Perte d’autonomie : il faut retrouver les vertus du collectif et de la mutualisation

Lundi 15 juin, l’Assemblée Nationale a adopté en première lecture le projet de loi relatif à la dette sociale et à l’autonomie. Les députés ont ainsi acté l’ouverture des travaux pour la création d’une nouvelle branche de la Sécurité sociale couvrant le risque de perte d’autonomie d’ici à la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021. Le texte précise que la perte d’autonomie ou le besoin de soutien à l’autonomie est un risque reconnu par la Nation lequel doit être pris en charge, à part entière, de manière universelle et solidaire par la Sécurité sociale dans l’esprit qui a présidé à sa création en 1945. Jean-Manuel Kupiec, conseiller du directeur général de l’OCIRP, donne les pistes possibles de financement public à défaut, au moins dans un premier temps, de recourir aux techniques assurancielles.
L’Assurance en Mouvement : Comment se présente le projet de loi relatif à l’Autonomie ?
Jean-Manuel Kupiec : Le texte pose les fondations de ce qui sera, compte tenu des éléments dont nous disposons aujourd’hui, plus une 5ième branche que la création d’un 5ième risque, dans la mesure où les organismes assureurs ne sont pas pour l’heure sollicités. C’est donc la Sécurité sociale qui garde la main sur le dossier. Mais le plus dur reste à venir, principalement la question du financement. Des réflexions ont été menées avec la possibilité d’un transfert de 0,15 % de cotisation sociale généralisée – CSG – de la Caisse d’amortissement de la dette sociale – CADES – vers la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie – CNSA – à partir de 2024. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le souligner récemment (lire : Perte d’autonomie : un projet de loi sans les assureurs, quel dommage !),  ces montants qui représentent un peu plus de 2 milliards d’euros sont insuffisants au regard des 10 milliards par an de besoin de financement de la perte d’autonomie.
Comment réaliser ce financement selon vous ?
J-M K : Si les assureurs ne sont pas dans la boucle, alors les solutions me paraissent limitées.
Il est possible d’augmenter la CSG. Cette cotisation est assez efficace car son assiette est large puisqu’elle regroupe notamment les salaires, les pensions de retraites et les revenus du patrimoine. Cette cotisation supplémentaire pourrait être déductible ou non de l’impôt sur le revenu.
Il est possible aussi d’augmenter la taxe de solidarité additionnelle, la TSA, applicable aux assureurs, ce qui renchérira le coût des complémentaires pour l’assuré. Il y a aussi l’approche par le déficit public, plus exactement celui de la Sécurité sociale, qui serait remboursé par la Contribution au remboursement de la dette sociale – CRDS -. Dans ce contexte, la CADES à de beau jour devant elle, bien au-delà des prévisions de 2033. La dette devient ainsi perpétuelle et se transmet de génération en génération. Pour être complet, il convient de signaler le recours toujours possible au patrimoine, à la fois immobilier et mobilier avec la possibilité du prêt viager hypothécaire avec rachat par la succession ou encore la sortie sans pénalité de l’assurance vie en cas de perte d’autonomie. Les solutions à titre individuel sont nombreuses, mais leur efficacité reste à prouver.
Un projet de financement par le biais d’une cotisation sur les complémentaires santé circule depuis plusieurs mois. Que peut-on en attendre ?
J-M K: Il s’agirait d’une solution universelle fondée sur la répartition provisionnée. Cette approche est réaliste, mais elle rencontre des oppositions. Une opposition patronale d’une part, qui ne met en avant le renchérissement du coût du travail et une opposition de certains organismes assureurs d’autre part, qui considèrent que les salariés doivent cotiser pour leur retraite et les retraites pour leur perte d’autonomie, au risque de réduire l’intérêt de la mutualisation.
La solution faisant appel aux cotisations sociales et collectives n’est, semble-t-il, pas à la mode, mais la crise du COVID 19 peut rebattre les cartes.
Je pense qu’il faut se rapprocher des branches professionnelles pour retrouver les vertus de la mutualisation en travaillant sur les aidants. Ces derniers sont la vraie porte d’entrée pour les contrats groupes, car ce sont des actifs présents dans les entreprises. Leurs difficultés ne peuvent pas seulement être traitées dans le cadre de l’action sociale. Sur le financement, le chemin sera long, mais les assureurs complémentaires sauront trouver leur place. Voilà pourquoi, il était important de poser les fondations de cette 5ième branche.
Interview effectué par Jean-Charles Naimi – Journaliste indépendant

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