Gilbert Fitoussi, ancien CGP et consultant répond aux questions de Dessine-moi la gestion de patrimoine*.
Vous avez exercé l’activité de CGP pendant de nombreuses années et votre cabinet a été un précurseur dans le domaine de la prévoyance. Pourquoi ce choix ?
Je ne sais pas si j’ai été précurseur. Pour ma part, j’ai débuté ma carrière dans l’assurance au sein d’un réseau salarié spécialisé en prévoyance–retraite mais qui, à cette époque, ne pratiquait presque pas l’épargne. Je me suis pris au jeu et ai même élaboré mes propres logiciels, car je suis informaticien de formation. J’ai ensuite été repéré au sein du réseau pour développer la commercialisation de la prévoyance collective et de la prévoyance individuelle. Quand je me suis installé comme courtier, j’ai évolué vers l’épargne et la gestion de patrimoine, en étant convaincu qu’il fallait avant tout se préoccuper de la couverture de prévoyance de nos clients en cas d’arrêt de travail ou de décès. L’épargne doit venir ensuite en complément. Cette démarche me semble couler de source. Les membres du bureau de l’association à laquelle j’étais adhérent à l’époque savaient que j’avais une démarche spécifique, et ont dû reconnaitre mon activité en la matière.
Est-ce que vous ressentez une évolution dans les mentalités ?
Les CGP commencent à s’intéresser à la prévoyance individuelle, mais pas encore à la prévoyance collective, pour les petites entreprises, ce qui est dommage à mon avis. Beaucoup ne savent pas comment organiser dans leur cabinet cette activité qui est différente de celle de l’assurance vie traditionnelle. Il faut aussi faire passer le message que la prévoyance est une source de revenus stables pour les cabinets, peu dépendante des aléas de la conjoncture, moins consommatrice de temps de gestion par rapport à des reportings financiers. 2008, l’année de la crise boursière, a été une de mes meilleures années.
La prévoyance qui représentait 50 % de mon activité, a stabilisé mon chiffre d’affaires. Pourtant, cela ne m’a pas empêché d’avoir un peu de mal à vendre mon cabinet, pour deux raisons, d’une part, cette activité de prévoyance, individuelle ou collective, a freiné bon nombre d’acquéreurs potentiels ; d’autre part, elle est encore sous valorisée en coefficient par rapport à celle des encours sur l’épargne. Ce qui est une erreur, à mon avis, car lorsqu’un contrat est de qualité, il est peu souvent remis en question, et demeure stable.
Donc les mentalités évoluent, mais trop lentement je pense, alors que les clients sont, et vont l’être de plus en plus, demandeurs de conseils sur leur protection personnelle dans les années à venir.
Vous expliquez qu’il faut bien connaître les contrats. Que pensez-vous des offres actuelles ? Sont-elles accessibles au CGP ? Comment améliorer cette situation ?
Accessibles sans trop de difficulté. Bonnes, pas toujours. Grace à mon expérience, je sais qu’il y a de mauvais contrats ou en tous cas de mauvaises dispositions ou clauses insérées dans certaines conventions.
En prévoyance, il faut être attentif aux subtilités qui peuvent mettre à mal les garanties. Trop de conseillers font confiance à leur inspecteur de compagnies et commercialisent les yeux fermés par manque de connaissance du sujet. Nous revenons toujours à la formation, seule capable d’aider le CGP à refuser telle ou telle disposition du contrat et à changer de partenaires assureurs.
Au cours de ma vie professionnelle, j’ai passé une bonne partie de mon temps à reformuler des garanties dans l’intérêt de mes clients, ce qui est d’ailleurs une mission essentielle dans le courtage d’assurance, et ce bien avant la DDA. Un de mes cahiers des charges, qui avait entraîné une compagnie à créer des conditions générales pour mon cabinet, a finalement étendu ces conditions générales à tous ses contrats, devenant ainsi un standard pour ses partenaires courtiers.
Les offres ont des défauts, c’est au CGP d’être exigeant dans l’intérêt de son client mais aussi pour la pérennité de son portefeuille. À lui de construire son cahier des charges. Le problème est avant tout le poids que représente l’intermédiaire chez l’assureur. D’où l’intérêt pour les courtiers et CGP de s’unir pour constituer une force de proposition en face d’assureurs de grande taille. Mais il ne faut pas avoir peur. En maîtrisant la jurisprudence, on peut apporter des correctifs et expliquer à l’assureur que l’on ne veut pas de ses conditions standards.
Mon rôle de consultant aujourd’hui m’amène à travailler ces sujets avec les entreprises, pour leurs contrats collectifs, et avec mes anciens confrères pour les aider à être exigeants dans ce sens. Si j’arrivais à transmettre mon savoir et mon savoir-faire, j’aurais essayé d’œuvrer pour la profession et j’en serais heureux.
*Publication de l’ITW réalisé pour l’ouvrage diffusé en Octobre 2020 « Dessine-moi la gestion de patrimoine », produit par Vovoxx, Plateforme collaborative de production et de diffusion de contenus : Assurance, Banque, Epargne, Prévoyance.