Olivier Farouz, vous êtes, Président Directeur Général de Predictis et Président de Groupe Premium. Nous entendons beaucoup parler du chef d’entreprise que vous êtes. Par ailleurs, nous entendons également beaucoup parler, en ce moment de la raison d’être des entreprises. Olivier Farouz, quelle est aujourd’hui votre raison d’être ?
En effet, depuis l’intégration en 2019 dans la loi PACTE du label « société à mission » , de plus en plus d’entreprises ont précisé publiquement leur raison d’être, ainsi que leurs objectifs sociaux et environnementaux. De mon côté, je suis 100% d’accord avec Emmanuel Faber, PDG de Danone, lorsqu’il affirme qu’une entreprise ne peut exister sans utilité sociale. C’est d’ailleurs ce que je répète à longueur de journée à mes collaborateurs et partenaires : la retraite est le sujet de préoccupation majeur en France après le chômage. Dans ce contexte, au sein de Predictis et Capfinances, nos filiales de courtage en assurances, nous avons un rôle social à jouer en termes de conseil et d’aide à la préparation de la retraite.
Au-delà de cette mission liée à notre activité, en interne, nous nous devons de montrer l’exemple en développant la méritocratie, la mixité et la diversité, afin de contribuer à notre échelle à l’évolution positive de la société. Au sein des entreprises du Groupe, nous développons et mettons en pratique ces valeurs depuis toujours. Selon moi, cet engagement social et sociétal est primordial.
En externe, nous souhaitons aller encore plus loin dans les mois et années à venir. Je pense notamment à notre action de mécénat auprès d’APHP lancée en fin d’année 2019 : nous nous sommes engagés à reverser 100.000 € au long de l’année 2020 pour soutenir la recherche, via notre filiale Predictis, et avons livré durant le confinement 1000 petits-déjeuners par jour aux Hôpitaux d’Ile de France.
Vous héritez cela de votre enfance ?
Ces valeurs et engagements sociaux et sociétaux trouvent leur essence même dans mon parcours, fortement imprégné d’humanité, de diversité et de solidarité. Ayant grandi dans les HLM des Saules à Orly, ville comprenant 69% de logements sociaux à l’époque, puis à Choisi le Roi, j’ai évolué dans cet environnement, et ai été témoin d’une solidarité très affirmée dans les banlieues. Mon père, Paul Farouz, est un élu de gauche depuis 40 ans. Même si je ne partage pas certains points de vue, notamment en terme économique, j’ai une véritable admiration pour les valeurs sociales inculquées par mes parents durant mon enfance. Mon père a toujours énormément œuvré pour le mélange des cultures. Juif pied noir, il a été le premier élu de France à créer un carré musulman au cimetière de la ville d’Orly, considérant que ces initiatives devaient être initiées par la France, et non par des organisations extérieures. Nul doute que cette enfance a forgé des convictions fortes, ainsi qu’une raison d’être, qui se retrouvent dans ma façon de concevoir les relations, qu’elles soient personnelles ou professionnelles.
Après l’obtention d’un Bac C (scientifique) au Lycée Guillaume Apollinaire à Thiais, j’ai intégré une école de commerce parisienne, l’IPAG, et obtenu un diplôme en Marketing et Finance en 1995 à l’Université de Munich. Après une expérience professionnelle aux Etats-Unis, puis l’obtention de mon Master II, j’ai débuté ma carrière au service Marketing du Plaza Athénée, avant de m’orienter par hasard vers le secteur de l’assurance, dans une filiale du Crédit Mutuel. Secteur que je n’ai plus quitté depuis.
Vous évoquiez précédemment des valeurs personnelles, parties intégrantes de votre raison d’être. Se retrouvent-elles dans votre parcours professionnel ?
Il y a effectivement comme un effet miroir, entre ce que je suis, et ce que je concrétise dans le cadre de mon parcours professionnel. J’ai la chance de pouvoir être fidèle à qui je suis dans mes sphères personnelles et professionnelles, et pouvoir transmettre ces valeurs au quotidien.
Alors comment vivez-vous ces valeurs dans vos entreprises ?
Aujourd’hui en France, les parcours professionnels individuels sont largement déterminés par la conjonction de deux facteurs ; la situation socio-professionnelle des parents, et le diplôme initial obtenu. Ce constat laisse peu d’opportunités pour évoluer au cours de la vie. C’est en cela que les entreprises ont un rôle clé à jouer pour réparer l’ascenseur social, aussi bien par leur politique de recrutement, de formation que de promotion interne. Dans chacune des entreprises du Groupe Premium sont érigées en tant que valeurs fondamentales l’ouverture d’esprit, la diversité, l’égalité des chances et la solidarité. J’exècre toute discrimination, qu’elle soit évidemment négative mais aussi positive. Je considère qu’un futur collaborateur doit être jugé uniquement et exclusivement sur ses compétences et sa motivation.
Dans le secteur de l’assurance, cette vision est neuve, voir inexistante. Depuis le début de ma carrière, il y a plus de 25 ans, je m’efforce d’ouvrir ce métier à des personnes de tous âges, cultures et origines. De plus, j’ai la conviction que les entreprises pourraient fortement gagner en performance si elles réussissaient à lever les barrières à la mobilité sociale, et si elles favorisaient le brassage de population. C’est ce que nous pratiquons au sein de Groupe Premium.
Je suis d’ailleurs convaincu que c’est cette ouverture d’esprit, et la motivation hors norme de nos collaborateurs et partenaires, qui contribuent au dynamisme de notre groupe, dynamisme que l’on ne trouve nulle part ailleurs, avec notamment des taux de croissance inexistants sur le marché (CA multiplié par 2 depuis 2018).
Vous pourriez être le dirigeant d’une entreprise à mission ? (Telle qu’elle est définie dans la loi Pacte, l’entreprise à mission est une nouvelle forme de société commerciale qui intègre également dans ses statuts une finalité d’ordre social, sociétal ou environnemental)
J’éprouve une énorme satisfaction et un réel plaisir lorsque je vois un jeune collaborateur évoluer socialement, se découvrir une nouvelle vie, s’épanouir et se réaliser grâce au travail, et évoluer socialement. Pour répondre à votre question initiale, mon objectif et ma raison d’être en tant que PDG d’un groupe français, est de contribuer à casser les codes de la gestion de patrimoine, tenter de faire évoluer les mentalités, et participer à mon niveau à réparer un ascenseur social aujourd’hui en panne en France. Quand je parle d’ascenseur social, je ne parle pas d’offrir un « job » à un jeune, Uber peut le faire. Je parle véritablement d’offrir la possibilité aux jeunes d’accéder à un environnement différent, qu’ils puissent, grâce à leur travail, côtoyer des personnes et avoir une vie qu’ils n’auraient pas pu soupçonner ! C’est ce qui a été mon cas. A mes 22 ans, je n’imaginais pas pouvoir avoir l’évolution professionnelle et les responsabilités que j’ai eu en intégrant le monde de l’assurance. Mes convictions ne sont pas « déclaratives », elles se retrouvent dans le quotidien de mes entreprises. Une entreprise ne peut plus exister sans un rôle social. Je ne supporte plus l’idée que les métiers de l’assurance soient réservés quasi majoritairement à une infime catégorie de la population. Le secteur de l’assurance a un rôle social, et doit donc évoluer de ce point de vue. Il faudrait qu’il y ait une remise en question globale au niveau des entreprises, afin de développer et promouvoir la justice sociale et le partage de richesse. Par exemple, des modèles comme LVMH, où les richesses de la société sont concentrées sur une poignée de personnes, sont ancestraux et voués à l’échec car ils sclérosent l’économie. Au sein de Groupe Premium, 25% des collaborateurs et partenaires ont déjà eu accès au capital social de l’entreprise.
Interview réalisé le 03/09/2020 par Jean-Luc Gambey pour L’assurance en Mouvement / Vovoxx