Isabelle DELANGE, Présidente du Directoire SECURIMUT, filiale du Groupe Macif dédiée à l’assurance emprunteur immobilier, revient sur l’intérêt de la résiliation infra annuelle sur ce marché d’assurance, discutée actuellement dans le cadre du projet de loi ASAP.
Dans le cadre de l’examen du projet de loi sur l’Accélération et la Simplification de l’Action Publique (ASAP), les députés ont voté un amendement visant à permettre aux assurés de changer l’assurance-emprunteur de leur crédit immobilier à tout moment. En votant la résiliation infra annuelle, les députés sont allés plus loin que le projet de loi tel que voté par le Sénat en Février. Ce dispositif fera donc l’objet d’une discussion entre Députés et Sénateurs lors de la Commission Mixte Paritaire, le 21 ou le 22 octobre prochain.
SECURIMUT, expert de l’assurance emprunteur alternative, revient sur l’intérêt de la résiliation infra annuelle en assurance emprunteur, répond aux questions sous-jacentes et explique les avantages de cette mesure par rapport au projet de loi initial.
Le principe de résiliation infra annuelle
Depuis 2014, la résiliation infra annuelle s’applique aux assurances les plus courantes des particuliers, les contrats d’assurance automobile et habitation. Dès le 1er décembre, elle concernera également les contrats d’assurance de santé des particuliers.
Si des doutes avaient été relevés lors des discussions autour mise en œuvre de la résiliation infra annuelle avec la loi Hamon de 2014, nous constatons aujourd’hui que la possibilité de résiliation à tout moment ne modifie pas réellement le comportement des consommateurs face au changement. Ces derniers restent fidèles dès lors qu’ils ont trouvé l’assurance qui leur correspond, que ce soit en termes de rapport qualité-prix, de confiance dans la marque, de valeurs partagées ou d’expérience client.
Lorsqu’un assuré n’est plus satisfait, rien ne sert de chercher à le retenir malgré lui quelques mois de plus, au motif du respect d’une date d’échéance annuelle. Cette contrainte injustifiée n’a plus de sens aujourd’hui.
Ainsi, la résiliation infra annuelle n’a pas modifié le marché mais simplement apporté une plus grande souplesse dans les démarches des consommateurs.
L’assurance emprunteur : un marché cloisonné
À ce jour, l’assurance emprunteur est l’un des seuls contrats du particulier pour lesquels la résiliation infra annuelle n’est pas encore actée tout au long de la vie du contrat. Pourtant, cette assurance, qui concerne six millions de foyers emprunteurs en France, est l’une des plus onéreuses et souffre d’un déficit de concurrence.
En optant pour une assurance de prêt en dehors de sa banque, un emprunteur économisera plusieurs milliers d’euros sur la durée de son crédit, tout en bénéficiant de garanties égales, voire meilleures.
Pourtant, malgré 10 ans d’efforts du législateur pour ouvrir le marché de l’assurance emprunteur, le libre choix de cette assurance par le consommateur n’est toujours pas une réalité. En 2018, l’ACPR avait déjà dénoncé « l’existence de pratiques de nature à décourager les emprunteurs dans leurs démarches ou à différer la date du changement de contrat sollicité ». Plus récemment, une étude de SECURIMUT a montré que ces pratiques, peu respectueuses des droits des consommateurs, se poursuivent et tendent même à s’amplifier.
Pour garantir le libre choix des consommateurs et leur redonner ainsi du pouvoir d’achat, il convient de faciliter le changement d’assurance emprunteur et d’empêcher toute manœuvre dilatoire des prêteurs.
On ne peut se contenter d’observer une baisse de tarifs pour en conclure que le marché de l’assurance emprunteur se porte bien. L’essentiel est de savoir si les emprunteurs qui veulent changer d’assurance emprunteur y parviennent et si leur droit de choisir est bien respecté.
La fin d’un dispositif législatif complexe
En choisissant d’appliquer la résiliation infra annuelle à l’assurance emprunteur, le législateur simplifiera réellement le dispositif légal lié à cette assurance, en l’alignant sur les dispositifs qui ont déjà fait leurs preuves.
La résiliation infra annuelle permettra à tous les emprunteurs qui souhaitent changer leur assurance de prêt immobilier de le faire simplement.
C’est pourquoi, nous sommes très satisfaits du texte élaboré par les parlementaires qui sera soumis prochainement en Commission Mixte Paritaire. La résiliation infra annuelle nous semble être l’unique mesure permettant de protéger efficacement le droit de tous les emprunteurs à choisir leur assurance emprunteur et de le rendre enfin effectif.
En outre, ce dispositif devrait marquer la fin définitive des débats sur l’ouverture de ce marché, qui reviennent incessamment devant le législateur depuis dix ans.
Pleinement convaincue de l’effectivité de cette mesure, SECURIMUT a décidé de proposer la résiliation infra annuelle et ce quelle que soit l’issue des débats parlementaires.
Questions-réponses autour du projet de loi ASAP
La résiliation infra annuelle n’engendre-t-elle pas un risque de volatilité des tarifs ?
Non. Sur des marchés d’assurance où la marge est bien moindre qu’en assurance emprunteur, comme l’automobile ou l’habitation, la mise en place de la résiliation infra-annuelle n’a pas entrainé de hausse des prix et il n’y a pas de raison qu’il en soit autrement pour l’assurance emprunteur.
D’ailleurs, au fil des lois, le marché de l’assurance emprunteur a subi des baisses de tarifs régulières sur toutes les cibles. Ces baisses sont d’ailleurs plus importantes pour les contrats alternatifs pourtant moins margés que les contrats bancaires (sauf réduction discrétionnaire).
Dans un marché où il y a de la marge, la concurrence fait baisser les prix, au bénéfice du consommateur. À chaque nouvelle loi, les banques ont menacé d’augmenter les prix ou de ne plus pouvoir couvrir toutes les cibles. Pourtant, elles ont fait exactement le contraire : elles ont continué à baisser leurs prix et ont bataillé fermement pour ne pas laisser les emprunteurs choisir une assurance alternative.
Pour s’aligner sur les prix des assurances alternatives, les banques ont créé des contrats défensifs (contrats bancaires non standards proposant un meilleur tarif mais parfois avec moins de garanties) qu’elles proposent au moment du crédit si l’emprunteur souhaite prendre une assurance en dehors de la banque. Et, une fois le crédit en place, dès lors qu’elles reçoivent une demande de substitution, les banques proposent systématiquement une contre-offre dans laquelle elles alignent leur tarif sur celui proposé par l’assurance alternative ! La marge actuelle sur les produits d’assurance emprunteur bancaire est telle, qu’il n’y a aucune justification à une potentielle augmentation des prix.
En outre, à ce jour, on observe peu de rotation de portefeuilles des contrats d’assurance emprunteur même sur les contrats alternatifs. Dès lors qu’ils ont obtenu un contrat correspondant aux garanties exigées par la banque avec un tarif attractif, les emprunteurs restent plutôt fidèles. Quand on peut changer à tout moment, on ne change pas forcément plus souvent, mais on change plus facilement et en toute sécurité. Une fois le bon rapport qualité/prix obtenu, rares sont les emprunteurs qui décident de changer une nouvelle fois d’assurance de prêt immobilier.
La résiliation infra-annuelle peut-elle avoir un impact négatif sur les personnes vulnérables ?
En assurance emprunteur on peut considérer qu’il y a deux cibles plus « vulnérables », sachant qu’il s’agit tout de même de personnes ayant accès à la propriété :
Les emprunteurs moins aisés, souvent les plus jeunes, pour lesquels l’accès au crédit est complexe. Or ce sont ces cibles sur lesquelles les banques exigent le plus d’assurance et margent le plus. La concurrence leur est très bénéfique. Comme ils ne peuvent exercer leur droit de choisir leur assurance au moment de la souscription du crédit (loi Lagarde), leur pouvoir de négociation étant assez faible. Ils doivent être mieux protégés par la loi afin d’exercer leur droit de choisir leur assurance de prêt après la signature du crédit, dans le cadre d’une substitution, et pas seulement pendant la première année du crédit mais tout au long de celui-ci pour les raisons vues précédemment.
Les personnes malades ou ayant été malades, pour lesquelles la difficulté principale réside dans l’obtention de l’assurance emprunteur au moment de la souscription du crédit. La possibilité de changer d’assurance à tout moment ne diminuera pas leur capacité à obtenir une assurance initiale mais leur permettra d’économiser plus facilement, en bénéficiant notamment du droit à l’oubli, une fois les délais légaux passés.
Rappelons que les banques et les assureurs ont signé la convention AERAS (S’Assurer et Emprunter avec un Risque Aggravé de Santé) qui les oblige à soumettre tout refus d’assurance à un pool national commun, ce qui permet bien souvent de trouver une solution.
Les assureurs alternatifs ne ciblent-ils pas uniquement les meilleurs profils ?
On peut prendre le problème en sens inverse : la plupart des assureurs alternatifs se concentrent, aujourd’hui, sur la délégation au moment du crédit (Loi Lagarde) car la substitution reste trop complexe (sauf SECURIMUT qui s’est spécialisé en substitution et réalise les démarches pour le compte de ses clients via un mandat). Or, peu d’emprunteurs osent proposer à leur banquier une délégation d’assurance au moment du crédit et encore moins peuvent l’obtenir, les banques les menaçant de ne pas leur accorder le crédit ou d’en changer les conditions (hausse du taux d’intérêt…), malgré les interdictions légales de ce type de pratiques.
De fait, seuls les profils les plus aisés ont accès à la délégation. Il s’agit des emprunteurs qui connaissent leurs droits et qui sont en mesure de négocier avec la banque, souvent les catégories socio-professionnelles supérieures, d’où leur sur-représentation logique dans les portefeuilles des assureurs alternatifs. Pour les autres emprunteurs, qui ont un pouvoir de négociation plus faible, le banquier conseillera souvent de prendre l’assurance de la banque et de la conserver au moins un an… Et, passé la première année du crédit, la résiliation annuelle de l’assurance emprunteur reste très difficile, voire quasiment impossible pour un emprunteur seul face à sa banque.
Ainsi, la sur-représentation des catégories socio-professionnelles supérieures, n’est pas tant due à un problème de ciblage des assureurs alternatifs qu’au pouvoir de rétention de la banque.