Deux groupes à des moments différents d’un processus de rapprochement partagent leur réalité, leurs convictions et leurs doutes dans la gestion de la crise sanitaire.
Cette réflexion est issue d’une série d’échanges cross-atlantique que PMP a eu le privilège d’organiser entre des acteurs du secteur assurantiel. Nous avons ainsi pu être témoin des réflexions et discussions entre Nathalie Christiaen et Siham Harroussi de Malakoff Humanis (France) et Martin Robert de Beneva, anciennement SSQ (Québec, Canada).
La crise sanitaire un formidable accélérateur de transformation
Force est de constater, tous les jours, que cette crise a mis de l’avant et accéléré la nécessité de repenser l’organisation dans ses multiples dimensions, en particulier pour tout ce qui a trait au travail et au lien social. Si l’adaptation s’est faite à marche forcée pour l’industrie assurantielle, la réflexion sur l’organisation et le travail de demain émerge naturellement. Nous aimerions aujourd’hui partager avec vous quelques éléments clés issus de ces échanges entre deux acteurs aux temporalités et contextes différents mais confrontés aux mêmes enjeux.
Faire vivre le collectif et Donner des repères
Une fois passée la gestion de l’urgence et l’équipement nécessaire des employés – démarche qui a pu être considérable pour certains acteurs -, différentes actions ont été mises en place pour tenter de recréer un cadre organisationnel connu.
On peut relever par exemple la mise en place de points quotidiens au sein des équipes, la formation sur les nouveaux outils et sur les bonnes pratiques, la mise en place d’un soutien psychologique, etc. En revanche, d’autres actions nous ont semblé être les possibles prémices d’une transformation plus profonde. La mise en place de rencontres fréquentes avec le PDG, via une multitude de support (application interne, vidéo, appel conférences, etc.), et d’un chatbot pour les questions des employés nous indiquait, par exemple, une volonté de décloisonnement des équipes et de fil conducteur commun à l’ensemble de l’organisation – en plus des fonctions d’informations et de lien social. L’accompagnement des gestionnaires / managers par un programme de développement nous semble aussi clé. Ce programme avait pour objectif de les aider à créer du sens et de la collectivité dans le contexte de la pandémie et du confinement. Mais il est facile d’imaginer que ce sens et cette collectivité créés seront vitaux pour le retour au travail et la poursuite de l’activité post-Covid 19.
Veiller au moral des troupes et Piloter la Performance
Une fois la poursuite de l’activité organisée, le focus sur l’aspect social de l’organisation s’est accentué pour nos deux acteurs. La mesure régulière du moral des collaborateurs – si elle n’était pas déjà en place – a été organisée. Le sentiment d’appartenance a été adressé à travers la mise en place de rituels de rencontres et d’échanges aux différents échelons de l’entreprise. Il a aussi été adressé au niveau de l’embauche, d’abord mise en pause puis reprise avec une re-priorisation des postes et une revue des processus. À la clé ? Prendre en compte et mesurer le fit culturel dans la décision d’embauche pour faciliter l’intégration de la personne à l’équipe et l’organisation en général. Les deux acteurs ont choisi des gestions souples et humaines, pour tenir compte des réalités de leurs employés – présence des enfants, difficulté à travailler en distanciel, etc… Et la démarche semble avoir porté ses fruits lors de la première phase de la crise ; les différents indicateurs montrent, dans l’ensemble, une satisfaction grandissante, que ça soit le bien-être au travail, la fierté ou l’alignement avec l’organisation, etc.
Pourtant, la seconde partie de la crise s’est accompagnée d’une baisse de la productivité et du moral, avec le retour au bureau impossible, l’annulation d’évènements, ou encore la perte d’énergie liée à une adaptation constante aux évolutions du calendrier gouvernemental. L’approche choisie par SSQ lui a permis de limiter ce dernier point. En fixant une date de retour au bureau à l’été 2021 et en se détachant du calendrier gouvernemental, l’organisation s’est évitée des ajustements, la gestion des attentes et la déception des employés et s’est donné de l’espace pour se concentrer sur son rapprochement avec La Capitale (les deux organisations forment maintenant Beneva).
Inventer pour demain une nouvelle façon de travailler et Donner aux collaborateurs l’envie de retrouver le chemin de l’entreprise
Et avoir ce temps et cette énergie pour préparer la suite peut s’avérer clé. Pour nos interlocuteurs, le constat est clair : il n’y aura pas de retour en arrière. La crise a forcé l’adoption du travail à distance et son acceptation par le top management. Si le retour au bureau est souhaitable et nécessaire, ça ne sera pas fait à 100%. La réflexion pour le futur du travail est engagée. Comment tirer parti de ce mode d’organisation ? Est-ce une opportunité d’élargir son bassin géographique de recrutement ? Comment réorganiser le travail et les tâches avec cette nouvelle pratique ? Quels sont les temps clés d’échanges ? Quelles sont les pratiques créées à garder ? à supprimer ? Autant de questions qu’ils doivent adresser en construisant un monde du travail hybride, où présentiel et distanciel se côtoient.
À nos yeux, la crise a soulevé la question clé de l’évolution des organisations et la nécessité de passer à des modes plus ouverts, plus libres, basés sur la confiance et les échanges plutôt que sur une hiérarchie fermée. D’une contrainte logistique à un actif stratégique, le télétravail est essentiel pour mener à bien cette évolution et devrait constituer un élément clé de la stratégie de toute organisation.
Manon Tabourdeau et Rhalid Bouakhris, consultants seniors du cabinet de conseil PMP