L’égalité entre les hommes et les femmes a été déclarée grande cause du quinquennat d’Emmanuel Macron. Dix ans tout juste après la loi Copé-Zimmermann qui a imposé des quotas de femmes dans les conseils d’administration, une loi est en cours de discussion à l’Assemblée Nationale, elle prévoit notamment en son article 7, d’étendre les quotas aux « 10 % des postes à plus forte responsabilité » au sein des entreprises de plus de 1000 salariés, afin d’atteindre une proportion minimale de 30 % de femmes parmi ces postes d’ici 2027 et de 40 % en 2030. Par ailleurs c’est à Paris, au début de l’été, que va se tenir le Forum génération égalité*, un rassemblement mondial pour l’égalité entre les femmes et les hommes, organisé par ONU Femmes.
Sur ce sujet, nous avons sollicité une vingtaine d’acteurs du secteur de l’assurance. Damien Dumas – Directeur de la stratégie en charge de la RSE du Groupe APICIL répond à nos questions.
Le secteur de l’assurance, dans toutes ses composantes, vous semble-il en retard par rapport à d’autres secteurs, sur la parité en général et spécifiquement dans les instances dirigeantes des grandes entreprises ?
La question de la parité est un élément central au sein de toute entreprise. Dans le secteur de l’assurance, bien que le chemin soit encore long, il convient de rappeler que beaucoup d’efforts ont été réalisés. Selon l’Observatoire de l’évolution des métiers de l’assurance, les femmes occupaient 32,2 % des postes de cadres de direction de la branche assurance en 2019. Il s’agit d’une progression de 10,1 points depuis 10 ans.
Les femmes se sont effectivement imposées dans les comités de direction en commençant dans les couches managériales intermédiaires. Plusieurs facteurs ont contribué à cette féminisation au sein du secteur assurance :
- Leur évolution progressive en interne.
- Une diversification des postes occupés. Les femmes ne sont plus déléguées aux seuls postes de ressources humaines, communication ou markéting.
- Les décisions gouvernementales telle que l’index égalité femmes/hommes qui permet aux entreprises de mesurer les écarts de rémunération et de mettre en évidence les points de progression sur lesquels agir quand ces disparités sont injustifiées. Autre loi permettant d’œuvrer à un monde du travail plus paritaire : la loi Copé-Zimmermann du 27 janvier 2011, qui prévoit que la proportion d’hommes et de femmes dans les conseils d’administration et de surveillance des moyennes et grandes entreprises ne peut être inférieure à 40%.
Incontestablement, le monde de l’assurance se distingue puisque les comités de direction se féminisent plus vite qu’ailleurs. Le secteur n’était probablement pas concerné par la déclaration du ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, devant l’Assemblée nationale, en janvier dernier : « Nous avons la réalité d’une situation qui ne s’améliore pas assez vite. Ni sur l’égalité salariale, ni sur des postes de direction ». La marge de progression reste cependant importante et le secteur de l’assurance doit aller encore plus loin.
Que pensez-vous de cette proposition de loi (proposition de loi pour accélérer la parité dans les entreprises)? Du principe des quotas ?
Pour avancer en matière de parité, la mise en place de quotas est malheureusement une nécessité sinon les progressions seront minimes et surtout pas assez rapides. L’article 7 de cette proposition de loi qui prévoit que, d’ici 2027, les entreprises de plus de 1 000 salariés comptent 30% de femmes parmi leurs cadres dirigeants, puis 40% d’ici 2030, est donc une très bonne chose. Son entrée en vigueur obligera les entreprises à pleinement s’engager sur la question et à mettre en place des actions concrètes. Force est de constater que 10 ans après son entrée en vigueur, la loi Copé-Zimmermann a un bilan positif. Alors qu’elle imposait un quota de 40% de femmes dans les conseils d’administration et de surveillance, ce sont aujourd’hui 43,6% de femmes qui composent les conseils du SBF 120 (source : Observatoire sur la gouvernance des sociétés cotées Ethics & Boards). Et il faut se rappeler que nous partions de loin : la part des femmes dans les conseils n’était que de 8,5% en 2007. Le chemin reste cependant encore long, tout particulièrement dans les PME qui ne sont pas concernées par ces textes législatifs et dans lesquelles la part de femmes dans leurs conseils n’est de seulement 28,3% (source : étude Afeca).
Dans votre entreprise, quelle est la situation actuelle, vos convictions et surtout les décisions prises en la matière ?
APICIL est un groupe de protection sociale. Nous avons été créé en 1938 par la volonté commune de chefs d’entreprises et de syndicats de mettre en œuvre des systèmes de solidarité, visant à protéger les salariés et leurs proches face aux aléas de la vie. La dimension sociale et sociétale a toujours été essentielle dans le fonctionnement et la gouvernance du Groupe.
En 2021, nous avons franchi un nouveau cap en faisant de l’inclusion un élément de notre nouveau plan stratégique Horizon 2024 en déclinaison de notre raison d’être : « Par une relation proche et attentionnée, soutenir toutes les vies, toute la vie ». Plus que de se vouloir exemplaire en matière d’inclusion, il s’agit d’éveiller les consciences et de mobiliser les énergies. Le Groupe APICIL travaille pour progresser en la matière et inciter tous les autres acteurs à faire de même. Nous avons mis en place des actions concrètes afin de respecter nos engagements en faveur de l’inclusion et la question de l’égalité femmes/hommes en est une partie intégrante. A titre d’exemple, nous avons conclu un accord Egalité professionnelle et afin de révéler les potentiels féminins au sein de l’organisation, un programme de formation dédié au leadership « Potentiel.le.s » a été lancé.
Au-delà de cette volonté politique et sociale, la parité est-elle indispensable dans la transformation de l’entreprise ? Et la diversité ?
La diversité et la parité sont indispensables à la transformation des organisations. Notre sondage réalisé avec OpinionWay et publié fin mai sur « Les Français et l’inclusion » montre que les entreprises ont un rôle majeur à jouer pour que la société soit plus inclusive (82% expriment cette opinion). Et elles doivent d’autant plus agir dans ce domaine que cela leur est bénéfique. Plus de six Français sur dix perçoivent ainsi l’inclusion comme une richesse pour les entreprises (69%), comme un facteur d’innovation (64%) ou de performance (61%). Des talents aux profils diversifiés constituent en effet une véritable valeur ajoutée pour les entreprises. Par exemple, la présence de femmes à des postes de direction permet de diversifier les styles de management, de favoriser la créativité, tout en renvoyant une image d’ouverture à laquelle sont sensibles les talents, les clients, les partenaires, ce qui au final ne sera que bénéfique en termes de business.
Pour conclure ?
La crise sanitaire, économique et sociale que nous avons vécue est un facteur qui a aggravé les inégalités. Selon notre sondage sur les Français et l’inclusion, les femmes, qui auraient été pénalisées par la généralisation du télétravail, estiment à hauteur de 53% que la crise sanitaire a eu un impact négatif sur les discriminations hommes-femmes (18% très négatif), 8 points de plus que la moyenne. Bien qu’il existe certains progrès en matière de parité, le contexte actuel doit nous rappeler combien il est important de rester vigilant face à la recrudescence d’inégalités au sein du monde professionnel.
Propos recueillis par L’assurance en Mouvement / Vovoxx.
*Inscrivez-vous pour participer au Forum de Paris en ligne du 30 juin au 2 juillet. L’inscription est gratuite et vous donne accès à toutes les réunions, les discours et les événements auxquels participeront des dirigeants et des militants du monde entier.