Dans quelle mesure l’industrie de l’assurance et de la réassurance adopte-t-elle l’innovation numérique et quelles sont les clés du succès du futur ? 4 experts ont donné leur point de vue lors d’un récent séminaire en ligne auprès du média anglais Intelligent Insurer. Voyons de plus près ce qu’ils ont pu énoncer.
Qui sont ces 4 experts qui parlent de l’évolution numérique dans l’assurance ?
Les 4 experts qui ont discuté des stratégies et des innovations au sein de leurs organisations, des risques et des opportunités de la transformation numérique, et à quoi ressemblera le paysage futur, sont :
- Pravina Ladva, responsable de la transformation numérique chez Swiss Re ;
- Joan Cusco, responsable mondial de la transformation chez MAPFRE ;
- Anthony Day, partenaire et responsable international de l’insurtech chez DLA Piper, un cabinet d’avocats anglais ;
- John Wang, expert numérique et partenaire d’Aon Inpoint.
Un thème important était la profondeur à laquelle la transformation numérique doit s’étendre au cœur d’une institution, car il ne s’agit pas seulement d’adopter une panoplie d’innovations de surface. Il est en effet nécessaire d’examiner comment le digital est intégré, en quoi l’organisation est modifiée et la manière dont des opportunités de marché sont générées pour obtenir un avantage concurrentiel. Des programmes sophistiqués doivent alors être exécutés.
Les initiatives en cours
L’équipe a discuté d’une gamme de développements numériques au sein de leurs entreprises, y compris la transition vers le cloud, l’utilisation de la sémantique par Swiss Re pour prédire les habitudes de conduite et l’introduction par MAPFRE de solutions de télémédecine pour les soins de santé mentale.
De même, Joan Cusco a expliqué comment sa compagnie collabore avec Shift Technology, la licorne française, pour la partie automatisation des règlements de sinistres. MAPFRE de tente pas de numériser le processus existant, il l’élimine complètement pour donner au client la possibilité de traiter sa déclaration de bout en bout.
Le client au cœur des stratégies
L’exemple de l’assureur espagnol met en évidence l’importance de l’orientation client pour une transformation numérique réussie. Pravina Ladva a convenu qu’il est essentiel de savoir dans quelle mesure la numérisation peut servir pour améliorer les activités quotidiennes classiques et l’expérience client.
De même, Joan Cusco a ajouté qu’il faut s’adapter pour répondre aux différents types de besoins des clients. Certains veulent une intimité avec leur assureur pour qu’il améliore leur prime et leur couverture grâce à leurs données et d’autres privilégient plus de discrétion. Le numérique permet de réaliser ces aspects, les compagnies doivent donc travailler dans les deux sens.
John Wang est d’accord sur ce point et énonce qu’un équilibre est primordial entre le côté digital et la partie physique ou manuelle. Les organismes doivent comprendre à quel moment l’un ou l’autre doit être le plus mis en avant.
Les moteurs de la transformation numérique
Aussi, l’expert numérique auprès d’Aon a identifié les économies de dépenses opérationnelles et la rentabilité comme les principaux moteurs du changement digital, tandis que Joan Cusco a énoncé que les nouveaux entrants perturbateurs et l’évolution des risques sont également des facteurs qui poussent les assureurs à innover.
Toutefois, en ce qui concerne la relation entre l’innovation, la réduction des coûts et l’augmentation de la rentabilité, le sujet est complexe. D’après lui, les technologies n’aident pas à augmenter la prime. Au contraire, les clients s’attendent à des primes moins élevées en raison des informations qu’ils donnent. Ainsi, un investissement est effectué dans cette transition entre les modèles traditionnels et les modèles digitaux.
Une constante évolution
Dans un paysage concurrentiel, il est important de continuer à scruter l’horizon et à évoluer. Pourquoi ? Pour prévenir les perturbations, mais aussi pour les provoquer et faire partie du changement.
De nouvelles opportunités peuvent être dénichées dans les façons dont les clients consomment la technologie. Swiss Re se sert d’elle pour la traduire en services et en solutions pour le client final.
L’utilisation des données
Anthony Day a quant à lui souligné que l’utilisation intelligente des données est une opportunité clé pour l’innovation et le progrès. Les réassureurs réalisent déjà leur importance et ils ont à présent la capacité de prendre leur contrôle grâce à l’analyse améliorée et l’IA.
Les acteurs de l’assurance sont alors en mesure de faire des choix plus éclairés sur l’endroit où ils souhaitent faire évoluer les produits et les services. Cela entraîne beaucoup de changements, mais monétiser les données, les comprendre et les exploiter donne en même temps de la créativité aux organisations.
John Wang a ajouté que l’utilisation des données améliore la prestation de services aux clients, alimente une meilleure prise de décision et stimule l’efficacité opérationnelle tout en obtenant des résultats positifs.
La gestion de la propriété
Il existe un appétit massif pour amener des startups technologiques ou des mises à l’échelle dans les organisations et pour tirer parti des solutions d’IA, mais qui possède quoi et y a-t-il des limitations entre les partenaires et dans ce qu’ils peuvent réutiliser avec d’autres clients ? C’est une question que nous pouvons en effet nous poser.
John Wang et Joan Cusco ont noté qu’un partage doit avoir lieu pour que le développement et l’innovation se poursuivent. L’algorithme a besoin d’être ouvert à plus de données et à plus de marchés. Une solution serait alors de négocier des droits d’exclusivité limités, par exemple dans un territoire déterminé.
D’autres défis à l’innovation
Pour adopter l’évolution numérique, les anciens modèles et processus doivent être laissés pour compte. Pravina Ladva a déclaré que le plus grand risque est l’inaction causée par l’héritage sous toutes ses formes et qu’il est important d’apprendre de toutes les parties de l’industrie.
De plus, Anthony Day a identifié la vitesse du changement réglementaire comme un autre défi clé, notant à quel point elle influence la manière dont la transformation numérique est exécutée. En Europe, il y a eu beaucoup de modifications concernant l’externalisation et le cloud, la chaîne d’approvisionnement doit être réellement comprise. Aussi, la confidentialité des données est un élément à prendre en compte pour les exploiter comme il se doit.
Enfin, la résilience opérationnelle est le fait de comprendre ce qui se passe lorsque la technologie échoue. Un accent particulier est notamment mis sur les principaux fournisseurs de cloud, car ils offrent une infrastructure à tous les assureurs, les réassureurs et les entreprises technologiques du marché.
Comment se présente le futur ?
En se tournant vers l’avenir, Joan Cusco a recommandé d’adopter une approche réfléchie de la publicité numérique. De plus, John Wang a prédit qu’au cours des 5 prochaines années, l’essentiel de l’évolution se fera du côté des données, en particulier vis-à-vis de l’harmonisation de leurs normes et de leur partage anonymisé.
2 experts sont aussi en accord sur le potentiel de collaborations à venir accompagnées de nouveaux modèles commerciaux. De plus en plus d’insurtechs s’associeront entre elles pour évoluer, mais il y aura toujours une division sur le marché, car elles ne veulent pas avoir les coûts et les problèmes associés à la réglementation. Dès lors, une forte croissance de partenariats entre elles et les assureurs traditionnels est à venir, chacun ayant des rôles différents au sein de la chaîne de valeur.
Enfin, les aspects environnementaux et de durabilité seront des thèmes qui vont fortement se croiser avec le numérique, le contexte obligeant en effet à aborder ce changement.