Guy Marty, fondateur de Pierrepapier.fr et Président d’Honneur de L’Institut de l’épargne immobilière et foncière répond aux questions de Dessine-moi la gestion de patrimoine*.
Comment un conseiller peut-il aborder le marché immobilier avec ses clients dans cet environnement de crise ?
En étant transparent et en évitant surtout d’établir des projections hasardeuses à partir du passé. L’immobilier n’a pas connu de crise depuis celle des années 1990, qui fut d’ailleurs la seule crise d’ampleur de l’après-guerre et les comparaisons avec la situation actuelle ne sont pas évidentes. Notamment Il y a trente ans, les taux étaient
très élevés. Aujourd’hui personne ne peut s’avancer sur l’ampleur de la secousse au niveau économique compte tenu du nombre d’inconnues. Certains facteurs s’avèrent positifs comme notamment la réaction des dirigeants politiques qui ont pris un peu partout dans le monde des mesures énergiques pour soutenir l’entreprise, mais il convient
d’attendre leur mise en œuvre réelle. Par ailleurs, il faut désormais intégrer dans l’équation le paramètre du digital et du traitement des opérations à distance avec le télétravail, pour lesquels nous n’avons aucun recul.
Face à leurs clients, les conseillers doivent mettre sur la table toutes les inconnues. Cela est vrai dans l’immobilier comme dans d’autres secteurs d’investissements. Mais l’immobilier conserve une vertu majeure, celle de constituer pour les acquéreurs une épargne forcée grâce au crédit immobilier. Voilà pourquoi il gardera son pouvoir d’attraction, notamment chez les jeunes.
Sur le site Pierrepapier.fr, vous avez évoqué le télétravail. Quel peut être son impact sur l’immobilier ?
Comme je l’ai souligné en effet, le télétravail aurait pu prendre de nombreuses années à s’intégrer dans la vie économique. Mais le coronavirus nous a permis de réaliser un stage intensif. Beaucoup se sont précipités pour affirmer que le travail à distance allait tuer l’immobilier de bureau. La réalité est plus subtile. Il est fort probable que l’on se dirige vers une société de télétravail à hauteur de deux ou trois jours par semaine pour préserver à la fois l’avantage du digital et celui des échanges en présence réelle, ce qui va conduire à limiter les surfaces occupées. Mais d’un autre côté, les besoins en salles de réunion ou de convivialité vont être importants, sans compter les règles de distanciation physique. Même chose pour le résidentiel. Certains endroits pourront subir une désaffection, on pense d’emblée aux centre villes qui risquent de perdre un peu de leur pouvoir d’attraction et d’autres, abandonnés jusqu’à présent, qui seront plus recherchés. En résumé, il y aura des rééquilibrages, mais, quel que soit le scénario, nous nous situons sur des évolutions lentes. À court terme, personne ne peut affirmer, compte tenu de l’ampleur de la crise, que les prix ne vont pas baisser, d’autant que nous avions atteint des points hauts. Montée du chômage, resserrement des conditions des crédits, report d’investissements des clients, sont autant de facteurs pouvant entraîner une baisse des prix dans les prochains mois. Mais encore une fois, si l’on se situe sur du long terme, il n’y a pas de raison d’interrompre les projets en cours.
Reste la question de la valeur. Quelles seront les normes indispensables qui permettront de la définir demain ? Avec le télétravail et la transition écologique, dont il est beaucoup question de nos jours, certains biens auront besoin d’investissements pour rester concurrentiels. Aussi, il sera sans doute nécessaire de revoir les critères de valorisation de l’immobilier.
Les produits collectifs – SCPI, OPCI – conservent-ils leurs atouts ?
Dans l’absolu, l’immobilier conserve tout son attrait. Il est vrai que son statut psychologique de valeur refuge pourrait amortir le choc. Mais faut-il se précipiter ?
Je ne le pense pas. Pour les détenteurs d’épargne, il est opportun, plus que jamais, de jouer la carte de l’investissement progressif. Cette approche patrimoniale classique est particulièrement bien adaptée en période de turbulences, y compris pour l’immobilier. Rien n’interdit de mettre en place un plan d’acquisition de parts de SCPI ou d’OPCI, en direct ou dans un contrat d’assurance vie en gardant toujours cette optique de long terme, avec un versement mensuel. Ajoutons que les véhicules collectifs conservent tout leur intérêt dans la mesure où l’épargnant achète des actifs immobiliers gérés par des professionnels. La diversification sur de nombreux immeubles et locataires est important au moment où les critères de localisation ou de qualité pourraient évoluer. Le patrimoine y est entretenu ou transformé pour rester concurrentiel, ce qui est plus difficile dans le cas d’un investissement immobilier individuel.
*Publication de l’ITW réalisé pour l’ouvrage diffusé en Octobre 2020 « Dessine-moi la gestion de patrimoine », produit par Vovoxx, Plateforme collaborative de production et de diffusion de contenus : Assurance, Banque, Epargne, Prévoyance.