Éric Maumy, CEO du Groupe APRIL et Président du Jury des Trophées de
l’Assurance 2021, répond aux questions de Jean-Luc Gambey.
Vous avez accepté de co-présider le Jury des Trophées de l’Assurance 2021. Quelles sont les principales raisons qui vous ont fait accepter notre sollicitation ?
Les Trophées de l’Assurance sont un observatoire privilégié de l’innovation dans le monde de l’assurance. C’était ma première participation et j’ai pu mesurer la chance de passer derrière le miroir et de plonger dans ce bain bouillonnant d’idées ! Cette édition témoigne de la vitalité exceptionnelle des nouveaux entrants, portés par la vague du digital – que j’invite à participer encore plus largement à ces trophées où tout est ouvert, je peux en témoigner ! – comme de celle des acteurs établis qui s’inspirent de ce nouveau monde et se réinventent. A l’heure où certains responsables politiques questionnent le rôle des complémentaires santé, j’ai également pu mesurer l’incroyable dynamique d’innovation de notre industrie qui rivalise d’initiatives pour améliorer la santé des Français. C’est une chance pour l’Assurance Maladie qui doit s’appuyer sur cet écosystème agile, efficace et ouvert.
Vous l’aurez compris, co-présider cette 20ème édition avec Sophie Elkrief, dont j’ai pu apprécier l’intelligence, la pertinence et l’impertinence pendant une journée, et devoir faire des choix cornéliens avec un jury de haut vol, ont été enthousiasmants et enrichissants.
Le courtier grossiste en assurance lyonnais que vous dirigez est en pleine mue. Le pari de la transformation du groupe APRIL est-il en bonne voie ?
Le pari de transformer APRIL est bien engagé même s’il reste beaucoup de chemin à parcourir : nous sommes passés en 18 mois d’une entreprise très offline à une entreprise de e-commerce, quel que soit le canal de distribution, tout en réussissant à concilier dimension humaine et technologie. La croissance organique est au rendez-vous avec 6 % en 2020 et nous tendons vers 10 % en 2021. Par ailleurs, nous sommes en train de nous agiliser en adoptant les méthodes et le rythme des insurtechs pour nous attaquer à nos deux plus grands défis : la maîtrise de la data et la refonte des parcours clients. C’est un véritable challenge compte tenu de notre taille et de notre héritage.
Les investissements réalisés sur nos offres et l’expérience que nous proposons à nos clients et partenaires portent leurs fruits, grâce notamment à la mobilisation de toutes nos équipes et au renforcement de nos capacités digitales. Notre NPS s’est envolé de 15 points en 2 ans et continue de progresser. Notre objectif d’un NPS de + 30 en 2023 est bien à notre portée : il constituera une bonne base pour accélérer car nous devons faire plus, mieux et moins cher pour nos clients.
Nous avons encore beaucoup de travail mais nous avons changé de visage, renoué avec l’esprit de conquête et nous sommes aujourd’hui en situation de nous projeter sur des acquisitions d’envergure.
Quels seront vos prochains sujets en termes d’innovation, de transformation ?
Nous avons pour ambition de devenir la plus grande insurtech d’Europe. C’est un immense défi pour APRIL, que des acteurs aussi établis et plus grands que nous ont su relever, comme Ping An en Chine.
Il nous faut, d’une part, opérer notre mue technologique, ce que nous sommes en train de faire avec un plan d’investissement massif ; d’autre part, inventer et co-construire les produits et services de demain avec nos clients, ce que nous faisons dans notre hub digital APRIL X qui transforme l’expérience de nos assurés et partenaires à un rythme effréné ; enfin, attirer les profils qui vont redessiner le visage d’APRIL, plusieurs dizaines de recrutements dans l’IT et le digital étant en cours. La pente est forte mais nous sommes affûtés et déterminés.
Le déploiement massif des technologies numériques participe à l’élaboration pléthorique de nouveaux scenarios serviciels. Selon vous quels sont les principaux chantiers ou les principales tendances à venir du secteur de l’assurance ?
L’assurance doit faire face au défi du « less is more » en matière d’expérience client et c’est une révolution qui nous attend, les améliorations auxquelles nous assistons étant souvent de la pure cosmétique qui ne simplifient que marginalement la vie des assurés. Cela passe par des couvertures modulables, plus simples et plus lisibles, par des parcours de souscription fluides, par des espaces assurés clairs et ergonomiques, par des services réellement utiles, par le décloisonnement et l’exploitation des data. Je ne crois pas à l’empilement des garanties et des services, les assurés ne comprenant rien à ce qu’ils ont déjà, d’où le succès de l’assurance à l’usage qui correspond à des besoins immédiats. Je crois à la simplicité et à la sobriété.
Nous devons d’autre part trouver le bon dosage entre les relations humaines et le digital, en permettant à nos clients d’être autonomes à chaque fois qu’ils le souhaitent tout en leur offrant un accompagnement à forte valeur ajoutée avec des conseillers formés et disponibles lorsque c’est nécessaire. Pour relever ces défis, nous investissons dans la technologie, dans les offres et les services, et aussi et surtout dans des spécialistes de la relation et de l’expérience client.
Pour terminer un point d’actualité, la pression sur les complémentaires santé semble, à quelques mois des élections présidentielles, s’accentuer. Parmi certains scénarios envisagés, le renforcement de l’intervention de la Sécurité sociale, qui pourrait notamment se matérialiser par une absorption des complémentaires santé dans une « grande Sécu ». De votre côté, êtes-vous inquiet pour les complémentaires santé ?
Nous pensons que ce scénario est le fruit d’une idéologie, coupé des réalités et qu’il serait perdant pour tous les Français. Annoncé comme un outil d’équité sociale, il risquerait au contraire de générer des inégalités entre ceux qui pourraient s’offrir des surcomplémentaires – dont les tarifs risqueraient de s’envoler – et ceux qui ne le pourraient pas.
Les complémentaires santé sont des alliés de l’Assurance Maladie, elles ont permis de financer la santé des Français alors que la Sécurité sociale se désengageait, d’améliorer l’accès aux soins, de maîtriser les dépenses de santé et de mettre la prévention au cœur d’un dispositif qui s’en souciait assez peu. Le système actuel est évidemment perfectible et nous travaillons activement à faire des propositions dans ce sens avec quelques grands courtiers français rassemblés dans un think tank. Ce que nous avons à offrir est immense et nous échangeons avec toutes les parties prenantes pour dessiner l’assurance santé de demain.
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