Anne-France Gauthier, Directeur commercial de Vie Plus et Alain Guélennoc, Directeur général de Federal Finance Gestion dans le cadre du magazine* “Dessine-moi la gestion de patrimoine”, répondent aux questions de Jean-Charles Naimi.
L’ISR correspond-t-il à une réelle prise de conscience de la part des investisseurs et des établissements financiers ? Si tel est le cas, quels sont les signaux tangibles qui vous permettent de penser qu’il ne s’agit pas d’un phénomène de mode ?
Anne-France Gauthier : Nous ne pensons absolument que ce soit un phénomène de mode, au contraire l’ISR deviendra la norme. Cette volonté se traduit aujourd’hui concrètement. Suravenir propose désormais dans sa gamme en unités de compte plus de 230 fonds détenant un label d’État. En termes d’encours, le montant global des unités de comptes labélisées ISR dans les contrats de Suravenir a plus que doublé en un an. Il s’élève désormais à 1 638 millions d’euros à fin 2020, contre 645 millions d’euros à fin 2019.
L’idée que les fonds ISR sont moins performants que les fonds classiques est-elle encore présente chez les CGP ou bien appartient-elle définitivement au passé ? Comment se comportent-t-ils ?
Anne-France Gauthier : Ce n’est plus le cas aujourd’hui, les fonds ISR performent bien. Nous pouvons d’ailleurs noter que parmi les profils de mandat d’arbitrage ayant le plus performés figure le profil Conviction Développement durable, conseillé par Federal Finance.
Alain Guélennoc : Sur une longue période les fonds ISR réalisent des performances en ligne avec les fonds classiques. Pendant les périodes de crise, nous observons cependant une meilleure tenue des fonds ISR ; ce fut le cas en 2020 par exemple. Ce qui caractérise la gestion ISR c’est qu’elle permet de déceler les entreprises présentant des faiblesses sur leur gouvernance, ou des pratiques environnementales à risques. Ainsi, les sociétés qui bénéficient de bonnes notations ISR sont souvent à plus faible bêta que la moyenne, donc plus régulière dans leurs performances. Finalement, on peut dire que le couple rendement/risque des fonds ISR est souvent meilleur que celui de leurs concurrents classiques.
Votre gamme évolue dans le domaine de l’ISR. Quel est votre schéma directeur, dans la sélection des fonds ? Quelles sont les grandes lignes de votre politique de gestion en la matière?
Anne-France Gauthier : Oui, en effet, nous développons de façon considérable notre gamme sur cette thématique. Pour la sélection des unités de compte, nous exigeons désormais que les sociétés de gestion soient signataire des PRI et nous privilégions le référencement de fonds labellisés.
Alain Guélennoc : Nous intégrons l’ESG dans l’intégralité de notre gestion active ; c’est au cœur de notre stratégie. Dans ce cadre, nous avons fait labelliser nos principaux fonds, des fonds monétaires aux fonds actions, en passant par les fonds obligataires.
Ces fonds nous servent également de briques élémentaires dans nos mandats de gestion ; sur ces mandats nous sommes cependant en architecture ouverte, ce qui veut dire que nous utilisons les meilleurs fonds ISR de la Place et que nous investissons essentiellement auprès de sociétés de gestion qui sont actives en matière d’ESG.
Que deviendront les fonds non ISR ? Faut-il encore les proposer ? Ont-ils selon-vous un avenir dans le monde d’après ? Que pensez-vous des labels, ISR et des certifications de finance durable Greenfin, Finansol, voire le label relance ?
Anne-France Gauthier : Il n’est pas raisonnablement envisageable de se passer aujourd’hui de fonds non ISR. ISR désigne un label, il en existe d’autres qui ont toute leur place dans notre catalogue d’unités de compte. Par ailleurs, nous souhaitons accompagner chacune de nos parties prenantes et notamment les sociétés de gestion avec lesquelles nous travaillons dans leur transition environnementale.
Alain Guélennoc : Ces labels ont l’avantage de présenter des standards qui fixent clairement les choses pour l’investisseur, c’est un gage de gestion en conformité avec certains critères bien détaillés dans le cahier des charges de chaque label. Pour l’épargnant cela permet d’être sûr d’un alignement entre lui, son banquier et le gérant. Il faut cependant indiquer que ces labels ne constituent qu’une base de départ, mais que cela ne garantit ni la qualité de la gestion, ni les performances et le réel impact sur l’environnement ou le social. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les labels doivent être compléter, à mon sens, par une mesure de l’impact réel des investissements réalisés par le fonds analysé.
Alain Guélennoc : Quelles sont les évolutions possibles de la finance dans le domaine du développement durable ?
La mesure des impacts des investissements va devenir une nécessité pour tous les gérants. Les investissements non cotés ISR devraient également prendre plus de place dans la Finance de demain. Déjà, nous constatons que la frontière entre cotés et non cotés tend à devenir plus poreuse. Chaque gérant garde ses compétences mais le client va vouloir de plus en plus passer de l’un à l’autre, et équilibrer son portefeuille entre partie cotée liquide et la partie non cotée, non liquide. D’où la nécessité de disposer de gérants en architecture ouverte avec accès à ses différents marchés.
Pour nous, sociétés de gestion, il va falloir que nous ayons des bases de données très complètes et des systèmes d’information performants, la bataille de la data ne fait que commencer, surtout pour l’ISR.
*ITW du magazine « Dessine-moi la gestion de patrimoine », production Vovoxx, en Juillet 2021, que vous pouvez télécharger, diffusé gratuitement aux CGP et à leurs fournisseurs). Le #3 de ce magazine est prévu pour fin novembre 2021. Si intérêt, n’hésitez pas à nous contacter.