David Charlet, Président de l’ANACOFI répond aux questions de Dessine-moi la gestion de patrimoine*.
Quelles sont les grandes évolutions auxquelles le métier de CGP va devoir faire face dans les années à venir ?
Aujourd’hui, nous pouvons imaginer que la crise va accélérer l’usage de toutes les solutions de travail à distance tout en rendant encore plus centraux, les besoins de conseil et de proximité. Elle amènera ceux qui n’ont pas envie de passer les 10 prochaines années à gérer une période difficile à se retirer et en même temps, projettera de nouveaux entrants vers notre monde, en provenance des grands acteurs qui vont licencier.
La part de marché des CGP devrait progresser et la situation pourrait profiter aux grossistes et aux fournisseurs de services en provoquant une légère accélération de la concentration des entreprises déjà présentes qui sera compensée par des entrants.
Le sujet central des rémunérations devrait être reporté. Pour tous, le challenge se situe au niveau de la conformité qui engendre de la complexité et des coûts supplémentaires. Cela renforce à la fois le besoin d’adhérer à une association, le besoin de support et d‘acteurs de l’accompagnement, ou encore, d’offre de services.
Y-aura-t-il selon vous des évolutions dans les demandes des clients ? Est-ce que la clientèle des CGP peut changer ?
Comme lors des autres crises, nous devrions ouvrir le spectre de nos clients naturels et ces derniers pourraient, pendant un moment, être plus en demande de stratégie que d’investissements. Beaucoup pourraient chercher des formules sécuritaires et, pour la part à risques, préférer le « réel », donc des entreprises de proximité, principalement non-côtés.
Cependant, les effets de cette crise sur les comportements apparaissent plus complexes à analyser que lors des chocs précédents. Ainsi nous constatons d’autres phénomènes : à côté du fonds euro, la pierre papier est devenue un produit « demandé », près de 500 000 Français qui ne le faisaient jamais ont investi en bourse et les produits retraite fonctionnent plutôt bien en tant que solutions d’épargne longue dotées d’avantages
fiscaux. Le gros point d’interrogation reste l’immobilier. Mais les CGP qui représentent déjà presque 50 % des ventes de neuf devraient réussir, en s’adaptant, à dépasser les 5 % de l’ancien qu’ils intermédient aujourd’hui.
Comment les membres de votre association ont-ils vécu cette période inédite du printemps dernier où la distanciation physique a été imposée ? A-t-elle modifié durablement la pratique de l’activité, notamment au travers des outils digitaux ? Comment percevez-vous cette digitalisation du métier ?
Leurs entreprises sont touchées naturellement mais elles n’ont pas été fermées. Les encours des CGP rétribuent le suivi des clients, même quand tout s’effondre. Surtout, les cabinets ont évolué et assimilé la technologie, chacun à leur niveau. Ils ont été capables de traiter les clients dès le premier jour de la crise sans jamais être contraints de les lâcher.
La crise et le confinement ont fait sauter les blocages qui existaient en matière d’usage de la technologie et de la visioconférence qui étaient souvent achetées mais peu utilisées. Ils n’ont pas accéléré la digitalisation mais son usage et sa maitrise. Néanmoins, la situation a empêché une certaine production qui ne se rattrapera pas forcément faute de temps. Or nous savons que 50 % du chiffre d’affaires d’une entreprise de Gestion de
Patrimoine provient des affaires nouvelles. N’oublions pas que la majorité des clients patrimoniaux veulent de l’humain pour certaines prestations.
Le conseil en gestion de patrimoine en cabinets peut-il séduire les jeunes générations ? Y-a-t-il de la place pour de nouveaux entrants ? Quels types de profils, selon vous, pourront le mieux réussir demain ? Quelle est votre action dans ce domaine ?
Notre métier attire, le nombre de diplômes en alternance le prouve avec des nouvelles générations plus techniques et plus digitales. Oui, il y a de la place pour les nouveaux entrants. Nos entreprises recrutent, souvent des quadra reconvertis qui rachètent un cabinet ou qui se lancent avec une base de clientèle provenant de leur ancienne activité. La Tech nait également chez nous, s’y plait et ces nouveaux acteurs trouvent des partenaires, parfois des vieux cabinets très présentiels. Tant que nous gagnons des parts de marchés, tant que des citoyens veulent être aidés, nous avons de la place pour tous les modèles, à la condition qu’ils soient réfléchis.
Quelles sont les demandes de vos membres pour la période qui s’ouvre ? De votre côté, quelles actions avez-vous entreprises et/ou comptez-vous entreprendre dans les mois qui viennent, au sein de votre association pour accompagner les CGP dans ce nouvel environnement ?
Nos membres nous demandent d’abord de l’accompagnement et de l’information, ce que nous avons entrepris à grande échelle grâce au maintien de tous nos salariés et l’engagement de nos réserves. Ils réclament aussi du soutien et à ce titre, nous les avons défendus devant plusieurs institutions qui, à notre avis, les traitaient mal.
Nous avons en même temps porté leur voix aux plus hauts niveaux en donnant notre avis sur les solutions permettant d’aider à la reprise et faire en sorte que notre profession ne soit pas oubliée dans les mesures d’urgence. L’objectif est d’occuper le terrain dans cette période compliquée, à distance bien sûr, mais sans oublier le présentiel à chaque fois que cela est possible. En 15 ans, nous avons créé la première association d’Europe et lui avons donné des moyens en imaginant qu’un jour il faudrait résister à une crise. La crise est là. Nous ferons tout ce que le travail passé à l’anticiper nous permettra de réaliser pour aider nos membres et au-delà.
*Publication de l’ITW réalisé pour l’ouvrage diffusé en Octobre 2020 « Dessine-moi la gestion de patrimoine », produit par Vovoxx, Plateforme collaborative de production et de diffusion de contenus : Assurance, Banque, Epargne, Prévoyance.