Isabelle Hernu, Directrice conseil Retraite, Investissements et Multinationales – Mercer France, dans le cadre du #3 magazine* “Dessine-moi l’assurance ” répond à nos questions et partage son positionnement sur le sujet de la parité.
Le secteur de l’assurance, dans toutes ses composantes, vous semble-t-il en retard par rapport à d’autres secteurs, sur la parité en général et spécifiquement dans les instances dirigeantes des grandes entreprises ?
D’après le Rapport de l’Observatoire sur les Métiers et les Formations des Salariés de l’Assurance, l’assurance est un secteur majoritairement féminin, comptant environ 61% de femmes au niveau national. La proportion de femmes parmi les cadres a fortement augmenté sur les 10 dernières années, passant de 46 à 52%. Les femmes cadres de direction sont passées de 25 à 33%. La loi Copé-Zimmermann du 27 janvier 2011 a sans doute eu quelque effet.
Si l’on regarde l’indice d’Egalité professionnelle Femmes-Hommes, le secteur de l’assurance est à 90/100 en moyenne, contre une moyenne de 86/100 tous secteurs confondus. L’assurance est donc plutôt bon élève. Cela dit, la nouvelle proposition de Loi Rixain poussera certainement les autres secteurs à s’aligner : une guerre des talents féminins n’est donc pas à exclure, des femmes travaillant dans l’assurance pouvant être débauchées par d’autres secteurs qui se montreraient plus attractifs. Evidemment, des progrès restent à faire : la proportion des femmes n’est que de 33% en France parmi les cadres de direction. Au sein des comités exécutifs, les femmes exercent essentiellement des fonctions-support plutôt que des rôles opérationnels.
Quelle serait votre solution en prévision de cette guerre des talents ?
Je suis convaincue que la diversité constitue un élément-clé de la transformation des entreprises et à ce titre, une guerre des talents existe déjà aujourd’hui. Avec la Loi Rixain, elle serait d’autant plus forte en ce qui concerne les femmes dirigeantes. La solution est d’aller au-delà des lois et des quotas en favorisant dans l’entreprise une culture inclusive. Le fait que les femmes se sentent écoutées, confortées dans leurs fonctions et soutenues dans leurs actions, au-delà de leurs titres et postes, déterminera leur choix de rester ou non dans leur entreprise.
Que pensez-vous du principe des quotas ? Les quotas fonctionnent lorsqu’ils font l’objet d’un suivi, mais sont-ils suffisants ?
Les quotas sont nécessaires mais pas suffisants, un changement culturel doit aussi s’opérer. La crise sanitaire a accentué la nécessité de transformation des entreprises et cette transformation sera un facilitateur de parité. Les quotas permettent d’obtenir des role model : nous en avons besoin pour faire émerger de nouveaux modèles de leadership ou de management, avec des profils différents. Ils incitent aussi les femmes à avoir envie d’exercer des postes à responsabilité, à se dire qu’elles peuvent y accéder. En parallèle, il faut instaurer une culture inclusive et des politiques RH écartant tout biais venant pénaliser les femmes.
Au-delà de cette volonté politique et sociale, la parité est-elle indispensable dans la transformation de l’entreprise ? Et la diversité ?
De plus en plus de sociétés sont convaincues des bienfaits de la parité pour l’entreprise elle-même. Celles qui ne voient pas les atouts de la diversité au sens large, y compris culturel, rateront le train de la transformation. Les critères extra financiers sont devenus bien plus importants pour les investisseurs, cela s’est accéléré avec la crise sanitaire. La diversité est nécessaire pour attirer et garder les meilleurs talents.
Ce phénomène touche directement à la performance de l’entreprise : il aura donc à mon sens plus d’impact qu’une loi instaurant des quotas. Notre enquête When women thrive, businesses thrive a montré que la performance économique est plus importante avec de la diversité dans l’entreprise au sens large. Par exemple, nous avons une activité en matière de fusions-acquisitions, et des enquêtes dans ce domaine montrent que l’impact de la culture est très significatif sur le succès des différents deals conclus.
Quelle est la politique de Mercer en matière de parité ?
Notre politique est guidée par cette volonté de performance économique. Mercer fait partie du groupe MMC (Marsh & McLennan). Au sein de MMC comme chez Mercer, les femmes sont mieux placées que dans la moyenne du secteur. Plus de la moitié de nos collaborateurs sont des femmes. Dan GLASER, CEO mondial de MMC, a intégré le 30% Club : il s’agit d’une campagne mondiale visant à favoriser la parité au sein des comités d’administration des entreprises. MMC est aussi reconnu dans l’index d’égalité Femmes-Hommes de Bloomberg. Concernant Mercer, notre CEO mondial est une femme : Martine Ferland. Nous avons 5 femmes sur 14 membres du comité exécutif Monde, avec aussi de la diversité ethnique.
Pour Mercer en France, nous avons 5 femmes sur 11 membres du comité exécutif, dont deux sur des rôles opérationnels. Notre Index d’égalité salariale femmes – hommes est au-dessus de la moyenne du secteur de l‘assurance, avec 95 points. Cela reflète les engagements de notre entreprise : équité des promotions, évolution professionnelle, égalité salariale… Je suis moi-même un « exemple » puisqu’à 45 ans et avec 4 enfants, je suis Partner, responsable d’un business et membre du comité exécutif. J’ai eu des opportunités de mobilité à l’international, ayant travaillé 7 ans à Londres, et j’ai été promue malgré mon temps partiel : la culture inclusive et la notion d’égalité des chances sont bien ancrées chez nous.
Pourrait-on dire que pour Mercer, cette proposition de loi instaurant des quotas n’est pas un sujet, la parité étant déjà prégnante dans la culture de l’entreprise ?
Tout à fait, nous sommes bien positionnés aujourd’hui. Mais ce sujet dans l’entreprise doit rester en constant développement. Il faut maintenir une continuité des actions dans le temps, car un certain nombre de biais inconscients peut vite revenir. Or le fait que des femmes soient déjà positionnées dans certains rôles facilite l’application durable des process.
Que diriez-vous sur cette thématique de la parité pour conclure ? La parité n’est-elle qu’une affaire de femmes ou n’est-elle pas plutôt une affaire de société et d’évolution globale des comportements ?
Evidemment, la parité est l’affaire de tous. Les biais inconscients sont présents chez tout le monde, pas seulement chez les hommes. Si le secteur de l’assurance est plutôt bien placé par rapport aux autres, il reste des progrès à faire en termes de parité et d’égalité salariale. La loi est nécessaire mais pas suffisante. Un changement culturel doit s’opérer : il est déjà en cours et va s’accélérer avec la nécessaire transformation des entreprises. Je suis persuadée que la diversité au sens large et la parité en particulier joueront seront déterminants pour toutes les entreprises. Grâce à la diversité et donc la parité, nous pourrons faire plus et mieux, ensemble.
⇒ Note Vovoxx : Notre planning rédactionnel 2022 prévoit de traiter sur nos nombreux supports de la thématique générale de l’engagement des entreprises du secteur en termes de parité et de diversité. Si intérêt nous contacter.
*ITW du magazine « Dessine-moi l’Assurance », production Vovoxx, en Décembre 2021, que vous pouvez télécharger gratuitement et sans laisser de datas. Le #4 de ce magazine est prévu pour Mai/Juin 2022.