeants, etc. Mettre en place des indicateurs, se donner des objectifs de progrès, ce n’est que comme cela que l’on progressera.
Dans votre entreprise, quelle est la situation actuelle, vos convictions et surtout les décisions prises ou à venir ?
Pour le groupe Prévoir, ce sujet me tient à cœur. J’ai l’habitude de dire que pour tous les sujets opérationnels sur lesquels nous avons un objectif de performance « on ne progresse que sur ce que l’on mesure ». Je fais la même chose pour la parité : je mets en place des indicateurs pour vérifier que nous donnons bien la même chance à chacun. Par exemple, je fais vérifier régulièrement par un organisme extérieur qu’il n’y a pas de différences de salaires entre les hommes et les femmes.
Résultats : en 2020, nous avons 58 % de femmes parmi les collaborateurs, 40 % de femmes parmi les dirigeants et cadres supérieurs, au moins 40% de femmes dans nos conseils d’administration et aucune différence de salaire entre les hommes et les femmes.
En réalité, la parité est naturelle chez Prévoir. Nous n’avons pas attendu la loi Copé-Zimmerman pour atteindre 40% de femmes au conseil d’administration : en 1957, ma grand-mère était déjà administratrice (et à l’époque il ne devait pas y en avoir beaucoup dans les conseils…) et quand je suis arrivée au conseil en 2010, il y avait déjà plus de 40% de femmes. La présence des femmes dans les postes de direction, l’égalité femmes/hommes, l’égalité des salaires, c’est culturel chez Prévoir.
Au-delà de cette volonté politique et sociale, la parité est-elle indispensable dans la transformation de l’entreprise ? Et la diversité ?
Oui, nos sociétés doivent être représentatives de la société. Je suis convaincue que la mixité, tout comme la diversité, est une richesse. Les femmes apportent une autre vision du management et de nouvelles formes d’efficacité.
Pour conclure ?
On le sait bien, cette évolution est indispensable. Et comme pour tout changement, il faut une conviction forte et une volonté des dirigeants au plus haut niveau pour faire bouger les lignes. Si la transformation prend trop de temps, l’incitation voire la contrainte de la loi peut aider. Mais personnellement, je crois fermement qu’un dirigeant (ou une dirigeante) aujourd’hui ne peut plus manager son entreprise sans ouverture claire sur ce sujet.
*ITW du magazine « Dessine-moi l’Assurance », production Vovoxx, en Décembre 2021, que vous pouvez télécharger gratuitement et sans laisser de datas. Le #4 de ce magazine est prévu pour Mai/Juin 2022.