Valoriser l’évolution de l’activité des cabinets de conseil en gestion de patrimoine à travers les témoignages des représentants de la profession, se projeter, au-delà d’une actualité particulièrement préoccupante, sur le métier, en donnant la parole à ses principaux acteurs, demander leurs avis à des personnalités du secteur, juristes, économistes ou chefs d’entreprise de prestations de services, sur leur vision du conseiller patrimonial de demain, tel est l’objet du premier ouvrage, à vocation prospective « Dessine-moi la Gestion de Patrimoine »*.
Selon le Livre blanc du spécialiste de la profession Aprédia, les CGP « indépendants » n’ont cessé de progresser en nombre sur les deux dernières décennies. Ils étaient 3 437 cabinets en exercice à fin 2019, contre 2 247 en 2010 et seulement 1 200 en l’an 2000. Cette progression mérite d’être soulignée. Sur cette période, en effet, les CGP ont fait face à de nombreux chocs de natures différentes à commencer par deux crises boursières et financières majeures, celle des valeurs technologiques du début des années 2000 et celle des subprimes de 2018. Après l’abandon en rase campagne du projet de constitution d’un Ordre professionnel qui aurait pu harmoniser leur cadre d’intervention, ils ont poursuivi leur route autour des différents statuts dans un corpus réglementaire (Priip’s, MiF, DDA et RGPD) de plus en plus lourd qui les soumet à plusieurs législations (Code des Assurances, Code Monétaire et Financier, Code de la Consommation, Lois Hoguet et ALUR) et à deux autorités de contrôle, (ACPR et AMF).
Enfin, ils n’ont pas été épargnés par la concurrence féroce que leur livrent les institutions financières, même si parfois celles-ci sont leurs partenaires, qui ont développé des départements spécialisés pour traiter leurs clients patrimoniaux.
La crise sanitaire de 2020, qui n’est pas achevée et dont les prolongements économiques commencent seulement à produire leurs effets, ne sera pas sans conséquences sur leur activité, même s’il est encore trop tôt pour en mesurer l’impact réel. Mais il semble que les cabinets de CGP, entreprises de petite taille, plus de 80 % d’entre elles étant composées de 1 à 2 conseillers dirigeant inclus, aient bien résisté pendant la longue période de confinement du printemps dernier, preuve de la solidité des liens noués avec leurs clients et de leur capacité d’adaptation voire leur agilité à se mouvoir dans un contexte inédit. Traverser la passe sans trop de dégâts n’aurait pas été possible sans l’utilisation des outils digitaux. Ces derniers sont à présent ancrés dans le quotidien des cabinets. Si par le passé, les CGP ont pu être dubitatifs sur la digitalisation, nul doute que ce sont eux qui mettront demain la pression sur leurs fournisseurs pour qu’elle s’accélère.
Quelles sont les grandes évolutions auxquelles le métier de CGP va devoir faire face dans les années à venir ?
Au travers de cet ouvrage, les acteurs interrogés se sont livrés à l’exercice délicat de l’anticipation, et nous les en remercions. Leurs regards croisés sur les questions économiques, les solutions de placement ou d’assurance et les relations clients permettent d’esquisser l’avenir de leur métier. Il en ressort qu’à court terme, cet avenir sera, personne n’en doute, compliqué et difficile à expliquer à la clientèle patrimoniale. Liquidités abondantes grâce aux banques centrales, explosions des déficits publics, récession de grande ampleur, taux d’intérêt au plancher, le cocktail du nouveau monde économique post Covid « se risque dans le bizarre », pour reprendre une célèbre réplique du cinéma français.
À long terme, les problématiques de fond n’ont pas disparu avec la Covid. La prévoyance et la retraite vont prendre plus de place pour les cabinets qui souhaitent se développer et rajeunir leur clientèle. Dans le même temps, la question du vieil âge sera aussi au cœur des préoccupations dans la mesure où elle réclame de nouvelles compétences juridiques et techniques. Retraite, prévoyance, perte d’autonomie, entraînent la mise en place de solutions qui ne sont pas sans incidences sur le modèle économique des cabinets.
Demain, il faudra toujours financer les entreprises en cherchant des secteurs porteurs et en faisant confiance à des acteurs sérieux. Enfin, il y aura de nouvelles attentes sociétales, avec une clientèle qui sera plus sensible à une croissance respectueuse de l’environnement pour peu que l’on sache la convaincre. Les jeunes générations joueront un rôle déterminant dans ce domaine. Des jeunes qui, si l’on en croit nos interlocuteurs, sont de plus en plus nombreux à être attirés vers le conseil patrimonial en cabinet… , ce qui est certainement l’un des grands messages positifs de ce premier « Dessine-moi la gestion de Patrimoine ».
Jean-Charles Naimi
*Publication de l’édito réalisé pour l’ouvrage « Dessine-moi la gestion de patrimoine », produit par Vovoxx, Plateforme collaborative de production et de diffusion de contenus : Assurance, Banque, Epargne, Prévoyance