Entre politique de santé publique et rôle des complémentaires santé, Claude Evin, avocat et ancien ministre de la santé évoque ses convictions*. Contenu réalisé dans le cadre de l’ouvrage** « Dessine-moi une complémentaire santé », co-production Carte Blanche Partenaires et Vovoxx.
Comment voyez-vous fondamentalement le rôle de la politique sur les stratégies nationales de santé publique ?
La politique de santé publique se doit d’avoir des engagements forts et durables et doit intervenir sur trois tableaux complémentaires : la réduction des inégalités de santé, la prévention et l’accès aux soins. La politique de santé publique doit également s’inscrire dans la durée et concerne simultanément un certain nombre de politiques publiques : l’environnement, le travail, le logement, la lutte contre le tabagisme… La politique de santé publique doit garantir l’accessibilité, quel que soit notre lieu d’habitation. Il est indispensable d’avoir accès à des soins de qualité tout en se posant, bien-sûr, la question de son financement qui doit être abordée avec intelligence et efficience.
L’État définit les politiques de santé et les politiques de financement via la loi de financement de la Sécurité sociale, votée chaque année. L’état, garant de l’intérêt public et de l’amélioration de l’état sanitaire de la population, doit tout mettre en œuvre pour assurer la plus grande égalité face à la maladie, améliorer la qualité des soins, promouvoir la santé publique, et moderniser notre système. Au-delà, la multiplicité des acteurs aux périmètres d’intervention et aux statuts très divers rend finalement le système de santé français particulièrement complexe avec une incidence probablement négative sur sa lisibilité. Est-ce que l’efficacité, l’efficience, de notre système de santé devraient/pourraient être améliorées ?
Notre système a des fragilités, le premier étant son cloisonnement qui a pour conséquence de ne pas faire travailler ensemble tous les acteurs, autour du patient. Notre système de santé est riche en termes d’acteurs mais il est insuffisamment organisé, coordonné. Il suffit de regarder aujourd’hui le parcours du patient qui dans beaucoup de cas a la nécessité de multiples contacts avec des typologies d’acteurs différentes. Il faut s’engager pour une meilleure organisation entre les différents acteurs pour faciliter, fluidifier le parcours du patient.
Vous évoquiez le parcours du patient. Quel est le rôle du patient ? Doit-il être acteur de son parcours de soins ?
Le patient est acteur de sa santé et de son parcours de soins, il est le premier concerné. Il est responsable de son comportement et il lui faut un environnement qui facilite son parcours de santé, de soins. De plus, il est nécessaire qu’il soit reconnu comme tel par tous les acteurs du soin. Il faut reconnaitre le droit au consentement, le consentement du patient doit être libre et éclairé. Il doit être informé et être capable de donner son avis.
Concernant la prévention, l’anticipation des risques de santé. Nous entendons qu’il faut sortir de la logique du « tout soin » et rééquilibrer les moyens en faveur de la prévention ?
La prévention santé ne peut pas être globalisée. Elle doit être ciblée en fonction des risques auxquels la population est confrontée. La prévention crée les conditions permettant d’éviter une pathologie ou le développement des pathologies. La prévention doit véritablement mobiliser tous les acteurs : l’état, les citoyens, les collectivités territoriales, l’Assurance Maladie, les complémentaires santé. Mais la prévention ne peut être dissociée des politiques publiques générales. Elle s’intègre dans une démarche globale qui touchent beaucoup de secteurs, par exemple le transport, le logement…
De votre point de vue, l’entreprise est-elle aussi un lieu privilégié d’actions de prévention ou de suivi ?
Bien sûr. Le salarié passe une majeure partie de son temps conscient dans l’entreprise. L’entreprise, lieu de production de richesse, a un rôle majeur de sensibilisation, de communication et d’action pour la prévention de certains risques pour ses collaborateurs. C’est d’ailleurs un intérêt partagé, car l’entreprise peut éviter l’apparition de certains risques et par exemple réduire l’absentéisme.
Comment voyez-vous l’articulation des actions de santé publique et celle des acteurs du secteur de l’Assurance ?
Les complémentaires santé, compte tenu de la proximité avec leurs assurés doivent proposer de la prévention et développer les services attendus. À défaut, il me semble que la complémentaire santé risque d’être totalement anonyme, sans caractéristiques particulières, sans valeur autre que celle de rembourser une petite partie
de certains soins. Les complémentaires santé qui ont une relation directe avec leurs assurés doivent proposer des actions, par exemple : comment est-il possible d’éviter une pathologie, comment est-il possible d’avoir accès à des soins de qualité ?
En complément des actions publiques nationales, locales et celles du régime obligatoire, selon vous, un acteur de la complémentaire santé (Assureur, Mutuelle, Institution de Prévoyance…) devrait-il également être présent dans l’ensemble du parcours de soins, de santé des assurés ?
Les complémentaires santé sont totalement légitimes de s’intégrer dans le parcours de santé et de soins de leurs assurés. Ce n’est pas un rôle dédié et unique, mais les complémentaires santé sont déjà financièrement et en matière de services, acteurs, avec d’autres, du parcours de santé. Il est utile de rappeler un point complémentaire très positif, et pour ce qui est spécifiquement le cas pour les Mutuelles. Elles sont animées par des militants qui s’engagent sur le terrain et leurs réseaux de proximité constituent un maillage territorial intéressant et fluide.
*Réalisé lors du 1er semestre 2020
**Co-production Carte Blanche Partenaires / L’assurance en Mouvement – Vovoxx