Sophie Elkrief, Directrice Générale • aésio mutuelle / Directrice Générale Déléguée santé prévoyance • aéma groupe / Directrice Générale • umg aésio-macif, Présidente du Jury des Trophées de l’Assurance 2021 répond aux questions de Jean-Luc Gambey.
Vous avez accepté de co-présider le Jury des Trophées de l’Assurance 2021. Quelles sont les principales raisons qui vous ont fait accepter notre sollicitation ?
On aime à présenter le secteur de l’assurance comme gris et poussiéreux. C’est tout le contraire ! Et le nombre de dossiers reçus pour cette 20e édition des trophées, le confirme. Et je veux le faire savoir pour attirer les talents dans nos entreprises, renforcer la confiance de nos clients et accompagner la mutation de notre
secteur !
À l’occasion de cette belle cérémonie des Trophées de l’assurance, c’est toute la dynamique de l’innovation qui est valorisée. C’est autant de ressources pour nous tous, et l’occasion de mettre en lumière l’engagement de nos collaborateurs et partenaires pour offrir une protection toujours meilleure à nos adhérents, sociétaires ou clients.
Concernant Aéma, cette nouvelle entité, il est indiqué sur son site « Trois ans pour s’installer, se synchroniser et se projeter pour inventer le Groupe de demain. » Comment sera le « groupe de demain » Avez-vous quelques pistes, aujourd’hui à nous faire partager ?
AÉMA groupe a été créé au 1er janvier 2021, et 6 mois après, nous annoncions notre plan stratégique « Cap 2023 – Construire pour conquérir ». Nous sommes persuadés que l’avenir de nos entreprises est dans la multiplicité : multi-marques, multi-réseaux, multi-métiers… À l’heure de l’atomisation des comportements, nous voulons offrir une pluralité de solutions complémentaires pour répondre à chacun, en préservant ce qui fait la force du modèle mutualiste.
C’est un projet d’entreprise résolument innovant qui vise à mettre le meilleur de la technologie et du savoir-faire accumulé dans nos entreprises au service d’une vision moderne de la protection, que nous avons baptisé du nom de « Prévenance » et qui conjugue prévention, protection, accompagnement et soins.
Il est encore un peu tôt pour évoquer les premières réalisations concrètes, mais l’opération emblématique que nous menons avec Aviva traduit bien cette volonté d’avoir une lecture moderne du monde mutualiste. Elle va nous permettre de densifier encore notre matrice de réponses aux besoins de nos adhérents, sociétaires et clients. Ce triple vocable traduit d’ailleurs à lui seul l’enjeu de la multiplicité, dans le respect de nos identités respectives.
Quels seront vos prochains sujets en termes d’innovation, de transformation en 2022 ?
Au sein de toutes les entités du groupe, les métiers évoluent avec le sociétaire, l’adhérent, le client au cœur, et la priorité donnée à la personne. Cela signifie des transformations de nos métiers, comme la distribution, la gestion, en mêlant l’humain et la technologie au service de l’expérience utilisateur. L’évolution des systèmes d’information s’inscrit dans ces changements de nos modèles, avec le traitement des données et la digitalisation au cœur de ces processus.
Cela implique également des transformations dans les modes de management, avec plus de confiance, de responsabilisation et d’autonomie pour les collaborateurs.
Nous sommes soucieux de l’évolution de nos métiers et nous attribuons les moyens nécessaires pour à l’innovation, tant en termes de métiers que sociale. Notre modèle est ouvert et nous ne nous interdisons rien : partenariats, financement de start-ups, intrapreneuriat etc mais aussi travaux collaboratifs avec les acteurs de l’ESS et promotion de la pertinence du modèle mutualiste.
Pour terminer un point d’actualité, la pression sur les complémentaires santé semble, à quelques mois des élections présidentielles, s’accentuer. Parmi certains scénarios envisagés, le renforcement de l’intervention de la Sécurité sociale, qui pourrait notamment se matérialiser par une absorption des complémentaires santé dans une « grande Sécu ». De votre côté, vous êtes inquiète pour les complémentaires santé ?
Notre système de santé, bien que l’un des meilleurs du monde, n’est pas parfait. Il est donc légitime d’essayer de l’améliorer toujours, afin d’offrir le maximum de protection au plus grand nombre. Naturellement, la question du financement de notre système est au centre de ces réflexions.
Nos forces sont indiscutables quant à l’accès aux soins, la qualité des soins, ou la couverture de la population. En France, nous avons un reste à charge parmi les plus bas d’Europe.. Cependant, nous avons des progrès à faire en matière de prévention et de revalorisation des métiers du soin, actuellement grandement sous tension ou encore dans les conditions d’accès à la complémentaires pour certains ménages.
Je ne crois pas que le tout Etat résolve ces problèmes et au contraire produirait des effets pervers comme au Royaume Uni ou en Espagne, où une médecine à deux vitesses s’est installée. Etant donné la pénurie de professionnels de santé en France, le développement de ces deux médecines serait rapide et important en France, notamment sur l’accès aux soins et la qualité des prestations.
Sur la prévention, la standardisation du traitement des personnes par la Sécurité Sociale ne permettrait pas de développer une prévention efficace à grande échelle. La prévention est efficace si elle intervient suffisamment tôt (chez les jeunes notamment) et de façon ciblée et précise ; c’est désormais possible avec la technologie et l’enjeu majeure réside dans l’utilisation et la protection des données de santé. Ce dernier point est au cœur de la réflexion des acteurs mutualistes, tiers de confiance des Français quant à leur santé.
Par ailleurs, la santé est le « bien » le plus intime de chacun, comment ne pas respecter la liberté de choix des Français ?
Enfin, les complémentaires santé ont prouvé, au cours du temps, leur capacité à innover, malgré la réglementation et la standardisation des garanties. Le tout Etat casserait cette dynamique, notamment sur les sujets de personnalisation et d’individualisation, qui sont possibles, pour tous, au juste prix, grâce à la technologie et la connaissance des assurés.
Les enjeux relatifs à la santé nécessitent de mobiliser tous les acteurs, ensemble, pour améliorer notre système là où il y a des marges de progrès et assurer la protection du plus grand nombre, en assurant le financement du système (donc sa pérennité). Notre modèle mixte a déjà montré toute sa pertinence et sa robustesse, et il faut travailler à l’améliorer encore.
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