Entretiens croisés des présidents d’association : David Charlet, Président de l’ANACOFI, Julien Seraqui, Président de la Chambre nationale des conseils en gestion de patrimoine, Stéphane Fantuz, Président de la CNCEF PATRIMOINE/ASSURANCE et Stéphane Fantuz Président de la CNCEF PATRIMOINE/ASSURANCE et Philippe Feuille, Président de la compagnie des CGP dans le cadre du magazine* “Dessine-moi la gestion de patrimoine”, répondent aux questions de Jean-Charles Naimi.
Implications des CGP dans la relance, mise en œuvre de la réforme du courtage, survie du modèle des commissions dans le cadre de la révision des directives européennes finances et assurances et restructuration de la profession, les quatre présidents d’association de CGP nous répondent. Comment voyez-vous le rôle des CGP dans la relance ? Quelles actions mettez-vous à leurs dispositions pour être présents sur ce terrain ?
David Charlet : Apparemment beaucoup de gens attendent énormément de nos professionnels, Ministère de l’Economie et des Finances en tête. Nous sommes associés aux initiatives gouvernementales de relance et aux projets de réformes de l’épargne mais aussi, de réflexion sur l’entrepreneuriat et plus généralement tout ce qui touche à leur financement et à leur transmission.
Il semble clair que le conseil apparait maintenant comme une nécessité tant pour flécher les capitaux vers les entreprises, que pour accompagner ces dernières. Les CGP sont donc attendus dans ce rôle là et parfois même cités dans les textes récents.
Nous sommes entre autres, membres du comité stratégique « Label Relance », associés aux travaux de réformes de l’ISR, menons des travaux au sein du CCSF ou de la CPME, répondons à nombre de consultations spécifiques dont par exemple les projets de suite de la réforme de l’épargne, des successions, ou encore sommes la seule association de nos métiers associée aux travaux « Paiement Fournisseur Anticipé » du Trésor.
Nous représentons donc nos membres dans tous les groupes de travail ou commissions et redescendons vers eux tout ce qui en découle au moyen de notes, études, E-News, émissions vidéo ou radio, via des conférences ou bien encore, grâce aux formations que nous mettons à disposition.
Julien Séraqui : Les Conseils en gestion de patrimoine ont un rôle central dans la relance de l’économie. En effet, ils sont tenus d’informer leurs clients des fonds répondant aux critères du Label Relance, si ces derniers souhaitent orienter leur épargne vers le financement des entreprises françaises. Les CGP ont toutes les cartes en main pour répondre aux attentes des épargnants qui souhaitent investir dans des supports risqués.
En sa qualité de signataire de l’Accord de Place, la CNCGP est partie prenante du comité du Label Relance en charge, entre autres, du suivi de la dynamique de labellisation et des efforts de promotion. Associée dès l’origine à son élaboration, la Chambre promeut le Label auprès de ses adhérents, en les informant notamment sur les réseaux sociaux.
Stéphane Fantuz : Les CGP sont les plus à même de participer à la relance parce qu’ils placent la finance au service de l’économie réelle. C’est-à-dire, en direction de l’investissement, de la croissance et du développement. Ils sont le trait d’union entre leurs clients, chefs d’entreprises et particuliers et sont en capacité de réarmer l’économie productive. Experts en matière de conseils, ils interagissent avec les établissements financiers et dans de nombreux domaines par le biais de l’interprofessionnalité tel le financement des entreprises, l’immobilier, la fusac, le courtage en assurance et en crédit. Ces acteurs de proximité, formés, encadrés, contrôlés, représentent le gage d’un travail en toute impartialité et en toute indépendance. Nous les accompagnons par nos formations pour monter en compétences, par des webinaires et des kits réglementaires à jour pour exercer en conformité. Enfin, dans le cadre de notre nouveau site internet, nous conduisons nos membres sur la voie de la communication digitale.
Philippe Feuille : Les CGP vont continuer leur travail de proximité et d’accompagnement de la même manière que pendant le confinement en accentuant sur la prévoyance, la retraite, l’ESG et l’ISR. Pour soutenir les CGP nous avons mis en place des formations avec un fil vert sur ces deux dernières thématiques. Nous avons créé une commission « Résilience » animée par des administrateurs qui prennent contact avec nos adhérents pour leur demander comment ils ont traversé la crise, quels seraient leurs besoins et attentes, de façon à pouvoir y répondre, dans la mesure de nos moyens.
Sur les six prochains mois, quelles seront, selon-vous, les dossiers les plus importants au niveau réglementaire et économique pouvant impacter le plus l’avenir de votre profession ?
David Charlet : Il fait tout d’abord considérer le niveau Européen.
Les travaux relatifs à la révision des Directives MID et DDA qui prévoient des évolutions ou non de nos modes de rémunérations ce qui impacterait nos modèles économiques sont de première importance.
Il ne faudra pas oublier que se discutent aussi la digitalisation de nos activités, les contraintes et modèles ESG, l’épargne retraite pan européenne, le déploiement du Crowdfunding ou des crypto actifs et le plan de relance qui impliquera forcément du fléchage et des règles portant sur l’accompagnement ou la distribution des produits d’investissement.
Au niveau national, les suites de PACTE, la réforme du courtage et les projets que j’ai précédemment cités seront au cœur de notre actualité à 6 mois.
Les élections à venir devraient limiter les velléités d’en rajouter même s’il ne faut pas négliger les effets possibles de textes sur la relance, la sortie de crise sanitaire et les travaux des régulateurs.
Julien Séraqui : Ce sont sans aucun doute les discussions autour de la révision des directives MIF2 et DDA. Ainsi, en 2020, la CNCGP a répondu aux autorités européennes dans le cadre de leur consultation sur le projet de modification de MIF2. La Chambre s’est montrée partisane du maintien du modèle hybride des rémunérations, modèle très largement plébiscité par ses adhérents, qui repose sur le commissionnement et le recours aux honoraires, proposant ainsi une grande liberté de choix aux clients. La remise en cause des commissions se traduirait par un effet néfaste sur les investisseurs particuliers en les privant de l’accès à des conseils suffisants. D’où l’engagement et l’action de la Chambre en faveur de cette situation.
Stéphane Fantuz : Tout d’abord, nous sommes attentifs à la révision des directives DDA et MIF II, revoyant le modèle économique qui reposait jusqu’ici sur les rétrocessions de commissions.Nous avons participé à la consultation publique concernant la réforme du Label ISR organisée par le Trésor. Nous sommes convaincus que l’épargne des Français doit bâtir des investissements plus responsables au service de l’économie réelle. Nous plaidons pour une définition la plus progressiste, où l’épargnant, l’entreprise et le changement climatique doivent être au cœur de la réforme initiée par le Gouvernement. La Gouvernance du Label ISR doit concerner toutes les parties prenantes. Par leur proximité avec les clients, les CGP doivent être associés à la construction du Label. Par leur proximité avec les entreprises non cotées, les conseils en levée de fonds doivent l’être aussi, l’appétence des épargnants pour ces placements s’étant accrue suite à la crise sanitaire. Enfin, lors d’une audition récente par le Sénat des associations de CIF, nous avons demandé que le champ d’intervention et d’investigation des autorités de tutelle soit élargi pour intervenir en amont auprès des promoteurs de produits, de façon à s’assurer de la qualité des produits et des pratiques commerciales. Les professionnels réglementés ne sont pas les seuls à être acteurs dans la protection des épargnants. Ils ont un rôle majeur de conseil, mais ils sont les premières victimes en termes d’image de marques quand des acteurs non réglementés commercialisent des produits « exotiques ».
Philippe Feuille : Nous nous battons pour la défense du métier et le maintien des commissions sur encours. Nous participons d’ailleurs à une étude de place sur ce sujet, afin de pouvoir aller argumenter auprès de Bruxelles pour la défense de notre système de rémunération.
La réforme du courtage a été adoptée par le législateur. Que va-t-elle changer concrètement pour les CGP et quels services êtes-vous prêts à mettre à leur disposition pour les attirer ?
David Charlet : Elle va imposer l’adhésion à des associations dont la mission ne sera pas de faire la Police, à la différence de ce qui est demandé aux associations CIF, mais d’accompagner.
Si nous devons résumer ça rapidement, disons qu’elles devront vérifier les compétences et l’honorabilité plus quelques éléments administratifs non vus par l’ORIAS, puis délivrer de l’accompagnement en matière de formation, kits et information permettant le maintien en conformité des entreprises et leur permettre d’accéder à diverses offres comme la RC pro ou un médiateur.
Elles ne feront pas de contrôle de l’activité ou en allant dans les entreprises, puisque cette mission reste à l’ACPR.
A priori l’ANACOFI offre déjà aujourd’hui tous les services qu’il est envisagé de nous demander d’offrir. Il y a déjà plus de 15 ans que nous avons mis en place une offre de formation interne ou externe, plus de 10 ans que nous proposons des solutions de suivi des obligations en la matière et avons digitalisé intégralement le suivi des membres depuis 2012. Concernant l’information réglementaire et sur l’actualité ou encore les études thématiques c’est notre ADN depuis la création et nous offrons des solutions de tous types, jusqu’à un portail conformité en ligne et gratuit.
Aujourd’hui, nous travaillons à déployer d’ici fin 2021un outil CRM/extranet membres encore plus complet, qui sera simplement complété au regard de ce que l’ACPR nous demandera. Par ailleurs, nous recrutons des personnels en plus, afin que dès l’entrée en vigueur du texte, ils soient formés et en place.
Julien Séraqui : A l’instar des CIF, les courtiers qui s’installent seront amenés, à compter du 1er avril 2022, à adhérer à une association professionnelle qui aura pour vocation de les suivre et de les accompagner, notamment en matière de formation. La CNCGP vérifiera si ces courtiers disposent de la capacité professionnelle et/ou des diplômes nécessaires à l’exercice de la profession.
A compter du 1er janvier 2023, la réforme s’appliquera à l’ensemble des courtiers qui sont déjà en exercice.
Les services accessibles aujourd’hui à nos adhérents le seront également aux courtiers qui nous rejoindront. L’offre est large : informations et conseils par le pôle en charge de la relation avec les adhérents ; accompagnement dans le cadre de la mise en œuvre réglementaire de leurs obligations professionnelles par le pôle juridique ; mise à disposition de formations spécifiques par le pôle formation ; RCP négociée s’articulant autour de trois contrats.
Stéphane Fantuz : Cette réforme va grandement aider la profession à s’organiser, se structurer, avoir plus de visibilité et continuer à monter en compétence et en conformité. Pour autant, il ne faut pas sous-estimer l’ampleur de ce qu’elle représente pour être à la hauteur des attentes des professionnels. A la CNCEF, nous avons créé une association distincte de la CNCEF Patrimoine : la CNCEF Assurance. Notre objectif est de réunir toutes les spécialités du courtage, courtier CGP en assurance vie, courtier IARD, courtier conseil, courtier emprunteur crédit, courtier grossiste, courtier affinitaire, courtier comparateur. Il est important que toutes ces branches qui ont des liens entre elles doivent se parler, même si chacune doit travailler sur la spécialité qui est la sienne. Chacun de ces collèges travaillera à la mise en place des kits réglementaires adaptés à chacune de ces spécialités, comme nous avons vu le faire par le passé pour les CIF CGP, les CIF conseils aux institutionnels et les CIF haut de bilan quand ces derniers avaient encore une obligation d’adhérer à une association de CIF.
Philippe Feuille : L’impact réglementaire va se faire sentir sur les professions du courtage en assurance et en crédit bancaire avec la mise en place de la loi sur la réforme du courtage dont nous attendons encore les décrets d’application. Les courtiers vont devoir se plier à une réglementation et une mise en conformité dont ils n’avaient pas encore connaissance.
Nous avons anticipé cette réforme depuis 2019 en créant des associations dédiées aux deux métiers, assurance et crédit bancaire. Cela nous a permis de construire une offre pour accompagner au mieux ceux qui exercent l’activité de courtage dans cette nouvelle étape. Au-delà de cette offre (kit réglementaire, veille juridique…), notre société de formation les accompagne, notamment sur DDA, une culture pédagogique sur l’univers ESG/ISR qui concerne les courtiers au travers des allocations qu’ils peuvent être amenés à faire dans les contrats d’assurance.
Voyez-vous se dessiner des mouvements dans la profession compte tenu de la crise que nous traversons / cessions de cabinets, regroupements, si oui, quels types de regroupements vous paraissent les plus pérennes ?
David Charlet : Nous avons réalisé une grande enquête en deux temps pour y voir clair. Il apparait que moins de 7% des entreprises sont en difficulté au point d’envisager arrêter dans les deux ans à venir et 5% complémentaires, envisagent une cession ou un rapprochement, qu’elles soient en difficulté ou pas.
C’est donc une demie crise car le taux annuel naturel global d’arrêt ou disparition se situe autour de 7% mais les taux en période de crise montent historiquement vers 12%.
Il y aura donc bien un peu de regroupement et concentration parmi les entreprises installées. Cependant nous notons que depuis novembre le nombre des entrants a très fortement progressé. Depuis janvier nous avons enregistré autant de nouveaux membres que sur tout 2020 et sommes en solde positif par rapport au 31 décembre, alors que dans une année normale, c’est plutôt entre juillet et septembre que nous y parvenons.
Julien Séraqui : Le regroupement de cabinets est en effet une tendance de fond car, soumis à une réglementation de plus en plus stricte et à un niveau de formation toujours plus exigeant, des CGP choisissent l’option du regroupement. Cela solutionne certaines difficultés rencontrées notamment par ceux d’entre eux qui ont une structure unipersonnelle : mutualisation des moyens, partage des compétences, échange sur les bonnes pratiques, négociation avec les fournisseurs, etc.
Par ailleurs, des fonds d’investissement s’intéressent à certains acteurs de la gestion de patrimoine, dont le business modèle est solide et qui bénéficient d’une clientèle fidèle.
Enfin, autre tendance : des structures, telles que l’UFF ou Barclays Milleis, ont subi d’importantes restructurations internes qui ont entraîné des modifications de contrats de leurs salariés. Ainsi, nombre d’entre eux ont fait le choix de quitter ces structures et de créer leur cabinet de conseil en gestion de patrimoine. La Chambre a intégré de nouveaux adhérents issus de ces entreprises.
La profession de CGP continue sans aucun doute d’attirer.
La crise sanitaire que nous avons traversée a frappé notre économie de plein fouet. L’ensemble de la profession en a été impactée. Pour autant, nous pouvons constater que, malgré les difficultés inhérentes à cette crise, les CGP, comme leurs fournisseurs, se sont adaptés à cette situation et ont maintenu un service de qualité.
On observe notamment une remarquable évolution sur les sujets numériques. Déjà engagés dans un processus de dématérialisation, les fournisseurs ont accéléré cette tendance (signature électronique, formations en ligne, webinaires, etc.) et ont su maintenir le lien avec les CGP.
Stéphane Fantuz : Au-delà de l’aspect conjoncturel, notre profession est à un tournant historique avec le passage de témoin entre les générations. D’un côté, se trouvent les professionnels matures, qui tiennent les rênes du métier, avec une forte expérience. De l’autre, la nouvelle génération, tout juste diplômée, avec une formation aboutie, mais une expérience moins développée. L’une et l’autre sont forcément complémentaires pour assurer la poursuite de notre profession. Cette transition va faire évoluer la manière dont nous allons exercer le métier. A l’avenir, les CGP devront être de bons généralistes et de bons spécialistes à la fois, rompus au digital et face à des clients dont l’expérience patrimoniale sera plus fine ou plus affirmée. S’agissant des regroupements, de plus en plus de cabinets de CGP rejoignent des réseaux, ou groupements. Ces derniers sont en mesure de leur apporter des services en termes de support, de sélection de produits qu’ils n’auraient pas le temps de mettre en place eux-mêmes. Donc on peut continuer à exercer en réseau tout en restant indépendant avec des cabinets à taille humaine.
Certains fournisseurs ont été plus réactifs que d’autres pour nous aider durant cette période particulière. Ils ont en effet investi dans la numérisation du parcours clients en nous permettant de procéder à de la signature numérique en ligne lors de la souscription. D’autres sont allés plus loin pour que l’on puisse faire des arbitrages, voire des opérations de rachats partiels. Il reste encore du travail pour que ces mêmes acteurs qui sont en pointe, acceptent des signatures numériques hors de leur intranet. Ceci va sans aucun doute créer pour les CGP une appétence pour les partenaires qui prouvent leur volonté d’être présents à nos côtés dans une même logique d’efficacité que celle que nos clients attendent de nous. Un autre changement majeur repose sur le mode de communication et d’échange entre les partenaires et les CGP qui sera de plus en plus dans un mode distanciel toujours pour un souci d’efficacité (gain de temps, replay possible, …)
Philippe Feuille : Pas vraiment, on note plus une synergie entre adhérents que de réelles fusions. Sinon, dans les quelques regroupements constatés, ceux qui nous paraissent les plus pérennes seraient ceux qui ont une complémentarité d’activités. On constate un durcissement des conditions dans les partenariats avec les fournisseurs. Sur ce sujet, nous rappelons à nos adhérents de bien lire les avenants et les modifications substantielles des conditions des partenariats.
Le passage au digital est aussi un élément de changement important, tellement important qu’il devient courant.
*ITWS du magazine « Dessine-moi la gestion de patrimoine », production Vovoxx, en Juillet 2021, que vous pouvez télécharger, diffusé gratuitement aux CGP et à leurs fournisseurs). Le #3 de ce magazine est prévu pour fin novembre 2021. Si intérêt, n’hésitez pas à nous contacter.