Les coûts des catastrophes naturelles en 2021 se sont chiffrés à quelque 250 milliards de dollars (221 milliards d’euros), selon une première estimation du réassureur Swiss Re. Ce chiffre est en hausse de 24 % par rapport à 2020. La facture pour les assureurs est, elle, évaluée à 105 milliards de dollars, en hausse de 17 % par rapport à l’année précédente. Pour les compagnies d’assurance, il s’agit du quatrième total le plus élevé depuis 1970. De quoi s’interroger sur le dérèglement climatique et la viabilité des modèles actuels de financement des régimes assuranciels dédiés aux catastrophes.
Des chiffres provisoires mais déjà records Via un communiqué, le Swiss Re Institute a dévoilé des résultats préliminaires relatifs aux pertes annuelles causées par les événements climatiques, prises en charge par les assurances. Les incidents météorologiques extrêmes, gel hivernal intense, inondations, orages violents, canicules ouragans ont entraîné en 2021 une perte de 105 milliards de dollars, à laquelle il faut ajouter 7 milliards causés par des incidents provoqués par l’Homme. Ces estimations sont cependant provisoires : certains événements sont encore « en cours d’évaluation, » notamment ceux de décembre qui « s’annoncent élevés », souligne le groupe suisse. A noter que ces chiffres concernent seulement les dommages matériels et excluent les réclamations liées à la pandémie de COVID-19.
Parmi les catastrophes, l’ouragan Ida, ayant sévi aux Etats-Unis à la fin de l’été, a constitué l’événement le plus coûteux de l’année, ayant causé entre 30 et 32 milliards de dollars de dommages assurés estimés. La 2ème place revient à la tempête hivernale Uri qui a causé de son côté 15 milliards de dollars. Les deux événements les plus coûteux de l’année se sont donc tenus aux Etats-Unis. A titre comparatif, ce sont les inondations survenues en Allemagne, en Belgique et dans les pays voisins qui ont constitué l’événement le plus coûteux d’Europe, la facture s’élevant à 13 milliards de dollars pour les assurances. Les pertes économiques liées à ces inondations ont pourtant été supérieures à 40 milliards de dollars : cette différence illustre un déficit de protection encore très important en Europe.
Cependant outre ces sinistres majeurs, plus de la moitié des pertes mondiales provient en réalité de périls dits « secondaires », les effets du dérèglement climatique multipliant les incidents. Aucune zone dans le monde n’a été épargnée : de graves inondations se sont produites dans la province chinoise du Henan. Le fameux « dôme de chaleur » observé au Canada a également marqué les esprits, le record de température du pays ayant été battu dans un village de Colombie-Britannique, à près de 50°C. A noter également les orages de grêle survenus en Europe en juin ou les incendies sur le littoral méditerranéen. « Au cours des dernières décennies, une augmentation annuelle de 5 à 6% de pertes avait été observée : avec ces premiers résultats sur l’année 2021, cette tendance est confirmée. Il semble être devenu la norme que chaque année, au moins un péril « secondaire » (grave inondation, tempête hivernale, incendie de forêt…) vienne causer plus de 10 milliards de dollars de perte. De son côté, l’ouragan Ida nous a brutalement rappelé l’ampleur des pertes que peuvent causer les événements les plus violents, du moment qu’ils frappent une zone densément peuplée », déclare Martin Bertogg, directeur de la branche spécialisée dans les catastrophes naturelles de Swiss Re. Il est urgent d’investir
Le groupe suisse souligne la nécessité d’investir massivement dans la prévention et le renforcement des infrastructures, qui aujourd’hui ne sont pas adaptées face à l’ampleur des phénomènes survenus chaque année. « L’impact de ces catastrophes souligne une fois de plus la nécessité d’investissements importants : nos infrastructures critiques doivent être renforcées afin d’atténuer l’impact des conditions météorologiques extrêmes. Ces investissements soutiendront une croissance et une résilience durables. », déclare Jérôme Jean Haegeli, économiste en chef du groupe Swiss Re. La facture annuelle des catastrophes naturelles doit en effet beaucoup à des décisions urbanistiques contestables : couverture des sols empêchant les écoulements d’eau, ou constructions dans des zones à risque.
Le problème majeur reste cependant celui du modèle de financement : « Rien qu’aux États-Unis, poursuit Jérôme Jean Haegeli, le déficit d’investissement moyen pour rénover les infrastructures est de 500 milliards de dollars par an jusqu’en 2040. »
La question du financement se pose tout autant en France, dont le régime assuranciel des catastrophes naturelles (CATNAT) est déjà en déficit depuis 2015. Il est d’ailleurs en passe d’être réformé, de même que le dispositif d’assurance MRC. Cependant tout en saluant les avancées promises par ces deux réformes, de nombreux acteurs de l’assurance, la Fédération des syndicats des agents généraux d’assurance (Agéa) en tête, ont déploré que ces projets ne prévoient rien de concret pour préserver la pérennité financière de ces dispositifs.
« En partenariat avec le secteur public, le rôle des assurances est essentiel pour renforcer la résilience de nos sociétés aux risques climatiques, en investissant dans des infrastructures durables, » conclut Jérôme Jean Haegeli. Des investissements d’autant plus vitaux que Swiss Re prévoit que les pertes dues aux catastrophes naturelles devraient continuer d’augmenter ces prochaines années, davantage que le PIB mondial en raison de l’accroissement des richesses, de l’urbanisation et du changement climatique.