Dans la réalité, l’excellence de l’expérience clients est-elle un objectif prioritaire pour les marques d’assurance (par rapport à d’autres secteurs) ?
Nicolas Ciornei : Oui, l’expérience doit être la plus qualitative et personnelle possible. Nous devons nous démarquer des autres secteurs car le secteur de l’assurance propose des produits qui ne sont pas concrets, on ne peut pas les toucher, les voir, comme une voiture, une œuvre d’art,… . La démarche est complètement différente, nous devons conseiller et trouver la meilleure solution au client en l’aidant à se projeter et en définissant ses besoins.
La souscription se base sur la confiance entre le client et son agent général ou courtier en plus de la compagnie qu’il représente.
Les compagnies ont mis des moyens financiers importants pour renouveler en permanence des outils de digitalisation pour les clients c’est donc un objectif prioritaire.
L’expérience client doit le conforter dans son choix. Avec des outils développés, intuitifs ainsi qu’un accompagnement suivi et personnalisé, la confiance du client sera excellente.
Thierry Garcia : Je pense que l’excellence de l’expérience client est un objectif, mais qu’il n’est pas ressenti de manière prioritaire car les compagnies sont confrontées à beaucoup inertie et de ce fait, l’évolution digitale/technologique, moteur de la qualité de l’expérience clients, ne nous saute pas immédiatement aux yeux. Même si nous pouvons constater des réels progrès dans notre secteur d’activité, son niveau, ou du moins la perception de celui-ci est encore loin de celui développé dans d’autres domaines, où l’expérience client est l’objectif numéro un, où des moyens considérables sont déployés. Je pense aux GAFA, Tesla, au domaine luxe, …
Au niveau des outils utilisés et de l’accompagnement clients, je pense que les assureurs sont en capacité de faire mieux, même si des efforts sont perceptibles (outils mis à disposition, gestion clients, accompagnement, réduction des délais de traitements des demandes, personnalisation de la relation clients).
Achetez un I Phone par exemple et laissez-vous porter… . De la découverte du produit, à l’achat, en passant par la boutique, le site, le service client, la personnalisation de la relation, tout est complémentaire dans la qualité et la fausse note d’un service impactera forcement négativement l’ensemble du ressenti.
Revenons-en à notre métier, plus que les produits, je reste convaincu que la qualité de la relation et de l’accompagnement clients permettra à une compagnie de se distinguer. Je ne pense pas qu’un assureur commercialise de mauvais produits, mais en revanche je suis persuadé qu’il existe des clients « oubliés » et de ce fait, abandonnés à eux-mêmes.
L’accessibilité de tous les services par les clients, à n’importe quel moment et sur n’importe quel support est-elle souhaitable et pour bientôt ?
Nicolas Ciornei : Pour reprendre une phrase de ma compagnie, « chacun veut avoir la liberté de décider de sa vie. »
Il faut que les outils soient disponibles à n’importe quel moment pour le client, quand il le souhaite. Cela peut donc se faire sans être restreint par les horaires d’ouvertures des agences par exemple. Notre société de consommation actuelle nécessite une disponibilité totale de tous les services, quel que soit le secteur. En effet, aujourd’hui, nous voulons tout et tout de suite. Pour cela, nous devons mettre à disposition de nos clients des outils qui rendront tous ses services disponibles, quand ils le souhaitent, que ce soit pendant un jour férié, la nuit, le dimanche,… . Le client doit pouvoir être satisfait au moment précis où il le souhaite, il doit avoir une réponse à sa question quand il se la pose.
Le client est roi comme le dit le dicton. Nous devons donc trouver des solutions pour le satisfaire à tout moment. Est-ce donc souhaitable ? Oui si nous souhaitons satisfaire notre client ! Est-ce pour bientôt ? La machine est en route en tout cas ! La plupart des services sont aujourd’hui disponibles sur internet, en application sur smartphone, en visio avec des conseillers !
Cependant, nous pouvons nous poser la question sur la viabilité de nos agences d’avoir un service 24/7. En effet, cela engendre des charges supplémentaires en agence pour avoir des conseillers disponibles à tout moment de la journée, de la nuit et de l’année. Pouvons-nous soutenir économiquement cette idée ?
Thierry Garcia : Il est indispensable et sans tarder, de proposer aux clients des outils efficients permettant d’effectuer des démarches ou opérations à tout moment et sur n’importe quel support. La demande est là (c’est encore plus flagrant selon l’âge de nos clients) et il faut savoir s’adapter, tout en ne supprimant pas l’aspect humain de la relation clients. C’est à mon sens à ce niveau-là qu’un savant dosage doit être fait. Au sein de ma compagnie mandante des échanges réguliers permettent de veiller à cela. L’Agent général doit être au cœur cette relation afin de mettre en valeur ce pourquoi il a été choisi…le conseil, l’accompagnement, la proximité. Un client « autonome » grâce aux outils digitaux proposés par un assureur reste un client que l’on peut toucher, accompagner, solliciter à tout moment, il s’agit d’un formidable levier de croissance.
La mise à niveau digitale de tous les canaux est-elle devenue une priorité absolue ?
Thierry Garcia : Oui effectivement, cette mise à niveau est incontournable et doit être une priorité, que ce soit en termes de distribution, de marketing, des services de gestion (vision clients 360°) ou des outils. La réglementation (RGPD, sécurité informatique, DDA…) pousse les compagnies à avancer rapidement, c’est un vrai booster pour nous et un vrai bénéfice pour l’expérience clients.
La souscription d’un contrat d’assurance vie en est un parfait exemple avec une fluidité au niveau de la démarche conseil, la persistance des données, la signature électronique, la réception du contrat dans l’instant, une qualité réelle de souscription…. Résultat : zéro papier.
Un espace client dédié proposé par sa compagnie d’assurance où le client a accès à ses contrats, où il exécute ses actes de gestion où il interagit avec son assureur qui peut, en retour :
- Lui demander de réactualiser ses données afin d’être en conformité face à la législation en vigueur.
- Lui proposer des actions commerciales.
- Lui fournir un agrégateur de comptes (bancaires et assurances) qui lui donnera de l’autonomie et de la simplicité de consultations et qui en retour, nous permettra d’avoir une vision complète de son patrimoine et ainsi de pouvoir le conseiller de manière la plus optimale sur ses investissements réalisés et réalisables.
Voici quelques exemples, la liste n’est pas exhaustive bien évidement et c’est bien la preuve de la priorité du développement du digital et des nouvelles technologies pour tous les canaux, car ils se nourrissent entre eux.
Nicolas Ciornei : L’idée est la suivante : la vision 360. En effet, la vision d’un client doit être absolue quel que soit le canal utilisé par ce dernier. Nous devons retrouver l’intégralité des données que le client soit passé par l’application de la compagnie, par email adressé à l’agent, par un service en ligne. C’est une priorité car cela permet un meilleur traitement de l’information et de la demande du client, un traitement plus fluide, plus rapide. Si nous souhaitons que nos clients soient satisfaits de notre efficacité et rapidité, la mise à niveau digital des canaux est primordiale.
Ne faudrait-il pas démontrer en quoi l’humain est un facteur décisif dans la perception de la qualité de l’expérience clients vécue ? Comment ? (le déploiement des technologies conversationnelles : Chatbot, assistance vocale,… ou autres nourrit la qualité des interactions)
Thierry Garcia : A mon sens, le rapport humain doit rester au cœur de l’expérience client, il est en est la pierre angulaire. Les nouvelles technologies (conversationnelles ou autres) permettront d’optimiser la qualité de l’expérience clients en créant une interaction efficace. Si l’humain, bien sûr, s’empare du terrain qui est le sien, celui du rôle social qu’il occupe dans le parcours clients, du rôle de conseil et d’expert. Autant de vertus plébiscitées par ceux qui nous font confiance.
Aujourd’hui, le digital et ses outils, permettent aux conseillers de se délester de taches sans valeurs ajoutées et ainsi se concentrer plus largement sur leur savoir-faire qui est le conseil, l’expertise, leviers de croissance par excellence. Un service complet que nous devons avoir comme ambition d’offrir à nos clients. Cette dynamique informatique, technologique, digitale, facilite le développement de la connaissance de nos clients, elle offre simplicité et fluidité dans nos échanges et process commerciaux.
Un marché 100% digital existe déjà, mais depuis 30 ans que j’exerce ce métier, il y a une constante qui subsiste quelles que soient les évolutions technologiques : le CONTACT client.
Nicolas Ciornei : Nous le voyons aujourd’hui malgré les outils mis à disposition des clients (applications, chatbot), le client privilégie toujours une interaction avec ses interlocuteurs que ce soit par courriel, téléphone, visio, ou contact physique en agence.
Ce qui permet aux agents de proximité de conserver leur part de marché, c’est justement le fait d’avoir un interlocuteur dédié aux clients : gardons le contact humain.
La qualité de conseil que l’agent peut apporter, même s’il est accompagné par des outils informatiques est mieux perçu qu’un simulateur en ligne. L’assurance est un secteur d’activité complexe, une simulation sur internet ne serait pas suffisante. Le conseil et les explications sur les diverses garanties d’un contrat ne peuvent qu’être expliqués par une personne physique.
L’outil informatique traite des informations données et répond de manière automatique comme il a été programmé. Parfois, les réponses sont incomprises, mal orientées.
Un agent s’assurera de saisir la demande du client pour l’informer de manière plus précise, plus détaillée. Si le client ne comprend pas, l’interlocuteur prendra le temps de lui expliquer sous plusieurs formes la réponse à sa question, ce qu’un outil informatique ne pourrait pas faire. L’humain restera toujours important dans le secteur de l’assurance. Un client incompris est un client insatisfait. Il cherchera à trouver une meilleure réponse ailleurs. Si nous voulons garder une qualité d’expérience pour nos clients, nous devons associer de manière équilibrée, les outils informatiques mis à disposition par nos compagnies avec nos connaissances et notre service client.
Ne faudrait-il pas démontrer que la qualité de l’expérience clients est capitale pour la rentabilité des entreprises du secteur de l’assurance ? Comment ?
Nicolas Ciornei : L’expérience clients est un coût, aussi bien sur le développement informatique, que sur la communication, la formation des différents interlocuteurs, l’innovation. Cela pèse sur la rentabilité d’un produit ou d’une compagnie d’assurance.
Malgré cela, il s’agit de coûts indispensables qui permettront dans le temps de gagner des parts de marché et d’augmenter la rentabilité des compagnies d’assurance. Certaines pourraient être tentées de supprimer une partie de leur masse salariale, au profit d’outils technologiques. A terme, le secteur de l’assurance pourrait-il être comme dans l’industrie, robotisée ?
Thierry Garcia : Si nous parlons de qualité de l’expérience clients, nous parlons de fait de digital et de nouvelles technologies, tout simplement parce que le temps dégagé par ces outils permettra aux collaborateurs d’effectuer des actes à fortes valeurs ajoutées.
Que ce soit au niveau des services de gestion, des sites compagnies, des outils de souscription, des technologies conversationnelles, des applicatifs de data science,… ce temps gagné permettra de recentrer les gestionnaires sur des opérations rentables et offriront aux forces vives des compagnies l’opportunité de monter en compétence. Les gains de productivité engendrés par le digital et les nouvelles technologies permettent de concentrer les collaborateurs d’Agence ou de Compagnies sur de la croissance « rentable ».
La qualité de l’expérience clients est-elle au moins, aussi importante que le produit et le prix de l’assurance (dans une fourchette raisonnable), et un facteur de différenciation majeur ?
Thierry Garcia : Je reste vraiment persuadé que le prix ou/et le produit est (évidement dans une mesure raisonnable) beaucoup moins impactant que ne le serait une mauvaise qualité dans la relation et l’expérience clients.
Au-delà du prix, ou du produit, nous devons découvrir notre client, le conseiller, être compassionnel, parler de lui, identifier ses besoins, ses objectifs et lui proposer un service personnalisé qu’il devra percevoir comme unique.
Un client mécontent des outils lui permettant d’être autonome, agacé par un service client déficient, contrarié par un suivi de demande chaotique, déçu par le manque de conseil ou de relation humaine, insatisfait de la fluidité des procédures de souscription n’aura à mon sens que faire d’un produit ou d’un prix concurrentiel…et ce à court terme.
Toutes les compagnies ont des bons produits, des prix qui doivent être concurrentiels par évidence et donc la qualité de l’expérience client sera le facteur différenciant. Celui qui fera passer un cap à un réseau de distribution de proximité, et donc par voie de conséquence à une compagnie.
Nicolas Ciornei : Au quotidien, nous sommes confrontés à cette question. En effet, même si vous avez un produit d’une grande qualité et un prix concurrentiel, si le client n’a pas une réponse concrète et comprise à ses questions rapidement, cela n’aura aucune importance d’avoir le meilleur produit !
Il faut associer la qualité de l’expérience avec des produits de qualité.
Même si le produit est excellent ou à un prix défiant toute concurrence, si le suivi client n’est pas de qualité, l’image qu’il en aura sera dégradée.
Un exemple concret : changer pour un nouvel interlocuteur !
Certains clients changent d’interlocuteurs d’assurance, en gardant leur contrat au sein de la même compagnie et sans demander une négociation de leur tarif. Ils ont eu une mauvaise expérience au sein de leur agence d’origine, que ce soit pour une mauvaise gestion de sinistre, de disponibilité des interlocuteurs. Ils souhaitent uniquement avoir une meilleure relation avec un nouvel interlocuteur, qui sera disponible, pourra le conseiller et mieux gérer ses demandes.
Je pense que nous pouvons conclure sur le fait qu’un produit de qualité, une compagnie reconnue sont des arguments importants dans le secteur de l’assurance mais cela n’est pas suffisant. L’expérience clients doit être tout aussi importante voire plus que le reste. Pour être de qualité, elle s’accompagnera d’outils informatiques efficaces, rapides, intuitifs et disponibles avec des interlocuteurs formés, accessibles, ayant comme premier engagement de fournir le meilleur service client.
Jean-Luc Gambey – L’assurance en Mouvement / Vovoxx
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